jeudi 30 décembre 2004

L'Afrique n'est pas un continent

Tout d'abord victimes des colons, les Africains partaient ailleurs servir d'esclaves.
Puis ce fut les guerres, les famines, les génocides, la pauvreté, le sida.
L'Afrique ne cesse de perdre ses habitants.
L'Afrique fuit. L'Afrique coule.
L'Afrique est incontinent.

mercredi 29 décembre 2004

L'Homme rose

André habite avec Marie-Hélène depuis quelques mois déjà. Elle est comptable et aime le rouge, il est un peu lâche et il préfère recevoir un maigre chèque par la poste que de lécher les bottes d’un minable moustachu.

Entente informelle, André se tape la bouffe, Marie-Hélène se farcit la lessive. Quand arrive l'heure du «plus rien à mettre», elle oublie souvent de faire le tri des couleurs et la robe rouge se retrouve avec les vêtements pâles d’André. Il a tout d’abord connu les t-shirts roses. Puis les bas. Puis les caleçons, puis les pantalons. Après 6 mois de vie commune, André ne porte plus que du rose. Las de rappeler à Marie-Hélène les lois élémentaires de la lessive, André se décide finalement de la faire lui-même. Mais ce dernier est un peu lâche et sans le sou, je l’ai déjà dit, alors il ne renouvelle pas sa garde-robe. Aujourd’hui, en plus de faire les lavages, il ne porte que du rose.

Depuis quelque temps, Marie-Hélène suit des cours de danse sociale. Et son amant ne porte que du noir.

Attention, je vous écoute...

«[Je n'ai pas de blonde], mais j'ai une co-loc que je saoule de temps en temps.»
Laurence Lorca

lundi 27 décembre 2004

Aphorisme

À la naissance d'un enfant, on le présente ainsi: c'est une fille! 8 livres, 3 onces! Et tout est dit. Sexe, masse.
C'est fou comme la circonférence de notre personnalité est courte au seuil de la vie.

dimanche 26 décembre 2004

Attention, je vous écoute...

«C'est un matelas fait en mousse nasale.»
Gabrielle Paquette

(elle voulait dire fabriquée par la NASA...)

jeudi 23 décembre 2004

Aphorisme de Nouelle

Inspiré du blog de Jean-François du 21 décembre...

On est tous des Melchior, des Gaspar et des Balthazar: on suit les étoiles et on préfère donner à ceux qui sont déjà dieu...

mercredi 22 décembre 2004

Aphorisme

On met de l'argent de côté pour en avoir derrière soi.
Après on se demande pourquoi on tourne en rond...

lundi 20 décembre 2004

Fin de course

Devant moi, à 50 pas, un homme marche.
Si j’arrive au coin de la rue avant lui, j’ai gagné.
Mais les règles sont claires; je ne dois pas le toucher et je ne dois pas courir. En fait je ne dois rien laisser paraître. Alors je marche rapidement. Sans le mouvement olympique du bassin, mais très rapidement quand même. Malgré le trottoir mal déneigé, malgré mes sacs d’épicerie, malgré mon genou qui me fait un peu souffrir.

L’homme marche plus vite que je ne l’aurais cru, mais je me rapproche de lui.

Si j’arrive au coin avant lui, je suis le plus grand.

Je ne suis plus qu’à quelques mètres. Je vois la buée de son souffle, la foule retient le sien. J’entends le bruit que fait son manteau à chaque mouvement de bras. Swishhh! swishhh! 10 mètres et demi, swishhh! swishhh! 9 mètres... Le coin arrive rapidement. Au moment où j’essaie de doubler l’homme, 3 femmes et une poussette, lentes comme des reptiles, arrivent en sens contraire à sa hauteur. La droite est bloquée par une boîte postale. Saletés de cols bleus, pas foutus de déblayer le trottoir sur plus d’un mètre de largeur. Il ne reste que peu d’espace pour le doubler. La dernière tortue passe. Un sac devant moi, un sac derrière, je me faufile comme un hiéroglyphe. L’homme ralentit pour lire une annonce collée sur un poteau. C’est ma chance! J’évite le contact de justesse... Deux pas... Un...
Ça y est!!!
Je suis arrivé le premier!!!
Je suis le roi!!
La foule est en liesse!!!
J’ai gagné!!!
J’ai gagné...
J’ai gagné quoi?

Quand le feu est tourné au vert, j’ai laissé passer l’homme.
Il sifflait une chanson de Noël.

Et on est là à admirer les millions de cons qui arrivent les premiers au coin des rues.

vendredi 17 décembre 2004

Aphorisme

Écrire un journal (ou un blogue) intime relève beaucoup de l'exhibitionnisme anticipé. C'est un peu comme faire un strip-tease dans le noir et attendre que quelqu'un ouvre la lumière.

mardi 14 décembre 2004

La Résistance des liquides

Ce matin, au coin de Mont-Royal et Lanaudière, il y avait un petit océan d’eau brune. Quelque chose comme un sixième Grands Lacs. Peut-être était-il déjà colonisé par les moules zébrées. Mes cours de natation furent utiles; j’ai pu traverser sans faire un détour jusqu’à Rachel.

Une mer d’eau marron en hiver, à un coin de rue montréalais, il n’y a pas de quoi écrire à sa mère. J’ai donc rangé mon papier à lettre et continué à marcher sur les trottoirs glacés avec des bas mouillés qu'à chaque intersection, je faisais mariner un peu plus.

Il y aura sans doute un valeureux érudit qui me rappellera l’action du sel déglaçant ou de la chaleur des canalisations souterraines. N’empêche que ce matin, malgré les -10 C. que lançait le thermomètre, au coin des rues, l’eau restait liquide.

Il y a des jours où, malgré le bon sens et la logique élémentaire, la réalité refuse de se cristalliser.

lundi 13 décembre 2004

Quand le coeur fait boum...

Il s’appelait Toto, mais depuis toujours, tous l’appelaient TNT. Ses parents, ses amis, toutes celles qui ont partagé un tant soit peu sa vie l’appelaient comme cela. TNT. Il explosait pour un rien. Mèche courte, étincelle facile. Comme s’il protégeait une plaie. Un loup blessé. Tous pouvaient s’appuyer sur lui pourtant, mais il n’était pas reposant pour autant.

Il vivait comme dans la chanson de Neil Young «Na, na, hey, hey...»; il préférait exploser que tranquillement trépasser. Et quand le feu à l’intérieur de lui le faisait trop souffrir, il allait l’éteindre à grands coups de vodka au bar du coin. Certains soirs, les coups de vodka cédaient le pas aux coups de gueule, puis aux coups de poings. Avec le temps, ces soirs lui ont valu des cicatrices enviables et un nez un peu croche.

Toujours est-il que depuis quelque temps, TNT n’explose presque plus. Parfois pour le souvenir, sorte de nostalgie blessante. Mais il le regrette aussitôt. Il continue à boire de la vodka comme un pompier qui arrose une vieille grange abandonnée un soir d’été trop calme question de ne pas perdre la main. On est jamais trop prudent. Car cette fois-ci, TNT s’est bien promis de ne pas crever la fragile bulle sur laquelle il flotte depuis un moment.

vendredi 10 décembre 2004

J'ai le sommeil alerte...

Dans le travail d'un de mes étudiants (critique de la pièce de théâtre Circus Minimus):
«Un ton humoristique garde le spectateur endormi aux aguets.»

&%$&*/!

Un des avantages de la voiture sur l'autobus, c'est quand on s'approche en courant pour la prendre et qu'on n'est plus qu'à 10 mètres d'elle, on n'a jamais vu une voiture partir en faisant semblant de ne pas nous voir.

Attention, je vous écoute...

«J'ai bien assez des gosses des autres ces temps-ci.»
Diane Lebel

jeudi 9 décembre 2004

Quand Grévisse se fait philosophe...

Le mot amour est masculin au singulier, féminin au pluriel.
(et non singulier au masculin et pluriel au féminin, ce qui est fort différent!)
Interprétez cela comme vous le voulez.

J'ai toujours su que mon amour était le plus beau des plus belles...

mardi 7 décembre 2004

Boulevard des rêves Brisebois

Ha!
Voilà que j'apprends que Sue Sansregret (alias Zyriane) est en fait pATRICK BRISEBOIS. Je connais quelques mecs qui doivent être déçus...

Ainsi, la récente explosion du nombre de blogs ne serait-elle causée que par l'hyper activité de Brisebois? Serais-je moi-même un de ses multiples visages? Si jamais je parle de mort, je mets des photos de croix noires en feu et finis des blogs par des phrases du genre heg jxkf kkelrek sdjhfw jkui kjajkajf shfjwhfjhs, vous saurez...

lundi 6 décembre 2004

Hôtel, macaques japonais et tartare.

Dame V, un couple d’amis et moi sommes de retour de Québec. La dernière fois que j’y avais mis les pieds, c’était pour voir Dumas au festival d’été 2003. La fois d’avant, c’était pour me faire gazer par une troupe simiesque masquée au Sommet des Amériques. Mais les fois se suivent et ne se ressemblent pas, et cette année, c’est à l’hôtel que je logeais.

De toute ma vie, c’était ma deuxième expérience hôtelière. La première, c’était en Russie. Un choix paresseux. Parce que les autorités russes voulaient avoir une adresse où j’étais pour coucher à St-Petersbourg avant de m'accorder mon visa. Je n’avais pas d’amis russes, et dans les hôtels, impossible de réserver sans numéro de visa... Avant de virer fou, j’ai pris un formulaire bilingue (finnois-russe), j’ai aligné des lettres sur des lignes pointillées et j’ai payé dans une monnaie étrangère pour qu’un arnaqueur finlandais avec un nom rempli de trémas s’occupe de tout. Hyvää matka. Alors j’avais dormi dans une chambre nauséabonde d’un immense hôtel pré-kroutchevois choisi par le tas de trémas, d’où je pouvais voir la tombe de Dostoïevski au travers les émanations bleutées des Lada.

Anyway. Tout ça pour dire que j’étais à Québec cette fin de semaine. À l’hôtel. Avec mini bar à maxi prix, nouveau testament, fer à repasser, robe de chambre, tout le bataclan. J’ai eu des envies de cleptomanie toute la fin de semaine. Avant le resto, on s’est tapé quelques longueurs dans la piscine chauffée extérieure. Le corps au chaud, les cheveux gelés durs, comme des macaques japonais. Après on s’est payé un resto où le serveur a apporté un échantillon de tartare dans une assiette pour que notre amie Barbara donne au chef son approbation... Nous, pensant que le serveur avait eu vent de son petit appétit et qu’il voulait faire le farceur, on riait comme des babouins... Mais bon, pour ramener le sérieuxquelques secondes, il n’y a rien comme un serveur stoïque qui reste là, les deux mains dans le dos pendant 3 minutes, à attendre que tu goûtes ton échantillon de tartare... On s’est bidonné ferme ce soir-là, au resto, à l’hôtel et un peu au delà.

Mais malgré la rigolade et le très bon temps passé, l’idée que je me fais des hôtels n’a pas beaucoup changé: c’est confortable, un peu cher et pas mal beige. C’est comme l’aile psychiatrique d’un hôpital privé, sauf que les patientes qui vous entourent sont poudrées un peu plus que nécessaire.

vendredi 3 décembre 2004

Le Bonheur de l'anneau

En faisant un peu de ménage, j’ai retrouvé un petit anneau. Une boucle d’oreille. Ça m’a rappelé que je m’étais fait percer l’oreille il y a 100 ans, en 1984, sur le banc d’un kiosque de bijoux cheapettes dans l’allée centrale d’un centre de chats (comme l'a déjà écrit un de mes étudiants) de banlieue. L’aventure quoi! À l’époque, c’était un peu marginal. Remarquez qu’à 15 ans, dans une banlieue prise en étau entre Montréal et le Vermont, la marge est assez débroussaillée... Puis mon oreille a arboré successivement une boule, un trombone, une épingle à couche, un anneau, un diamant. Puis j’ai vieilli. Puis j’ai oublié mon oreille. En vieillissant, on oublie souvent les trous qu’on s’est un jour infligés...

À ma grande surprise, l’anneau est entré dans mon lobe gauche sans trop de réticence. Je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a fait plaisir. Comme si ce trou me prouvait que je n’étais pas encore gâteux. Pendant quelques secondes, je me suis souvenu des spectacles des Béruriers noirs, de Galaxative (un band de garage duquel j’ai été, le temps de quelques plaintes, chanteur(sic!)), et des journées cégépiennes un peu grises à faire le bilan du nombre de cours d’espagnol manqués. Tiras el balón, Sando...

J’ai remis l’anneau dans une petite boîte de cossins, elle-même dans une plus grande boîte de cossins, dans le fond de ma garde-robe. Je le retrouverai dans 10 ou 15 ans, alors que j’aurai une petite fille qui m’adorera et un fils qui me trouvera déjà con.

Dans 10 ou 15 ans, en faisant un peu de ménage, le temps d'un soupir aussi nostalgique qu'inutile, je retrouverai ce petit bout de bonheur qui me pendait au bout de l’oreille il y a 100 ans.

mardi 30 novembre 2004

Je suis une crêpe

Allez voir la superbe animation Flash de Monkeehub sur la chanson "Creep" de Radiohead (qu'on pourrait traduire par "Je suis une crêpe" de Tête de radio). D'une complexe simplicité.

lundi 29 novembre 2004

Téléphone arabe

Guilou guilouguilou...
- Mohamed!
Guilou guilouguilou...
- Merde Mohamed, ça sonne!
Guilou guilouguilou...
Mohamed ne répond pas. Il dort dur. Ça m'oblige à sortir de ma boîte de carton. Il est 5 heures du matin. Seul un réverbère rouillé éclaire la ruelle, et encore, par intermittence. Je donne un coup de pied dans la boîte Frigidaire.
- Tu réponds, chameau?
Mohamed, c’est le seul de mes amis qui a un cellulaire. C’est le seul de mes amis tout court, je dirais. Mais en plus, il a un cellulaire. Je sais pas comment il a réussi son coup. Toujours est-il que ça en jette; quand il quête avec son cellulaire à l’oreille, il fait 20$ de l’heure de plus que moi. Les gens se disent qu’il a un cellulaire, que donc s’il demande 1$ c’est qu’il en a réellement besoin... C’est con, des gens.
Guilou guilouguilou...
Toujours cette sonnerie liquide malgré le froid. Toujours aucune réaction de Mohamed. Il dort gelé dur. J’ai un doute. J’applique 2 doigts sur sa jugulaire. C’est froid, même pour janvier. Le con. Je l’aurais cru plus fort. Ça vit combien de temps, un Arabe?
Je regarde Mohamed une dernière fois. J’envie sa fraîcheur quelques secondes. Pas longtemps. Puis je réalise qu’il me faudra changer de ruelle avant que les flics ne flairent l’odeur de viande froide. Je suis pauvre, je suis un coupable abordable. Je tire le cellulaire de la poche de Mohamed. Il ne sonne plus.
Aujourd’hui, je ferai 20$ de l’heure de plus qu’hier.

mercredi 24 novembre 2004

Allez, tout le monde ensemble...

Nous faisons semblant de ne pas savoir que nos amis parlaient de nous quand nous revenons des toilettes, comme nous faisons semblant de parler d'autres choses quand un ami revient des toilettes.
Tout le monde le fait, et tout le monde continue de faire semblant, et tout le monde continue de croire que même s'il le fait, les autres ne le font pas à son sujet.

C'est con, mais c'est comme ça.

Après, les gars s'étonnent que les filles aillent aux toilettes ensemble...

mardi 23 novembre 2004

Des Dattes dans du bacon

Dame V. préparait de la bouffe pour 60. Et moi, pour l’aider, j’ai fait ce que font les gars sans talent: j’ai passé le balai. Dès que j’étais dans une autre pièce qu’elle, je faisais du bruit avec des objets. C’est fou ce que j’avais l’air occupé. Mais les arômes délicieux me ramenaient à la cuisine où j'ai fini par couper quelques trucs spongieux sur des planches de bois, faire la vaisselle et habiller des dattes de bacon. Faut essayer (les dattes, pas la vaisselle. Faut suivre): ça se gobe avec n’importe quoi; le sucré des dattes va avec le vin, le salé du bacon avec la bière, le cure-dent avec l’olive du martini. On en enfile des dizaines. Mais pas plus, car trop de dattes c’est pas bon. Tout cela pour dire que sans Dame V., la soirée aurait juste été propre et aurait coûté 50$ en bacon.

Puis sont arrivés Isabelle, du vin, Steve, des pâtés, Pascale, du pain, Patrick, du fromage, encore du vin (sans invité), Alexandre, un saucisson, Barbara, du vin, Marc-André, une salade, Virginie... J’énumère pas la dizaine d'autres qui étaient là, mais j’avais l’impression qu’on était 45 tant j’étais heureux de les voir. Un chien fou dans l'enclos du parc Lafontaine. Le vin fromage (quoi de mieux pour souligner une grève surprise à la SAQ!) pouvait commencer. On a bien dû refaire le monde 2 ou 3 fois avant d'être trop pleins. À dix heures trente, la folle d’en bas a mis sa musique dans le plafond pour gentiment nous annoncer qu’on la dérangeait. Devant tant de délicatesse, j’ai monté le volume du système de son. Le concours était commencé. J’ai dû le gagner car quelque temps plus tard, un policier plutôt sympa accompagné de sa Rottweiler ont cogné à la porte sans que je les aie entendus. L’imitation qu’avait faite Guillaume de Julien Clerc était pourtant particulièrement réussie...

Le lendemain, la tête lourde et le foie gras, je trouvais que la vie savait se montrer parfois bien tendre. Malgré novembre. Et quand elle était trop sucrée, suffisait de l'enrober de bacon.

lundi 22 novembre 2004

Aphorisme

Une carapace ne sert pas à protéger des attaques extérieures; ça empêche l'effondrement de ce qui est à l'intérieur.

vendredi 19 novembre 2004

Le Hamac ou Pourquoi les bananes de Guillaume se balancent-elles?

Assis sur le sable, Guillaume et moi regardions avec amusement deux petits Mexicains se faire ramasser par des vagues trois fois hautes comme eux. À chaque fois qu’ils disparaissaient dans le rouleau d'une vague, nous grimacions de douleur. Les niños se relèvaient en riant, et après avoir vidé leur maillot du lest de sable, ils couraient affronter la vague suivante en lançant de grands cris rieurs.

Près de nous, un vendeur de hamacs faisait les yeux doux à une Américaine boudinée qui révélait un nombre impair de mentons quand elle riait. Lorsque le vendeur s’est éloigné de lui, le boudin nous a regardé en souriant. Guillaume a rapidement remonté ses fausses Oakley et moi j'ai plongé avec un intérêt mal simulé dans notre partie d’échecs.
‒ ¿Una hamaca?
Nous avons relevé la tête comme des nageurs synchronisés. Le vendeur de hamacs regardait Guillaume avec les mêmes yeux que ceux qu’il avait eus pour le saucisson. Guillaume s'est senti moche tout à coup. Il a répondu:
‒ No. Graaciâs.
J’ai étouffé un rire face à son accent québécois trop appuyé.
‒ Ha! Parlé francess... Dé MonTréal?
Notre chance; le 3e québécophile de la journée...
‒ Mmmm... a répliqué Guillaume derrière ses verres teintés.
‒ Alors, ¿Una hamaca? Très connfortablé!
‒ Sûûrement. Non merci.
Mon coeur balançait entre l'exaspération et la vague gêne de notre évidente bourgeoisie. J'ai essayé de noyer le malaise avec ce qui me restait de houblon.
‒ Alors, ¿una pequeña hamaca?
Le mec a balancé un petit filet jaune entre ses mains. Merde! Un hamac à fruits! Le bière m'est montée dans le nez. J'ai laissé Guillaume s’arranger avec la transaction pendant que je m'essuyais.
‒ Pas pour le moment. Mais je reviens en février. Mes fruits voudront se balancer cet hiver. Alors ok en février.
Loin de se décourager, le vendeur a compté lentement sur ses doigts:
‒ Diciembre, enero, febrero... ¡Tres meses! C’est longue, tres mois...
‒ Sur l’échelle d’une vie, 3 mois, c’est un pet, hombre. C’est rien.
‒ ¡No! C’est pas rienne... Yé poux mourir d'ici 3 mois!
‒ Moi aussi, je peux mourir. Et qu’est-ce que je ferais d’un hamac à fruits, si je meurs, hein?
‒ Si tou mours, qu’est-cé qué tou férais dé ton argent?
Nous sommes partis à rire et d’un regard, nous nous sommes avoués vaincus. La discussion avait été trop bonne pour même penser barguigner.

C’est les bananes de Guillaume qui sont contentes.

mercredi 17 novembre 2004

mardi 16 novembre 2004

Fils de pub

Hier soir, la télé m’a appris qu’une fille de vingt ans voit disparaître ses rides en 8 secondes avec la crème Biofermactivtriplepure; qu’avec la nouvelle Etalhon Anruth, je peux rouler à 345 km/h et faire des tête-à-queue sur de l’asphalte mouillé, (à condition de posséder un circuit fermé ou un désert qui se transforme en autoroute au fur et à mesure que ma voiture avance); que les vêtements que je me suis achetés hier sont démodés; que ceux que j’ai finalement jetés pour m’en acheter des neufs reviendront à la mode l’été prochain; que les hommes ne savent ni bien manger, ni se soigner, ni faire du ménage (sauf s’ils sont musclés et chauves ou ont des allures de Classels); que bientôt on me paiera pour faire mes interurbains; que j’ai droit à une assurance vie de 50$ pour aussi peu que 20$ par mois et à un sofa avec pouf assorti pour 2,99$ par mois pendant 55 ans (payable à partir de 2009); que Coutumart devrait être interné tant il coupe ses prix juste pour moi; que j’équilibrerais mon budget en mangeant des MaqueRot; que les seules personnes qui sourient dans les pubs d’Air Vicié sont les agents de bord et les petits sud-américains trop pauvres pour prendre l’avion; que jouer à Twister c’est drôle; que du pain, ça rebondit; que le shampoing Albeclito pourrait me procurer des orgasmes dignes de Peter North; qu’une bandaison matinale m’oblige à prendre une douche en chantant, que la Bide Lite m’évite de prendre du ventre et de travailler tout en me garantissant piscine, popularité et pitounes qui dansent toute la nuit sur de la musique poche dans des t-shirts moulants...

Hier soir, la télé m’a appris que j’étais vachement brillant. C’est pour ça que je vais pisser pendant les émissions...

vendredi 12 novembre 2004

Aphorisme

Pour l'instant, la bière est dans le verre. Inévitablement, les vers seront dans la bière...
Bide en vie puis morbide.

jeudi 11 novembre 2004

Aphorisme

Trop de gens meurent sans l'avoir mérité.

Mignonne

C’est ma grand-mère. Grand comme dans «grand amour», pas grand comme dans asperge, car elle était plutôt une petite pomme. Sur les photos de sa jeunesse, elle est d’une grande beauté, toujours rieuse, une étoile dans les yeux. Je comprends très bien mon grand-père Ernest d’avoir craqué pour ce petit bout de femme à l’air espiègle.

Moi, je suis arrivé dans sa vie un peu tardivement. Ce bout déjà petit de femme avait depuis longtemps commencé à rapetisser sous le poids du temps. Après la mort de mon grand-père, elle a quitté sa maison et la baie Mississiquoi pour venir habiter chez nous. Elle a bien tenté de garder son sourire, mais la vie se faisait lourde. Chaque fois qu’elle passait devant la photo d’Ernest, elle soupirait doucement, puis demandait de mes nouvelles. Elle feignait de ne pas me croire quand je lui disais que je n’avais pas quatre copines en même temps, et elle me conseillait sans cesse de me faire une blonde anglo pour pratiquer mon anglais. Où je vivais, il n’y avait qu’une anglo et elle était un peu moche... En fait, la fille se nommait Foster, mais je ne suis pas sûr qu’elle parlait anglais. Tout cela pour dire que malgré mon amour pour Mignonne, elle me les cassait un peu avec cette fixation.

Puis la maladie est venue. Pas celle qui vous enlève les jambes ou les cheveux, mais la pire, celle qui vous enlève l’esprit. Sa démarche est devenue plus pataude et la beauté espiègle d’autrefois pétait à chaque pas. Au crépuscule de sa vie, Mignonne cochait chacune des pages qu’elle lisait afin de ne pas les relire deux ou trois fois. Une fois je l’ai vue pleurer, ultime rempart contre l’oubli. Combien de fois l’a-t-elle fait derrière sa porte close...

La dernière fois que j’ai vu Mignonne, elle ne m’a pas reconnu.

J’ai connu Mignonne sous l’angle de novembre, de la vieillesse et de la maladie. Si elle avait pu choisir, elle aurait sûrement préféré me montrer la belle femme qu’elle était à 25 ans. Mais pour moi, elle sera toujours celle qui jouait tous les jours «Les Fiancés du lac de Côme» au piano du salon. Elle sera toujours la plus belle.

On oublie trop souvent le vert des feuilles l'automne venu.

Circus minimus

On vit dans un cirque où on se fait projeter d'un canon dans un filet, pendant des années, à s’en démolir la colonne, à s’en rendre sourd, à finir par se compacter. Pour amuser la foule. Pour perdre sa vie. Pour la gagner un peu aussi. Puis endurer la logorrhée d’un clown frustré qui a les fesses en steak haché tant il s’est fait mordre par un chien dans son numéro de cirque.
Reste l’appareil auditif qu’on peut éteindre pour parer au pleurnichage ambiant, reste l’ironie comme ultime barrière contre le non-sens de la vie, reste la dynamite qu’on peut se mettre autour de la taille pour exploser en vol, pour ne jamais plus se poser, pour ne jamais plus retomber dans le filet mou de l’oubli.
Reste que parfois, il faut péter pour se faire entendre.
Et que le jour où le clown va mordre le chien, personne va comprendre.
(inspiré de Christian Bégin - Circus minimus)

mercredi 10 novembre 2004

Le Monstre sous le lit

J’étais couché dans mon lit, un double, une immensité blanche dans laquelle tous les soirs je sautais avec un grand bond afin d’éviter que le monstre sous le lit ne m’attrapent par les pieds. Je savais sauter très loin car j’étais toujours vivant après neuf ans. C’est ben pour dire.

Mon réveil-matin indiquait 22h. Même de sous mes couvertures, même la tête habillée de mon oreiller, même avec une chanson de Charlebois que je chantais fort, j’entendais les efforts que déployait Gertrude, ma gardienne, afin de contenir les assauts de son copain Gilles. Curieuse alternance de négations, de halètements et de grincements de matelas. Le lit de mes parents était une grande commère.

Mes parents étaient partis. Sortie de grands. Ils étaient capables de rentrer à des heures impossibles, voire minuit. Moi, sous ma couverture en guise de tente, dans mon lit en guise de monde, je souhaitais intérieurement qu’ils ne rentrent jamais, qu’un agent de police vienne frapper à la porte, le regard plaqué au sol, la casquette dans les mains. Je me serais alors réveillé avec le statut de héros et je serais allé vivre, valise à la main, chez mononc’ Pierre ou chez ma tante Rollande. Et tout le monde aurait chuchoté pendant des années la grandeur de mon courage en balançant doucement de gauche à droite un sourire triste et bienveillant.

Je souhaitais vraiment, ardemment qu’ils ne rentrent pas. Il était 22h10 et chaque minute qui passait me rapprochait de ma condition d’orphelin courageux.22h11. Gilles a râlé puis a pété en riant. 22h12...

Le bruit de la porte m’a réveillé. Mon cadran indiquait 22h43. J’ai entendu la voix joyeuse de ma mère qui insistait sur le fait que le deuxième film était pas mal meilleur que le premier. Moi, je n’étais pas orphelin. Je me suis enfoncé un peu plus loin sous les couvertures, un peu coupable d’avoir souhaité leur disparition. Un peu triste, aussi. Douce déception.

Un jour, mes parents sont partis, et minuit est passé sans qu’ils ne reviennent. Des agents sont venus me chercher. Enfin héros. Je suis allé vivre avec Gertrude. Mais mes parents sont revenus me voir. Je décris pas le désappointement.

Des années plus tard, j’ai toujours cette vague déception quand les gens reviennent me voir. À moins que je ne sois déçu et vaguement gêné d’être toujours au même endroit, dans une autre immensité blanche, à me couvrir la tête de mon oreiller et à chanter «You’re a frog, I’m a frog» pour ne pas entendre Gertrude se taper le concierge entre deux pilules. Je me suis laissé attraper par le monstre. J’ai pas dû sauter d’assez loin. Mais je suis toujours vivant après 14 ans. C’est ben pour dire.

Il est 22h43. J’entends le concierge jouir, puis je pète souriant.

mardi 9 novembre 2004

Galad don...

Avant de me lancer des roches pour le post précédent...
Galad
Elle a beaucoup voyagé (et pas juste en fumant!)
À notre tour de voir du pays avec elle.

Suburban Talk

Je habiter West Island. Je suis ne jamais aller dans downtown. Sauf des temps. Sur Crescent. Soooo cool! Je suis aller jamais à la Est de ça. Rien pour voir là. Mais je vouloir pas mouver downtown. Too many françaises. Je suis ne jamais aller à l'Ontario aussi. Mais je aime ma pays. Je suis canadian. Number One!

Comme tu pouvez voir, mon langue ne pas être le française. J'ai né dans West Island. Mon mère être française. Mon père être albertaine. So, je parler française à la maison jamais. Too difficult. Je prendre un cours de française depuis 10 ans. Imaginer: c'être obligatoire! Ça suce. Le anglais être natural. Facile. Toute le monde parler anglaise près de mon maison. Même les frenchies. Je ne pouver pas me souvenir quelqu'un qui pas parler anglaise de. Mais honnestly, les Quibecwââ, ils parler pas française. Ils parler Qwibecwâse. Ça être slang, pas un langue.

Je n'écouter pas la musique ou la tv ou la cinéma française. Ça écoute ridicule. Cheap. Je préférer le American movies. Plus de l'actions! Plus du budget!

Dans la derniers élections, je voter Liberal. Comme tout le monde je pouver penser de. Normal. Vous pouver voter pas pour PQ; ils sont nazis. Les autres sontaient de communistes. Anyway, Liberal être le bonne choix. 95% de les anglaises dans West Island voter liberal. Ça prouver mon point, non?

Ma prof de Française rester le downtown. Il refuser de habiter le West Island, il diser. Il diser que il pouvoir rester pas dans West Island because toute le monde pense le même ici. Il diser cela parce que, il diser, qu'on connaître pas Guy Vigneult - ou Jean, I don't remember -, qu'on pas écouter la musique française, ou quelque chose. Mais c'être normal qu'on connaître pas; c'être française!! Moi être canadian. Il être tellement, comment vous disez? stubborn. Toutes les qwibecwase être de même. Ils diser que on ignorer eux. Pfff.

Anyway. Ceci être pourquoi je penser mouver dans le Ontario. C'être le faute de les racistes quibekwases.

Aphorisme

Variation sur le même thème

Ailleurs, c'est comme ici, mais ailleurs.

Aphorisme

Ailleurs, c'est l'ici des autres.

samedi 6 novembre 2004

Une Île de sucre

J'ai fait une petite île de sucre sur la mousse de mon bol de café au lait. La mousse l'a supportée au début, mais au bout de quelques secondes, l'île s'est mis à couler. Lentement, puis de plus en plus rapidement. Puis elle s'est complètement engloutie. Derrière elle, il n'y avait plus qu'un petit trou que la mousse avait entrepris de recouvrir.

Il y a des matins où ma vie est un petit trou dans de la mousse.

vendredi 5 novembre 2004

Attention, je vous écoute...

«Au début, j'étais un homme. Je me repose depuis.»
Jean-François Domingue

jeudi 4 novembre 2004

Mes Bretzels

Bush a ses bretzels. Voici les miens:

Les phrases suivantes:
“comme qu’on dit” après n’importe quoi;
“chus pas raciste mais...”
“attends, j’ai un appel sur l’autre ligne”

Les personnes qui:
trouvent que le gaz est cher;
qui ne vont voir que des powpow hollywoodiens parce qu'ils vont au cinéma pour s'amuser, pas pour réfléchir;
qui confondent indépendance et nazisme;
qui parlent fort au téléphone cellulaire en public;
qui chialent comme je chiale en ce moment...
qui conduisent et qui attendent que leur voiture roule pour attacher leur ceinture;
qui refusent d’enlever leur sac à dos et qui marchent de toute leur largeur d’épaules dans un autobus bondé;
les chauffeurs d'autobus qui attendent 20 minutes à 50 pieds de l'arrêt, alors qu'on attend à l'arrêt et qu'il fait -20.

Ou encore:
quand je mets des bas troués le trou du côté du petit orteil, pensant ainsi “déjouer” le trou (c'est qu'il est rusé, ce sapré trou...);
les rouleaux de papier de toilette qui se déroulent du côté du mur;
les emballages qui me résistent;
la pellicule plastique qui se colle sur elle-même dès qu'on la sort de la boîte.
etc.

Juste énumérer ces quelques irritants m'a fait un bien fou, bien qu'il en reste d'autres.
Quels sont vos bretzels?

Je vous laisse, j'ai un appel sur l'autre ligne...

mardi 2 novembre 2004

La Chair à canon d'antan

Hier soir, en enlevant sa chemise, Ernest se regarda dans le miroir. Sur son biceps droit, un tatouage, reliquat d’une guerre d’un autre monde; une femme avec des seins impossibles à cheval sur un canon. Le genre de truc qu’on regrette sitôt la première goutte d’encre injectée. Pour bien voir le tatou aux contours maintenant flous, Ernest dut étirer la peau avec sa main gauche. Il était difficile de tendre également la peau flasque, et la belle d'antan ressemblait à un phénomène de foire hors focus. Dès qu’il la relâcha, la femme se recroquevilla honteusement dans les mous replis. Ernest était devenu trop petit pour sa peau. Son regard s'emplit de buée.

Ernest soupira puis éteignit la lumière.

lundi 1 novembre 2004

L'Heure normale

Samedi soir, halloween des adultes, des grands. On avait réservé le dimanche pour les petits. Le Boudoir a mis quelques heures à se remplir. Tout le monde prenait son temps; la soirée durerait tout de même une heure de plus; retour à l’heure normale. Dire que tout ce temps, on se disait avancés...

Pour l’occasion, j’étais déguisé en Samantha (de la série télé Bewitched - ou Ma Sorcière bien aimée). Mais on aurait pu croire à une sorte de croisement entre Shéhérazade et Jojo Savard. Frissons. Vers minuit, j’étais entouré de dame V. en nonne sexy et enceinte, de Gabrielle en pimp, de Diane en fée rose, des triplettes de Longueuil en triplettes de Belleville et de J-F en crash test dummy. On me demandait de remuer le ventre ou le nez. Rien à faire. Une règle de bois. Ces mêmes règles que j’avais cassées en quantité industrielle alors qu’enfant, je m’en servais comme tremplin à efface. Raide mais pas trop ferme. Trop de temps dans ma bouteille. Mais contre toute attente, mon costume allié à celui de la nonne nous a mérité une bouteille de scotch.

J’ai profité de mon costume ridicule pour piquer une jasette avec un Tony Tremblay déguisé en poète urbain pour l’occasion. Il m’a tout de suite reconnu malgré les faux cils, ce qui m’a laissé un peu sur le cul. On a reculé l’heure et on a vécu un déjà vu généralisé. On a passé deux fois le cap des 2h30 du matin ensemble, rigolards, verres d’alcool à la main. J’ai enlevé ma perruque, puis mon soutien-gorge. C’est fou ce qu’un tas de poils monté sur un filet élastique et des seins bourrés de bas repliés peuvent attirer comme amis. J’aurais pas cru.

Vers les nouveaux 3h, je suis parti. Je ne me souviens pas d’avoir dit au revoir à quelqu’un. Pompidou. Je me rappelle vaguement d’avoir réglé l’ardoise et de m’être retrouvé assis à l’arrière d’un taxi, gougounes à la main. La fête était finie.

Le lendemain, dame V. s’est réveillée avec un mec à faux cils à ses côtés. Pathétique. Ce n’était plus la fête des grands et mon mal de bloc me l’a rappelé. Place aux petits. Je n’étais plus qu’une ombre de sorcière peu aimée. Toute la journée, j’ai eu une heure de retard.

Paraît-il que c’est l’heure normale.

jeudi 28 octobre 2004

Ô Queneau!

Vous connaissez les Exercices de style de Queneau? 99 variations de la même histoire...
En voici une centième. Allez, pour Raymond! (Et pardon aux Français de massacrer leur propre massacre linguistique!)

Version discours intérieur (ou version La Haine)

Aujourd’hui, Ophélie a filé son noeud. Pour un autre. Mieux que moi, elle a dit. La salope.
J’ai fait ce que j’ai pu, alors j’ai rien fait. J’y pouvais rien. J'me suis pas débattu. J’ai même pas sourcillé; pas même un petit poil. Putain de sa race. Mais ça m’a ramené sur terre, j'te jure. J'suis goutdé. Sur le plancher d’un bus de la ligne S. Direction ma reum. Elle a jamais caré Ophélie.

Près de moi, un macque. Un homme à long cou et à tuyau de poêle. C’est peut-être lui; Ophélie a toujours aimé les longs cous. Les chapeaux aussi. J'le kiffe pas. Plus j'le mate, plus c’est lui. C'est trop d'la balle. Rien m’en assure, mais l'assurance s’installe. Nullache. Se faire laisser pour lui! C’est dur. Il a l’air grotesque. Et il est impoli. Trop relou. J'peux pas accepter ça.

À l’exact moment où j’allais m’abaisser à lui foutre un coup de boule, le marlou descend. La vache. Pendant deux heures, j'me chauffe le cerveau. J' regrette de pas lui avoir envoyé une brugne plus tôt.

Les regrets cessent quand je le recroise. Il discute frusques avec un ami. Ophélie a toujours aimé parler redingote. Cette fois, je vais lui buter le borgne, j'te jure.

mardi 26 octobre 2004

Le Silence des fumeurs

Un des grands avantages de la cigarette, c'est qu'elle oblige les gens à se la fermer quelques secondes, le temps de pomper. Remarquez qu'il ne se dit pas moins de conneries pour autant, sinon que les fumeurs en disent 20 ans moins longtemps.

Tenir par un fil

Devant moi, une classe vide. 40 chaises. 40 tables. Vide. Mélissa, comme toujours la dernière à terminer, venait de partir en me remettant sans mot dire son examen final. Elle ne m’avait laissé qu’un sourire timide pour cadeau de Noël. Fin de session. 40 visages familiers que je ne reverrais peut-être jamais. 40 visages qui auront toujours 17 ans.

Je suis resté assis, devant l’écho de mes soupirs. Voilà deux semaines que je jouais, deux semaines que je faisais semblant que tout allait bien. Mon monde s’écroulait mais tout devait bien aller. C’était ma fin du monde. A. me quittait. À l'imparfait. Le verbe quitter se conjugue plus souvent au passé composé, comme si on ne s’en rendait compte qu’après coup. Pas cette fois. A. flottait lentement vers le large, comme un bateau quitte le quai, comme un train quitte la gare, avec cette douceur qu’on ne peut stopper.

J’avais mis beaucoup d’efforts pour que mes étudiants ne se rendent compte de rien. Mais parfois, la concentration manquait. J’étais sur le quai. Ils devaient répéter leur question. Je n’avais plus de réponse.

Là, j'avais enfin fini. Je pouvais rentrer chez moi, dans mon apocalypse. J’ai profité de l’isolement que la salle de classe m’offrait pour remembrer mon courage. Dans la brume, j’ai regardé l’examen de Mélissa. Son nom était écrit avec une calligraphie ronde, chacune des lettre d'une couleur distincte, les pétales d’une fleur impossible autour du point du i. Adorablement, insupportablement adolescent. Dans le coin droit au bas de la page, elle avait dessiné un soleil derrière un nuage. Un soleil d’enfant avec un grand sourire et un clin d’oeil entendu. Et sous ce dessin, une phrase. Une larme s’est mise à couler sur ma joue. Mélissa avait écrit “Derrière chaque nuage, il y a un soleil.” J’avais déjà lancé des pierres à des amis pour moins que ça. Mais là, elle avait tiré sur le fil qui décousait mon armure. Une armure qui résistait aux flèches, aux balles et aux boulets. Mais pas à ça.

Devant 40 tables et 40 chaises vides, j’ai pleuré.

Comme dans un mauvais film, le concierge a fait irruption à ce moment-là. J’ai essuyé une joue et j’ai eu un petit rire de malaise. Snif! Hé! Hé! J’ai brandi la feuille de Mélissa en disant:
- C’est plutôt rare, une composition aussi courte, aussi juste... et sans faute!
Pour toute réponse, j’ai entendu le bruit des roues de la chaudière jaune qui fuyait dans le corridor. Le même bruit que l'amour qui s'éloigne. Un concierge ne sait pas essuyer tous les dégats.

vendredi 22 octobre 2004

Le Manteau écarlate

J’avais treize ans. C’était l’hiver et il neigeait des flocons gros comme des scarabées. Je revenais de l’école en marchant, la tête par en arrière, la bouche ouverte et la langue sortie. Un mangeur de flocons, une grimace à l’univers entier. J’avais treize ans. Je me rasais depuis quelques semaines dans l’espoir qu’une barbe pousse; j’étais un homme malgré ma voix qui tardait à achever sa mue; quand je criais, on aurait dit Maria Carey, avant qu’elle ne fût populaire.

Je mâchais du flocons tranquillement lorsqu’au loin j’ai aperçu la petite forme arrondie de ma grand-mère Mignonne dans son manteau écarlate. À 4'8", la couleur de son manteau était pour elle la seule façon de revenir de ses promenades sans avoir été happée par la souffleuse. Pendant quelques secondes, j’ai oublié mon orgueil d’ado et je suis redevenu enfant. J'ai couru entre les flocons en criant grand-maman. De ma gorge sortaient des chats qu’on égorgeait. Maudite mue. Malgré mes cris, ma grand-mère ne bougeait pas. Elle ne se retournait même pas. Alors j’ai hurlé plus fort, j’ai couru plus vite.
Grand-maman!!
Encore 100 mètres.
Grand-maman!!!
Je courais comme un homme de treize ans.
Encore 50 mètres...

Plus je m’approchais, moins il y avait de scarabées qui nous séparaient, mieux je la voyais. Et tout à coup, je me suis aperçu que ma grand-mère était une boîte aux lettres de Postes Canada...

La honte.

J’ai continué de courir un peu au delà de la boîte aux lettres. Puis je me suis remis à marcher sans regarder autour de moi. J’ai crié moins fort deux ou trois «grand-maman» pour la forme, comme si depuis le début c’était pour moi. Puis je me suis tu. Jusqu’à mes 16 ans je crois.

J’ai jamais dit à ma grand-mère que je l’avais prise pour une boîte aux lettres. À 13 ans, je savais qu’on ne pouvait dire cela à une femme.

Cette aventure m'a appris une leçon très utile: si tu cours trop rapidement vers une femme, tu risques de tomber sur une boîte aux lettres.
Depuis ce temps, je marche.

mardi 19 octobre 2004

Sharon. Ou Sherryl.

Où je travaille, il y a plein de gens. Beaucoup de jeunes, quelques vieux, et des concierges. Ça n'a pas trop d'âge, un concierge. Parmi les vieux, il y a une femme qui s'appelle Sharon. Ou Sherryl. Je n'ai jamais su. On l'appelle toujours Cher. Toujours est-il qu'elle est une salope de la pire espèce. Elle parle contre tout le monde, fort, avec une voix de mauvaise opérette. Durant les réunions, elle s'arrange toujours pour faire pleurer quelqu'un. Et si ça ne fonctionne pas, elle pleure elle-même. Elle persiste à se croire jeune et porte toujours les vêtements qui lui ont probablement apporté un certain succès auprès des hommes en 1972. Une méchante déguisée en Fanfreluche gothique. Ce genre qu'on retrouve dans tout bon boulot. Unique et éculée. La mienne s'appelle Sharon. Ou Sherryl.

Il y a quelques années, son mari l'a quittée pour une autre, son père est décédé en la déshéritant et sa fille est partie du nid familial en la giflant, tout cela dans la même semaine. Ça l'a à peine ébranlée. Elle semblait se nourrir de ces malheurs et être plus joyeuse que jamais. Rien de pire qu'une salope joyeuse. Mais un jour, Cher est arrivée en pleurant. Cancer. Du sein. Ablation sûre. Les spécialistes croyaient l'opération pratiquement inutile et prédisaient le pire. Même moi, je n'ai pas souri. On ne peut souhaiter cela à personne, même à Cher. Ce fut le bistouri. Contre toute attente, Cher s'est rapidement remise de son opération, et malgré les complications qui auraient sapé n'importe qui, elle est revenue bosser comme si de rien n'était.

J'aurais aimé conclure de belle façon, raconter comment Sharon, ou Sherryl, est devenue une bonne personne ou ma meilleure amie. Ce n'est pas le cas. Elle est revenue plus courbée, plus grise et plus salope qu'avant, avec cette absence de compassion qu'ont souvent ceux qui ont tutoyé le pire.

Je me suis toujours demandé pourquoi elle s'était cramponnée de la sorte à une vie sur laquelle elle a toujours craché. Il y a des gens qui s'accrochent, qui ne savent pas quand passer l'arme à gauche, et qui font de la vie une mauvaise habitude, comme se ronger les ongles et cracher ses rognures sur le tapis.

lundi 18 octobre 2004

Attention, je vous écoute...

«Ce gars-là a l'air d'un Cheap 'n' dale.»
Véronique Boily

Les Rideaux de Trouville

Je suis né à Trouville. Mon monde pendant longtemps. Petit mais mien. Trouville la géante avec son «15 cennes», sa bibliothèque municipale sur deux étages, sa polyvalente qui se vidait de ses élèves aux temps des récoltes et des semailles. Trouville l’industrielle avec son silo Co-op et son ruisseau dont l’eau changeait de couleur à chaque jour. Trouville la cosmopolite avec sa famille de Témoins de Jéhovah (dont le père était noir - Wououuuu...) et sa famille de Viet-Namiens fraîchement débarquée de son boat people. Trouville la pure avec son église qui se prenait pour une cathédrale et son bar de danseuses déguisé en vieille gare dont le stationnement était rempli de Harley arrogantes, intouchables; des crachats bruyants sur un parvis d'église recouvert de tapis gazon.

Tout cela était joli et avait laissé somnolente ma méfiance. Tout le monde il était gentil, tout le monde il était beau. Mais à Trouville, comme trop souvent ailleurs, on n’aime pas les rats de bibliothèque crédules et réservés. Surtout s’ils ne sont pas bons au hockey. Je n'ai jamais été bon au hockey. Encore aujourd’hui, on me fout dans les buts, sans patins. Dans la cour d’école, les pires vacheries ont commencé à gicler. À Trouville, on admire ceux qui mettent de l’eau de javel sur le pneu arrière de leur moto sport et qui font un show de boucane sur la rue principale. Moi, j’avais un mustang siège banane tires balloune. On me parlait de moins en moins, on me souriait de plus en plus. Et on faisait des grimaces à mon dos. Le bonheur devenait une goutte de mercure.

À l’âge de 13 ans, ma famille a dû déménager à Banlieuebourg. Parce que notre maison était trop petite pour accueillir ma grand-mère Mignonne (grand-maman mesurait 4 pieds et 8, c'est vous dire comment notre maison était petite!) et parce que l’époque avait eu raison du magasin général que tenait mon père. Sans le savoir alors, ce déménagement m’a un peu sauvé la vie. À Banlieuebourg, personne ne me connaissait. Je pouvais y être qui je voulais, voire n’importe qui, voire moi. On mesure mal le bonheur de pouvoir être n’importe qui. De toute manière, à 13 ans, n’importe qui n’est jamais aussi n’importe qui que ça. N’empêche que ça faisait du bien. Et le temps de devenir n’importe qui, j’ai déménagé à Montréal. Je suis resté accroché là. Malgré la Laponie et l’océan.

De Trouville, j’ai gardé cette fascination pour les églises, les Harley, les champs qui brûlent après la récolte, les horizons saskatchewanesques et les Bob Morane. J’ai aussi gardé un peu de rancoeur pour les shows de boucane et les gentilles gens, tout sourire dehors, qui vous épient derrière leurs rideaux en racontant les pires saloperies au téléphone.

On n’a pas idée du nombre de personnes qu’on tue en les épiant derrière les rideaux.

mercredi 13 octobre 2004

Le Vent dans les cheveux

9h. Il faisait froid. On a commencé à descendre des boîtes sur le trottoir. La vente de garage s’installait. Déjà, des voisins sortaient de leur tanière pour venir reluquer les aubaines; un tas de vieilleries, des cadeaux reçus qu’on garde malgré tout et malgré le bon goût, tous les trucs en double depuis que Dame V. et moi cohabitons. Exit la vieille télé, le toaster en double et les poêles rouillées. Exit aussi les vieux ustensiles et ma vieille vaisselle achetée il y a 18 ans dans le quartier chinois avec mon argent gagné chez McDo. À chaque morceau vendu, à chaque trente sous en plus, c’était un peu l’indépendance de chacun qui s’effritait. Désormais, en cas de coup dur, le ciment du trottoir servirait de tapis pour amortir la chute.

Le temps s’est à peine réchauffé durant la journée. On tenait nos tasses de café comme les rois mages tenaient l’or, l’encens et la myrrhe. Les amis sont passés nous dire bonjour, comme des badauds qui donnent des verres d’eau aux marathoniens le long du parcours. Les tables se vidaient lentement de nos souvenirs, et à chaque petit coup de vent, l’arbre devant chez nous emplissaient de ses feuilles jaunes nos coupes de vin démodés et nos chaudrons bosselés. Jusqu’à 16h, les gens ont tâté des fonds de boîtes en marchandant des bouts de nos vies, en croyant faire la bonne affaire en payant 3,75$ ce qu’on affichait à 4$. Du petit bonheur à 25 cennes.

Le jour de la vente de garage, j'ai regardé partir un tas de vieux trucs auxquels je m'étais accroché lors de ma derrnière rupture, comme autant de petites bouées de sauvetage maintenant inutiles. Un peu plus et, à chaque vente, je leur envoyais la main. Ce jour-là, j’ai vendu mon assurance-accident pour une poignée de dollars. Curieusement, depuis, je me sens rassuré. Comme quoi les assurances, ça inquiète parfois plus que ça rassure.

C’est pour ça que je fais du vélo sans casque; je roule la tête fragile, mais le coeur serein, le vent dans les cheveux.

mardi 12 octobre 2004

Superman est mort

Est-ce que nous sommes enfin devenus adultes ou est-ce que notre cause est maintenant tout simplement extrêmement désespérée?
Soupir et rot.

lundi 11 octobre 2004

Un Flou

Sur le mur de ma chambre, il y a mon portrait. Une photo en noir et blanc. Une photo en gris, en fait. Petite. De la grandeur d’une carte postale. C’est moi. Plan américain. Cette photo date de quelques années. Un temps certain. Derrière moi, on ne sait pas trop. On distingue mal. Peut-être des meubles, peut-être des boîtes, peut-être qu’on s’en fout. Sur cette photo, j'ai le corps très net alors que mon visage se trouve hors focus, flou, pas sûr du tout. Pourtant, il semble que j'y parais bien. Tout le monde m’y reconnaît. Ça m’a toujours amusé.

Mais ce matin, comme ça, en tombant face à elle comme à tous les matins, ça a commencé à m’inquiéter. Pour rien. De même. J'avais pourtant plein d’autres trucs à faire. C’est bête comme ça, l’inquiétude. Ça arrive et ça colle à nous comme une mauvaise odeur. Comment puis-je avoir le visage si peu clair? Comment mon corps peut être si sûr de lui alors que les contours de ma tête se confondent avec le décor? Pourquoi tout le monde m’y reconnaît quand même?

C’est con les points d’interrogation quand ça invitent leurs amis.

Bruges en automne

Il y a des jours comme des lits trop confortables, qu’on voudrait laisser défaits. Il y a des jours comme ce jour-là où le soleil s’est levé sans replacer les draps. Marc a ouvert les volets de sa fenêtre. Il pouvait voir un des moulins à vent qui bordaient la ville. Dehors il faisait suffisamment chaud pour en rester un peu surpris, pour ouvrir son manteau et sourire. Malgré novembre. Malgré l’absence de feuilles dans les arbres. Malgré les corneilles. Bruges avait l’air de ce dont elle a toujours l’air, même quand l’automne se prend pour l'hiver: d’une carte postale. Les rues n’étaient foulées que par des touristes amoureux et quelques enfants qui criaient en flamand. C’était beau. Juste beau. De ce beau qu’on dit tout bas, pour soi, à l’orée de la lune. Beau. Un couple s’est embrassé avec tendresse sous son balcon. Ça lui a rappelé qu’il n’appartenait plus à ce monde.

C’était novembre mais ç'aurait pu être mars, le soleil brillait et le lit était trop confortable. Pour visiter Bruges, il faut être amoureux ou avoir une carabine. Marc n’avait ni un ni l’autre. Il voulait mourir.

Il a plié bagages et il est parti à Bruxelles, où les meurtres sont plus rares et les lits moins confortables.

dimanche 10 octobre 2004

Il est reviendu

Je savais bien qu'Alexandre ne serait pas capable de se la fermer bien longtemps.
Et c'est tant mieux pour nous autres!
Le plus québécois des Français.

samedi 9 octobre 2004

Histoire d'ouvertures

Dès le début, tout est fermé
On doit ouvrir la voie
Ouvrir les yeux car il le faut bien
puis on ouvre la bouche
pour enfin crier.

S'ouvre le monde, s'ouvre l'appétit
On ouvre les yeux et on ouvre l'oeil
On ouvre un livre car il le faut bien
On ouvre son esprit et s'ouvre parfois une lumière
On ouvre la bouche
pour répéter, pour fermer sa gueule puis riposter.

On ouvre la main, on gifle Sophie
On ouvre la main, on tire Nathalie
Puis on ouvre les bras, son coeur et ses draps
Parfois on ouvre tout ça dans d'autres sens car on ne sait trop bien
Mais on finira par ouvrir la bouche
pour embrasser
pour embrasser
puis bailler

Parfois on ouvre trop grand, parfois pas assez
On ouvre une porte qui reste coincée
Puis on ferme la bouche
pour ouvrir les vannes
pour s'ouvrir les veines.

Si un jour je me la ferme
vous saurez.
Mais d'ici là, je l'ouvrirai.

Pas excusables

Nous disons pardon, nous disons s'il vous plaît
Nous disons vous mais il ne faut pas dire nous
Nous espérons dire oui, nous chuchotons un non
Nous disons merci et nous nous traitons de con
pour ne pas soulever de poussière.
Nous sommes propres propres.
Nous nous dirons que nous ne sommes pas si mal après tout
et nous taperons derrière la tête des enfants
qui osent faire une grimace
parce que c'est pas fin
parce que ça ne se fait pas
parce qu'il y en a tout de même 3
qui ne nous ignorent pas...

Nous avons des excuses pour tous les autres,
surtout pour eux,
jamais pour nous.

Nous ne sommes pas excusables.

jeudi 7 octobre 2004

Chaude recommandation

Je sais pour l'avoir déjà lu qu'il sert des vers comme il sert des verres, qu'il use du jeu de mots telle une Roumaine de 12 ans use de la poutre, qu'il aboie du verbe jusqu'à la lie.
Jean-François Domingue
Léger et dense.
Valseur sûr.

mardi 5 octobre 2004

Soir de mégot

Derrière des vapeurs d'alcool, J. s'est maladroitement allumé une cigarette dans un clic métallique propre aux Zippo. Dès qu'il a voulu la prendre entre ses doigts engourdis, ses lèvres l'ont échappée. J. a soupiré puis est descendu de son banc pour la ramasser. Les bancs sont hauts à cette heure. J'ai pris une gorgée de bière en l'attendant. Puis deux.
Il ne remontait pas.

Au moment où je commençais à m'inquiéter, il est réapparu, l'air content. Il s'est rassis. Entre ses lèvres, un mégot éteint. En regardant dans le goulot de ma bouteille, je lui ai dit:
- T'avais pas une cigarette toute neuve?
Les yeux mi-clos d'alcool, il a tâté le mégot.
- Câlisse...
Frustration. Déception. Résignation.
- Ah, pis d'la marde!
Sans recracher le bout jaune glané par terre, il s'est allumé une seconde cigarette, toute neuve celle-là.

Grande leçon: quand les efforts n'apportent plus que des mégots éteints, il vaut mieux rentrer.
Mais seulement après une dernière cigarette.

lundi 4 octobre 2004

Avant de me coucher

Des gouttes et des ires,
des doutes et des rires
me hantent et m'habitent,
me tentent et me quittent.

Attention, je vous écoute...

Entendu au restaurant:
«C'est une vraie femme; elle aime le pain de viande.»

Belle époque pour les moches

Au café, jamais les moches n'ont-ils eu autant de plaisir à voir les filles leur tourner le dos que depuis la mode des tailles basses et des strings.

dimanche 3 octobre 2004

En attendant l'accident

Au coin de la rue, on filme une collision automobile.
Tout le quartier est paralysé pour cet accident. Depuis une semaine, on n’entend parler que de lui. Aujourd’hui, on n’a pas le droit de stationner, de marcher, de regarder, sauf de loin. Parce qu’on filme l’accident. Alors que la ville compte 584 963 intersections avec des feux de circulation, ils ont choisi de filmer au coin de ma rue où il n’y a pas de feux de circulation. Ils en ont ajouté. Des faux qui sont toujours au vert. Pour le film. Pour la frime.

Depuis ce matin, des automobiles de cinéma avancent et reculent pour faire et refaire la même scène. Depuis ce matin, une voix crie haut et fort «Trois, deux, un... Action!» Depuis ce matin, on refait passer les mêmes voitures avec les mêmes comédiens au même coin de rue. Et on recommence. «Chéri, t’as passé une belle journée? - Ouaip, j’ai traversé 274 fois la même intersection en Dodge Caravan, dont 137 à reculons. Heureusement que j'ai fait l’École nationale ...» 274 fois la même scène. Peut-être plus, j’ai arrêté de compter après 4. En attendant l’accident. Une collision frontale qui elle, ne sera filmée qu’une seule fois. Question de budget.

J’ai parfois l’impression que je répète aussi les mêmes trucs, inlassablement, en attendant ma collision frontale. Une seule.
Ma vie n’a pas un gros budget.

jeudi 30 septembre 2004

Une Forêt au coin de Papineau

Ce matin, j'ai croisé un fou malheureux.
Rare.
Peut-être n'était-il pas si fou.

L'ennui avec la folie, c'est qu'elle n'est pas fiable. Un jour elle étreint, un jour elle jette du lest. Même les plus fous se trouvent parfois intelligents. Une clairière dans la forêt. Un rayon de soleil. Une gifle. Et c'est dans ces petites clairières que les fous sont le plus malheureux, quand la folie laisse suffisamment de conscience et de recul pour qu'ils puissent la voir. Mais la plupart du temps, ils ne se trouvent ni brillants ni fous. Ils se trouvent rien. Ils ne se trouvent pas.
Un carcan confortable qui sait se faire oublier quand il est bien serré, un carcan qui étreint l'esprit et lui donne des allures de saucisson, un carcan qui abaisse la bonne chair au titre de bourrelet.

Ce matin, au coin de la rue Papineau, un fou regardait la forêt qui l'entourait.
Et pleurait sans tendre la main.

mercredi 29 septembre 2004

mardi 28 septembre 2004

Spasme

Souvent, j'arrive devant cet écran avec la désagréable impression d'avoir tout dit. Du moins, ce que j'avais à dire. J'ai pas écrit un foutu livre.
Si j'étais romancier, j'en serais un d'un seul roman, un poète d'un seul poème, un chanteur d'un seul hit. Je serais Rony Griffith (vous vous souvenez de Desire?). À moins que je ne sois AC-DC; 23 hits avec une seule toune.
J'ai tout dit.
J'ai tout dit.
Je me répète.
J'ai tout dit.
J'étourdis.
Mais mes doigts continuent à marteler les touches du clavier, comme les pattes d'une araignée mal écrasée.
Est-ce la vie qui s'acharne ou la mort qui s'installe?
Spasmodique.

lundi 27 septembre 2004

Deux toasters

Plein d'amis (qui ignorent à quel point je les aime), plein de boîtes, un camion, un diable avec des strappes, une blonde un peu émotive, plein de trucs maintenant en double - une grosse vente de garage s'en vient -, de la pizza mangée sur des boîtes de Cottonnelle. Voilà le grand saut.
Périlleux.
J'ai un peu la chienne et je me demande parfois ce qu'il me faudrait pour que j'apprenne.
Je devrais être nerveux face à cette vie à deux qui se termine souvent en solitaire; j'ai le pessimisme - que certains appellent réalisme - de mes 35 ans, après tout.
Mais non.
Suis content. Suis heureux.
Et j'ai deux toasters.

Cours de poésie

Tony Tremblay lisait ses mots, livre à la main, petit micro sur la joue. On était quelques dizaines à écouter ses paroles sous les haut-parleurs du chapiteau devant le métro Mont-Royal sans voir le poète, à le chercher du regard. Pour se rassurer. Pour se convaincre qu'on ne se faisait pas conter d'histoires.

Et le poète marchait, livre à la main, en clamant son texte aux badauds, aux passants, à la file lunatique qui attend l'autobus. Un poète fou qui ne demande pas de trente sous, qu'on ne fuit pas, le regard sur le ciment. Un poète qui parle tout seul à des dizaines de personnes.

Puis on l'a vu, puis on l'a perdu, puis on l'a revu. Il rôdait autour de nous, insaisissable, alors que ses paroles continuaient de nous atteindre. Et il est arrivé sous le chapiteau, devant nous. Dernière phrase, ultimes mots. Réel. On s'était pas fait conter d'histoire. Tony Tremblay venait de lire un de ses textes en arpentant l'espace devant une station de métro et des gens l'écoutaient, sans le voir, alors que ceux qui le croisaient le croyaient un peu déjanté.

Quelque chose comme de la poésie pure.

jeudi 23 septembre 2004

L'heure de la montée de lait (mais 2, c'est mieux)

Un générique, c'est une forme de remerciement. Pour souligner tous les travailleurs de l'ombre. Ils ne sont pas connus, ils ne le seront jamais, mais une claque dans le dos de 2 secondes et demie, le temps que passe leur nom à l'écran, c'est bien. Merci Gérard, merci Alice, merci feuille d'érable et fleur de lys. J'en connais qui font pas mal de bassesses pour moins de reconnaissance.

Et voilà que Radio-Canada crache au visage de ses travailleurs en passant des pubs pendant le générique des émissions, ce qui laisse 1/4 de l'écran, en bas, pour voir défiler des noms à une vitesse folle. Même sur la coke, ça va vite. J'ai essayé. Comme si papa et fiston «Au bon marché» avaient acheté R-C. Pire que TQS et son demi écran en largeur qui compresse les noms et transforme Jonathan Larochelle en Jan Lache...

C'est comme si on mettait une pub en 4e de couverture de tous les nouveaux romans, avec dans le coin gauche, le visage de l'auteur derrière le code barre.

Un instant, peut-être que les Intouchables le font déjà. Je vérifie et je reviens.

Le Temps des châtaignes

Il se moquait littéralement de ma copine.
Je ne pouvais laisser passer cela. Je me suis levé pour lui dre deux mots, peu importe lesquels. À deux mains, le courage. Le tas de muscles devait bien faire 1 pied de plus que moi, et ma tentative d'explication se traduira inévitablement par une invitation à la bagarre dans son cerveau barbare.
Arrivé près de lui, je tente une poussée sur le gigot qui lui sert d'épaule. Une mouche. Il se lève.
Normalement, quand l'heure des châtaignes arrive, il est de rigueur de se lever. Pas de surprise.
Mais pas là. Ça m'a scié. Je croyais qu'il était déjà debout. J'ai eu droit à 2 secondes pour avoir une admiration infinie pour le courage de David contre Goliath.

J'ai gardé une dent contre lui, mais les femmes aiment bien les prunes quand elles en sont l'origine. Comme le fruit défendu.

Aphorisme

Se frotter le ventre n'a jamais fait avancer personne. Sauf les serpents.

mercredi 22 septembre 2004

Argumentation convaincante

Il y a quelques années, un de mes étudiants a composé un texte qui débutait comme suit:

«Depuis toujours, tout le monde ressent le besoin qu'il faut savoir lire et écrire. On n'a t-il besoin de savoir lire et écrire?»

Poser la question, c'est y répondre.

Droite Suisse dans un gauche anglais

Il commençait à se faire tard et le bar, désert. Nous étions quasiment les seuls assis à une table. Autrui discutait ferme, appuyé au bar. Ça rigolait partout.
Dans un anglais gauche, un jeune visiblement étranger sorti de nulle part (mais probablement d'ailleurs qu'ici) nous a demandé s'il pouvait s'asseoir à notre table. Il n'avait d'yeux que pour mon amie M-È assise à ma droite, et n'a guère prêté attention au tour de présentation. Elle a toujours été plus belle que moi, alors j'ai abdiqué. J'aurais abdiqué anyway.
Aussitôt assis, il a levé son verre. «To the Queen!»
J'ai eu une soudaine crampe au colon...

En moins de 15 minutes, on a appris qu'il était suisse, qu'il détestait les enfants et qu'il méprisait les femmes prêtes à laisser leur conjoint s'occuper du bébé pendant qu'elles travaillaient. De plus, malgré le fait qu'il était contre la militarisation, il portait une casquette de l'armée suisse (j'étais déçu, pas de tournevis ni de lame rétractable dans la palette) et il avait une fixation tout européenne sur les États-Unis. Il n'a même pas ri quand j'ai vanté les mérites des forces navales helvétiques...
Out. Mort. Next.
Retrait préventif automatique, nous sommes allés empoigner des bouts de bois pour empocher quelques boules de billard. Pour se protéger aussi.
Il a dû se demander ce qu'il avait bien pu dire. Seul à la table, il a surveillé nos manteaux une bonne quinzaine de minutes avant de partir à 2h48 pile.
Précision suisse.

Attention, je vous écoute...

«Ça sent l'eau chaude...»
Alexandre Beauchamp

samedi 18 septembre 2004

Aphorisme

À force de se pousser et de se tirer, on finit par se sentir pressé.

Signes de froid

Le cadavre d'une guêpe gît devant ma porte que je ne laisse plus ouverte.
Les feuilles des arbres rougissent d'embarras d'être aussi prévisibles.
La musique vibrante des voitures sport dérange de moins en moins.
Les filles n'ont plus de mollets, sauf pour quelques duveteuses.
Le bar s'éloigne de mon salon mais me sert toujours aussi tard.
Et ce matin, sans y penser, j'ai pris mon café à deux mains et l'ai siroté plus longtemps qu'hier.
Certains le diront de force, moi je lui dirai enfin.

Oups

C'est con, mais je vérifiais chaque fois.
Et ce matin voilà, je ne suis plus dans les favoris de Tony Tremblay.
J'aurais pas dû dire que j'étais prof de français...

jeudi 16 septembre 2004

Critique toujours...

Ils ont écrit (pour après me dire "ben quoi, vous comprenez ce que je voulais dire..." - Ben oui, mes étudiants me vouvoient souvent (eux!), mais ils disent aussi "Monsieur, tu veux tu que...") :

"Guillaume Vigneault nous prouve qu'il est le fils de son père."
"Les paragraphes se suivent sans s'en apercevoir."
"L'auteur décrit avec un vrai talent digne de soi."
"La vie est pleine de gars comme lui. S'ils n'existaient pas, la vie continuerait."
"Les personnages sont décrits avec munition."

Après on lira du Mistian Chrystal (un auteur fragile).

mercredi 15 septembre 2004

Now go home

Assis sur ma moto, en plein milieu d'un embouteillage, j'essaie de ne penser à rien, de ne pas prendre de pose. Mais ne pas prendre de pose, c'est déjà en prendre une. Ma barbe de 4 jours et mes lunettes fumées me donnent des airs de Hells. Pourtant, je n'ose même pas doubler la ligne de voitures par l'accotement. Alors doubler des lignes de coke...

Dans leur habitacle, tout le monde à l'air de la bête en queue pour l'abattoir. Silence épais de monoxyde de carbone. J'entends leurs pensées: «Stie qu'i' m'énerve quand i' chante...»; «22 ans à' même place...»; «Si j'avais un gun...» Un paquet de petits malheurs muets, de petites fins du monde que personne ne saura, trop occupé à la sienne.
Devant moi, sur le pare-choc arrière d'une vieille Escort verte et rouille immatriculée aux U.S. of A., un autocollant: «Welcome in New Hampshire! Now go home.»
Go home...
L'accotement m'appelle.
Tant pis pour les fins du monde.


***

Pour lui mettre un peu de pression...
Le blog d'Alexandre, un de mes anciens étudiants. Je les perds pas tous...


dimanche 12 septembre 2004

Idylle éthylique

J'ai soif
tu m'abreuves
je bois
tu me désaltères
je bois encore
je cale
je m'enivre
tu me grises
tu me saoules
je vide
je titube
tu me liquides.

samedi 11 septembre 2004

Femmes de foi

La foi a cette curieuse propension à nous quitter pour les mêmes raisons qu'elle vient à nous.
Comme beaucoup de femmes que j'ai connues.

jeudi 9 septembre 2004

Attention, je vous écoute...

"Un bébé, ça dure 2 ans."
Catherine Alix

À qui appartiennent les mots?

Ce matin, la pluie m'a obligé au transport en commun. Debout dans l'autobus, j'essaie de ne pas penser que j'en descends dans une heure, peut-être plus si la voiture devant n'avance pas bientôt. Autour de moi, plein de gens, tous le même air de pluie. À ma gauche, une superbe femme noire aux yeux bridés. La sonnerie de son portable est le thème de la Soirée du hockey, version Casio. Ça ne s'invente pas. À ma droite, une jeune gothique qui marche sur sa cape. Derrière elle, un gringalet de 9 pieds avec une barbe de Chinois (c'est-à-dire pas très touffue), vêtu de feuilles d'érable, question de me rappeler que je suis en territoire étranger: une feuille d'érable sur la casquette, un drapeau du Canada sur son sac à dos, un autre plus petit mais pas moins discret sur sa bretelle droite, une feuille d'érable avec un castor sur une jambe de son pantalon. Sur son t-shirt, on peut lire Cozumel, Mexico. Je n'y suis jamais allé et j'en ai de moins en moins le goût. Le gars à cet air idiot qu'on a quand on est dans la lune. Pauvre Cozumel.

L'ennui m'assaille et je choisis de lire une copie du journal Métro qui traîne. De toutes les nouvelles du monde, bonnes et mauvaises, c'est le blanchissage de Brodeur qui fait la une. L'autobus n'avance pas d'un poil. Je tourne la page. Je plonge dans une série de nouvelles qui tiennent en peu de lignes et encore moins de vocabulaire.

L'homme derrière moi se penche. Il ne peut faire autrement que de lire un peu, furtivement, à yeux de loup. Étrange cette impression qu'on nous vole quand quelqu'un lit le journal par dessus notre épaule, comme si les mots imprimés nous appartenaient.

Dehors, pendant que je me fais voler, il ne cesse de pleuvoir. Et la voiture devant n'avance toujours pas.

Attention, je vous écoute...

... mais des fois, je sais pas si je fais bien.

"Le temps est comme un raton-laveur qui se promène dans le bois."
Jean-François D'Aoust

mardi 7 septembre 2004

Au boulot!

Ce matin, exercice de concision. Mes étudiants devaient résumer une bande dessinée de Gotlib… La concision était au rendez-vous, mais... Voici l’histoire racontée par une huit d’entre eux.

Je vous jure, j’invente rien. Tout est d’origine; l’orthographe comme la peinture


Dans une région étrangés, il est habité un vieux bonhommes (…) qui fabrique des marionnettes de son état. (…) Cette soir, il prié sur l’étoile magique (…) La fée de l’étoile elle entra dans un chembre puis s’avensa ver la marionnette inerte puis le frappa avec quelque coup de baguette magique. La fée cria « lève toi et marche » puis la marionnette inerte se leva. Il s’appela Pinokenstein. (…) La marionnette a commencé sa vie et déjà il causes des problèmes. (…) car il n’avait pas une voix de conscience (…) Il se passe la ligne qui dessigne le patience de son père alors notre petit ami et puni et mettez dans la boîte de termites. (…) À la fin Jean rêvé pour un autre fils. Quand il se léve le prochain matin c’est de réalité.


La semaine prochaine, je compte bien aborder Jean-Saul Partre et la problématique contemporaine entourant l’usage abusif du subjonctif imparfait.

Problème d'élocution ou éloquent problème?

Pourquoi certains entendent "perdre mon temps" quand je dis "prendre mon temps"?

La vitesse du menton

Ce matin, le cégep était plus loin que d'habitude, mais la moto roulait vite et mon menton laissait des débris d'insectes dans son sillage. J'ai rien vu entre Lachine et Baie d'Urfé.
Ça m'inquiète toujours un peu de me rendre soudainement compte que je n'ai aucun souvenir des 5 ou 10 derniers kilomètres parcourus. J'étais où? Qui vivait pour moi pendant que je m'occupais à autre chose?
Trop de jours resssemblent à ces kilomètres perdus...

dimanche 5 septembre 2004

Aphorisme

S'éclater, c'est comme s'éparpiller, mais sans perdre son temps.

La Permanence du temporaire (ou le blog qui ne mène à rien)

Il y a plus de 4 ans, j'ai aménagé dans cet appartement en me disant que ce serait temporaire. Une sorte d'escale post-rupture, un oasis entre deux bouts de désert. Il était hors de question que je peingne quelque mur que ce soit; jamais a-t-on vu un itinérant peindre sa boîte de carton.

Ma co-loc de l'époque m'a toutefois convaincu d'au moins repeindre la cuisine. Ainsi soit-elle. On a alors troqué le bleu pour du vert. Mal de mer pour mal de coeur. Depuis, je mange dans le salon.

Jamais temporaire n'aura été si long. Du moins dans mon cas. Une temporalité qui se maquille en permanence. Avec l'arrivée prochaine de Dame V., j'ai abdiqué et on a choisi de se faire aller le pinceau. Dire qu'à une certaine époque, j'avais repeint un 4 ½ au complet pour 25$... Ok, on achetait les pots de couleurs manquées qui traînaient sous le «shaker» de peinture, mais bon... Faut aimer le rose-brun, le vert-brun, le brun-brun...

Tout ça pour dire que ce matin, des picots de peinture plein les bras, on a commencé à enlenver le ruban protecteur (du ruban «à masquer General Purpose», du ruban pour généralement maladroit, du ruban pour aller plus vite mais qui prend plus de temps) qu'on avait posé au plafond, dans les coins, autour des portes. Tirage, arrachage, grattage et grosses boules de papier collant. À chaque mètre, quand ce n'est pas la peinture qui avait réussi à baver en dessous, on arrachait un bout de la peinture qu'on avait voulu protéger...
Maudite affaire.

Je ne vois plus trop où je voulais amener cette histoire. Menfin. Il y a sûrement une morale à retenir. Je vous laisse le soin de la trouver. Moi, j'ai des retouches à faire...

vendredi 3 septembre 2004

La Tournée

Elle était assise là. Présente. Elle parlait fort, elle riait fort, elle sentait fort. Parfum haut de gamme. Vertigineux. Les effluves me passaient dix pieds par dessus la tête. Dans toute cette fumée, elle donnait l'impression de se gaspiller. Allez, gaspille-toi, chère.

Je ne la connaissais que depuis 15 minutes. Et encore, de vue. Déjà elle racolait tout ce qui avait des couilles autour de la table à coups de farces grasses. Elle se croyait dépositaire d'un charme irrésistible. Un McDo du charisme.

À l'aube du meurtre, je suis allé m'accouder au bout du bar. Oasis, tourelle, phare. Je suis resté juste pour voir lequel de mes cons amis sombrerait dans la facilité.

Elle est partie seule.

J'ai payé la tournée.

Aphorisme

Difficile, vieillir. Il faut devenir mûr et rester vert. On n'exige même pas ça d'un fruit.

Aphorisme

Pour voir les étoiles, il ne faut pas regarder la merde dans laquelle on marche.

mardi 31 août 2004

La saleté des sobres

Depuis quelques jours, je suis d'une efficacité qui me déconcerte parce que sporadique: peintre de murs sales, réparateur de robinets, boucheur de trous, relationniste proprio-locataire (pourquoi suis-je si fin avec cet enculé brossardois bronzé à l'année?), professeur de collégiennes estivales (criss de tailles basses!) J'ai même réussi des rénos sur mon blogue, moi qui nage dans les codes informatiques comme une roche dans une mer japonaise (vous essayerez de crier à l'aide avec 4 alphabets!) Alors ce soir, je m'assois pour contempler mon oeuvre. Avec le sourire niais de celui qui a fait, je me passe une main complaisante dans les cheveux qui me restent. J'arrête soudain mon mouvement et réalise que je ne me suis pas vraiment lavé depuis que je suis efficace.
Alors vous avez le choix: sale et producteur ou propre et picolant.
J'ai ma petite idée là-dessus.


lundi 30 août 2004

La Fin de l'éternité

Je suis souvent le plus vieux de ceux avec qui je bois au bar alors qu'avant, ce plus vieux m'apparaissait pathos. «Moi à son âge, je serai ailleurs, pas encore là.» Mais ailleurs, c'est où? Ailleurs, est-ce vraiment plus confortable ou seulement rassurant?
Maintenant, je parle de bébés, de recettes faibles en gras et d'exercices pour abdominaux alors qu'avant, je ne voulais que refaire le monde à grands coups de champs d'agave;
C'est sans compter le fait que je me suis acheté une télé un peu trop grosse pour mon salon alors qu'avant ma 14 pouces était un symbole de résistance médio-consumériste; que mon divan n'a plus assez de support lombaire alors qu'avant je pouvais passer des jours et des nuits assis, couché, seul ou à deux, sur n'importe qu'elle merde; que draguer une fille de 18 ans m'apparaît immoral et que maintenant, le café m'empêche vraiment de dormir le soir.
Et je suis là à rêver de bébés comme si c'était une fin en soi alors que, pour paraphraser mon ami G., on oublie que les bébés ne sont là que pour nous remplacer. Sans compter le fait qu'aujourd'hui je fais tous ces constats sans révolte. Zen.

Pas de nostalgie ici. Juste cette délivrante abdication devant la force de cette vie qu'on passe des années à regarder par en dessous comme on regarde un ennemi, à lui cracher à la figure parce qu'on est intouchable, qu'elle est éternelle.
Pas de nostalgie. Juste la fin de l'éternité.
Mon éternité a duré 35 ans. C'est pas mal plus que celle de bien des gens.

Et l'acceptation de vieillir m'empêchera pas de regarder des Six Feet Under avec ma blonde en buvant du vin rouge à même la bouteille.

jeudi 26 août 2004

Attention, je 'vous écoute...

«Y a rien comme le temps pour faire vieillir quelque chose.»
Richard Plouffe

Cheers!

Mardi soir.
J'arrive au bar assez tard pour être sûr que les cinqàseptiers soient rentrés dormir. Ma bière est déjà coulée quand je mets les pieds dans la fumée. Mon Cheers...

Je vais mettre à l'épreuve quelques principes élémentaires de physique sur le tapis vert. J'y suis resté plus de deux heures sans payer et sans y être vraiment bon. Encore ce syndrome de l'imposteur.

Puis je reviens m'amarrer au bar avec Cheval (un des êtres les plus drôles que je connaisse) puis G. arrive, question de noyer les bières qu'il a déjà prises ailleurs. Jusqu'aux premières lueurs du jour, clé dans laporte comme pour protéger notre paradis, on a parlé de nostalgie, des chansons que nos parents écoutaient dans la voiture familliale, de nos plus récents désirs de bébés... Entre les soupirs, on a chanté à tue-tête «Chauffard» de Cabrel, «I Don't Care Anymore» de Collins et d'autres thérapies du genre «Ra-Ra-Rasputine, greatest russian love machine»...
Du bonheur à 2 cennes.
Du bonheur qui fait sourire comme une chanson (juste une) de Patrick Zabé.
Du bonheur sans prix comme l'appel sans raison d'un ami, un soir de blues.

Air Sérénité

Samedi a décollé Kefra. Derrière ses brumes d'aboutissement, de second (troisième?) début et de douce faillite, je le voyais pour la première fois serein, sans les 10000 points d'interrogation qui l'accompagnaient depuis toujours.
Il va revenir, je le sais. Il ne pourra supporter l'accent de ses beaufs...

Highway to vieil

J'arrive d'un cours où les étudiants sont nés en 87! Pour eux, Dassin c'est de la préhistoire, leur U2 est comme mes Beatles, et Cobain s'est suicidé alors qu'ils commençaient tout juste à ne plus faire dans leur couche...
Alliez ça à mes courbatures post-gym et je me crois dans la voie de gauche pour l'hospice.



mardi 24 août 2004

Aphorisme (suite)

La vulnérabilité, c'est la clause écrite en petits caractères qui accompagne le contrat de la sensibilité.

Bon, ok, j'arrête. Sinon je vais finir par me prendre par Paul Coelho pis réécrire L'Alchimiste (Aaarrrgg!): si nous sommes vraiment assis sur notre bonheur, pourquoi le cul nous pique?

Aphorisme

La vie est une pute que l'on paie trop chère.

samedi 21 août 2004

Esprit à la chaîne

Stress? Chiasse? Choléra?
Cette semaine, je dormais mal. Je me réveillais au milieu de la nuit et, abdiquant, j'allais me poster devant ma 14 pouces pour profiter des derniers jours de câble que Vidéotron m'offre afin d'appâter un nouveau client avant de me renvoyer à la plèbe des 6 canaux qui rentrent mal. J'ai fait le tour des chaînes en moins de 30 secondes. J'ai recommencé le manège une bonne cinquantaine de fois. Ça donnait un discours un peu incongru du genre:
«Bush s'opppose... 7 dixièmes de seconde derrière Button... à la prochaine... hausse du dollars... at the bottom of the ocean... restoranti di Roma... 8 degrés à Val d'Or... applaudissements... éliminer 2 candidates... still 6 questions to the million, no lifeline left... scène de cul trop feutrée, musique d'ascenseur... Go,go, you can eat these worms... de fleurons glorieux... seulement une médaille... I'm waiting for your call...»
Il m'est encore difficile de réfléchir correctement.
Discours câblé. Idées branchées. Esprit enchaîné.

Sous la menace des Témoins

J'ai revu «Gaz Bar blues» hier. Grand, très grand film. Tous les pères doivent le voir. Les pères et les compères. Et les autres.

***

Je ne sais pas si c'est ma récente purge virale ou l'automne qui s'amène avec sa enième session, mais l'envie romanesque me réveille la nuit.
En relisant mes nouvelles, je me suis rendu compte qu'en mettant un peu de rempli-joint entre quelques unes, j'avais un bon 50 pages. Alors qu'attends-je?
Que l'auto-censure baisse les bras.
Pas facile. Cette mégère me baillonne depuis quelque temps déjà et malgré les milliers de litres d'alcool, elle file à merveille. Joints? E? Abonnement annuel au club l'Orage? Que me faut-il?

Allez, hop! Je me déshabille et me mets au boulot, question d'être nu et d'avoir l'air affairé; des témoins de Jéhovah arpentent le trottoir sous ma fenêtre et menacent ma quiétude...

vendredi 20 août 2004

La Soirée du râle

Ma grande maladie d'homme de ces dernières heures m'a fait manquer (sans ordre): une soirée avec dame V., le lancement du disque (pas olympique) de Béluga pour qui drum J., un souper de poisson pas-piqué-des-vers-non-madame concocté par G., et une soirée d'adieu pour A. qui subit l'appel de la terre natale.
À la place de tout cela, j'ai foutu nada.
Moins que le mec qui lit son journal dans son char depuis une heure devant chez-moi.
Je me suis à peine contenu pour ne pas râler dans mon semi sommeil. Pourtant, ça fait tant de bien de râler...

jeudi 19 août 2004

Il pleut, je suis fiévreux et je garde le journal près de la bol parce que c'est là que je passe le plus clair de mon temps depuis 24h.
Retour à l'enseignement, j'imagine.

mardi 17 août 2004

Laisser parler les autres...

À Dipat et ses questions:

«Toute ma vie j’ai cru briser mes chaînes alors qu’en fait j’en mesurais la longueur.»
Anne Archet

lundi 16 août 2004

Je suis déjà un autre

Je repensais au fait que mes textes semblaient avoir été écrits par quelqu'un d'autre...
Le concept est très intéressant: si rétrospectivement j'ai déjà été quelqu'un d'autre, le moi présent serait alors un autre par rapport à mon futur moi... Ainsi, je suis un autre!
Est-ce pour cela qu'on ne reconnaît pas sa voix sur le répondeur?
En tout cas, peu importe ce qu'on me reprochera, dorénavant, c'est pas moi qui l'ai fait!

dimanche 15 août 2004

Vieilles Nouvelles

Voilà que les vacances se tirent. Quelque chose comme 9 ou 10 semaines. J'me fais pas chier, non madame. Je regarde derrière et me semble que je n'ai rien foutu. Mais à bien y regarder, j'ai... vraiment rien foutu.

Pas l'ombre d'un désir de regret. Suis vachement doué pour la farniente.

***

Le nouvel emplacement pour le bureau et la nouvelle lumière sur l'ordi m'ont fait dépoussiérer quelques trucs d'une autre époque. On n'a jamais trouvé quoi que ce soit de neuf sous la poussière. Poussière, soleil, même combat... J'ai ressorti un tas de vieilles nouvelles. Mon recueil version 2002. Je le relis avec l'étrange mais ô combien agréable impression que c'est quelqu'un d'autre qui a écrit tout cela. Je fais un petit tri en j'envoie aux éditeurs...

Pour le recueil, j'avais pensé à «J'ai de bien mauvaises nouvelles pour vous» comme titre. Un peu de recherche m'a rapidement enseigné que c'était déjà pris, à une tournure près. Alors... hum...
Des suggestions?

vendredi 13 août 2004

La Palice, et autres pognages de front inutiles

On oublie pas, on s'habitue.
On remplace pas, on pallie.
On devient vieux, on gagne en poids ce qu'on perd en cheveux, dents et autres artifices. Derrière la pupille restera toujours un âge qu'on associe à l'innocence des vingt ans, mais qui se savoure plus tard, plein de sucre sur l'amer de l'écorce.

***

C'est pas pour rien que les vieux oublient ce qu'ils ont fait il y a 5 minutes, mais pas les détails d'il y a 60 ans. C'est justement pas des détails. C'est la vie, c'est une immense anecdote.

La vie est une farce de ti-cul de 5 ans; le punch final est prévisible et plate, mais c'est tellement cute racontée avec deux dents en moins.

***

Alexandre, c'est pas parce qu'on est proche qu'on est pas loin.
Un pas en arrière peut être un élan.

Pis Paris, c'est tout de même un peu mieux que Montréal Nord.


jeudi 12 août 2004

La Raison des huarts

De retour. Pour tout et tous.
J'arrive du Chalet, avec un grand C; celui qui a su conserver son âme de chalet, avec ses meubles déjà kitchs à une autre époque et ses peintures de matante chose et mononc truc au mur; celui où je vais depuis près de 30 ans; celui du Crabe dans la tête. Le chant des huarts dans la nuit, les étoiles filantes, les traces de chevreuils sur le bord des trous d'eau les lendemains d'orages de fin du monde. 15 km de trous et de bosses en terre battue pour se farcir le bourdonnement de mouches qui ont un bon 3 cm de front entre chaque oeil.
Sous un ciel ruminant sa colère, la moto s'est tapé 250 km sans rien dire malgré la 40 et ses camions, malgré le boulot qui recommence lundi, malgré le firmament orange des nuits montréalaises.
Ce soir, j'irai trinquer au Boudoir. À la santé des huarts qui se crissent b'en de moi.
Avec raison.

samedi 7 août 2004

La Profondeur des verres

Sorti du bois.

Au revoir mouffettes et feux de camp (certains soirs, flamme (oui oui, au singulier) de camp). Le pic-bois m'a épargné. Cette fois. Nous sommes revenus au nid urbain, non sans avoir parfois soupiré pour quelques arpents verts et une maison, une grande galerie en bois, une banquette d'Oldsmobile 73 à titre de transatlantique. Qui aurait dit que je me réconcilierais un jour avec la campagne, son horizon et ses odeurs de fumier qui, par un quelconque sort d'enfance, me font rêver... C'est ben pour dire, au retour, j'ai trouvé Cowansville joli, par bouts.

Mais bon, ces courtes vacances sont terminées. Et c'est justement cette finitude qui donne toute la beauté à ce que l'on vit. L'éternel rend terne ce que l'éphémérité lustre.

C'est peut-être pour ça que les verres de bière sont si petits.

samedi 31 juillet 2004

Quand la pluie prend les devants

Ce soir, depuis mon formidable balcon-deux-personnes arrière, on entendait la pluie arriver 100 mètres à l'avance. Prévenante. Alors on l'attendait. Puis elle tombait. Promesse remplie. Et pendant qu'elle nous faisait son spectacle à l'arrière, elle inondait l'entrée avant, la porte étant restée ouverte pour fins aératives...

La pluie est une drôle de salope qui vous menace par derrière mais vous prend par devant.

Prévenant, moi je ne le suis pas. J'hais préparer les trucs d'avance. Au point où ça en devient maladif. Mes bagages pour ma traversée de l'an dernier, je les ai faits la veille. Pour mon voyage au Mexique de décembre chez popa V., le matin même. Alors on imagine pour le trip de camping de 4 jours qui commencera dimanche... Mais à part une tente, une cafetière espresso (bonjour le bourge!), une plume, du tabac et des allumettes, qu'avoir besoin de plus? D'acc, la pipe serait une bonne idée, mais zensuite? Hein? Hein?

J'ai hâte aux arbres, mais je m'ennuierai aussitôt de la ville. Pourtant, je sais qu'un jour, je ne voudrai plus revenir, que le pic-bois tappera sur ma tête de bois...

mercredi 28 juillet 2004

Le Texas est parmi nous

Le 24 juillet dernier, Le Devoir annonçait que d'ici quelques dizaines d'années, l'humain pourrait vivre jusqu'à 5000 ans. Il faut croire que je me réjouissais trop tôt de n'avoir plus que 25 ans à travailler avant ma retraite...

***

Ces derniers temps, la question gay m'entoure; les points d'interrogation de Girl in a bottle, le coming out de David dans Six Feet Under, la famille de mon ami J., etc. Même Anne Archet fait une courte allusion à la beauté des habitants à L'Est de UQAM, pardon, d'Eden (au fait, la Genèse revue et corrigée au goût du jour parlerait d'Adam et Marcel...:)). Au point où je trouve presque ennuyant de ne pas nager dans les mêmes eaux, sinon dans celles de la compassion.

Mais ce n'est pas parce qu'un homme gay rit que personne ne le croit malade (ouf! quel jeu de mots!) Alors, continuons à en parler. Car contrairement à ce qu'un ami disait en fin de semaine, le Texas n'est jamais bien loin...

dimanche 25 juillet 2004

Grosse vie

Gros homme
grosse bedaine
grosse épilation
si grosse femme
grosse lipposuccion
gros enfant (au singulier)
gros chars
grosse maison
grosse piscine
gros chalet avec grosse vue
gros portefeuille
gros cigare
gros scotch
grosse voix
gros orgasme
grosse tête
grosse dépression
grosse prozac
gros rire
gros contrat
grosse signature
grosse facture
grosse arnaque avec gros sourire
grosse fête
grosse mort dans gros cercueil
grosse vie sale
grosse vie
gross life.

vendredi 23 juillet 2004

La Force du recul

Ouain.
Bon, je néglige ce blog. Hier soir, entre un verre de cidre et une bibitte, Dipat me l'a reproché mais je me console, Kefra est aussi paresseux que moi. Bien sûr, le roman n'avance pas et mon ami J. attend des textes pour quelques chansons qu'il écrit (fort bonnes d'ailleurs). Petit hint pas rapport: J. a travaillé sur un super bon projet qui pourrait bien aboutir chez un disquaire près de chez-vous avant longtemps: Béluga (s ou pas, je sais pas). J'espère que ça n'échouera pas! (scusez, trop facile.)

***

Cette semaine, j'ai rencontré la soeur d'un ami français que j'aime beaucoup (l'ami, pas la soeur). Elle était à Montréal pour une semaine. Tous les clichés de la Parisienne chiante: les Québécois parlent mal; shopping n'est pas un anglicisme (bicoz utilisé en France) mais cute l'est (parce que used in Qwibec); il n'y a rien à faire à Montréal; il n'y a pas d'ours au Québec (on n'inventerait ça pour se rendre intéressants), etc. (j'en passe et des meilleures), tout cela agrémenté du commentaire: «mais je suis Française; j'ai un recul par rappot à votre culture que vous ne pouvez pas avoir...»
Heureusement que j'ai des amis français qui sont super, et j'ai pensé très fort à eux pour ne pas lui reculer dessus...
David et Alex, vous avez sauvé la vie du femme sans le savoir.

mardi 13 juillet 2004

La joyeuse Saskatoon

Pour guérir les humeurs à la Roger Waters, rien de mieux qu'une relecture personnelle des grands questionnements métaphysiques.

Musicalement, il y a les relectures de Johny Cash et celles de Richard Cheese. Mais pour flatter mon américanitude et pour tous ces soirs où j'ai oublié de mettre mon tuxedo, voici deux excellents bands:
Pour les amateurs de Pink Floyd: Luther Wright and the Wrongs. Un album intitulé Rebuild the Wall Part 1. Les bruits d'hélicoptère sont remplacés par ceux d'un tracteur, même la téléphoniste dit «This is Canada calling. Are we reaching?» Délicieux.
Pour les amateurs de Radiohead: allez voir le site rodeohead.com ou plutôt, allez écouter leur medley sur www.hardnphirm.com/rodeohead.html

Ça donne des envies de Saskatchewan.

Le talent tueur

Soleil, chaleur, brise légère. Le seul pas que j'ai fait dehors avant 17h a été pour sortir quelques plantes sur mon balcon. Même pas écrit une ligne. Pas fier.

J'ai passé la soirée avec J. Après 2 films et une petite bouffe, il m'a fait écouter des ébauches de compos. Il veut que je lui compose des textes à mettre sur ses notes. Je veux bien. Mais je ne sais pas pourquoi, je bloque dès que j'y pense. Même chose pour mon putain de roman et pour mon recueil de nouvelles. Je m'écoeure.

Pourtant, G. me dit que j'ai du talent. C'est flatteur, mais je sais bien que je suis loin d'en avoir autant que lui. Lui il compose entre 2 cigarettes. Je fais tout pour le déranger dans l'écriture de son 3e roman (3e! M'énarve...); je le bats aux échecs, lui sape le moral au poker, rien à faire. Il se revire de bord, me fait lire une nouvelle qu'il a chiée la veille ou un texte de poésie écrit entre 2 efforts sur le bol pour un show de sa soeur... Puis ça vaut 100 fois ce que je mets 2 semaines à peaufiner...

Peut-être suis-je juste trop sévère avec moi.

Pis là, il est 3h30.

Demain, j'écris.

dimanche 11 juillet 2004

Le vide du monde qu'on remplit trop vite.

Aujourd'hui, plage. Près du lac Champlain. Côté U.S. of A.
Le lac de mon enfance, les dizaines de mètres à marcher en ligne droite vers le large avant d'avoir de l'eau aux épaules, l'odeur. Et les voiliers.

Voilà un an que je suis revenu de l'Atlantique. Et le large me manque. Les couleurs de la haute mer. Le bruit du vent qui frappe les voiles, celui des vagues qui frappent la coque, qui rappelle le bruit des collisions automobiles. Les vents, les vagues, les dauphins, les nuits sans étoiles où on entend des souffles de baleines tout près, et celles où il y a assez de lune pour lire sans sa lampe frontale. L'étourdissement que causent les 4000 mètres de profondeur de la mer des Sargasses, immensité qu'on effleure qu'en surface. La silhouette du volcan Pico qui se dessine au petit matin, après 16 jours de montagnes liquides et de désert humide. Et surtout l'horizon; 16 jours sans voir ni terre ni autres humains. Cette distance entre nous et les autres, entre nous et la terre, entre nous et nous.... Les moments où tu dors sachant qu'une des deux autres personnes à bord veille sur les vents. Les moments où elles dorment et que tu veilles sur les vents, ajustes les voiles (ou les sabotes!), gardes la route, passes des heures à lire le GPS qui t'annonces que tu es 40 pieds au dessus du niveau de la mer, puis 5 secondes plus tard 20 dessous... Les moments où tu mesures ta valeur et ton infime présence.

Traverser l'océan à une vitesse moyenne de 6 noeuds... Faites le calcul. Amplement de temps pour faire le plein de vide.

Un vide qu'on remplit à toute vitesse dès qu'on revient, comme des cons, comme si garder un vide signifiait garder un manque.

vendredi 9 juillet 2004

Jeu de faire

Faire bailler
Faire ses dents
Faire une sale tête
Faire le deuil
Faire face
Faire mal
Faire ses valises
Faire du bruit
Faire le mort
Faire chaud
Faire froid
Que faire?
Faire le sauvage
Faire ni chaud ni froid
Faire erreur
Faire dur
Faire tard
Faire du souci
Faire sourire
Faire l'amour
Faire son nid
Faire beau

mardi 6 juillet 2004

Psychologue à 5 sous

Je me rappelle mes 5 ans, mes courses effrenées où ma mère me poursuivait sur le terrain devant chez moi. Elle feignait de courir à toute vitesse, à bout de souffle, les bras au ciel, et criait qu'elle allait m'attraper, qu'elle allait me manger. Moi, je fuyais dans de grands éclats de rires terrifiés, jusqu'à ce qu'elle m'attrappe dans un grand «Ha Ha Ha» d'ogresse. Et chaque fois, le dénouement de cette poursuite me laissait avec une douce déception; me retrouver prisonnier de ses bras ne m'apportait pas le réconfort, le bonheur imaginé. Je me débattais, je repartais, je criais «encore, encore» en y croyant de moins en moins...

C'est ce que font les mères: manger leur fils en riant, en leur faisant promettre de ne jamais grandir, en leur promettant qu'elles les garderont toujours au creux de leur bras.

Sans le savoir, à 5 ans, j'avais compris la vie de la plupart des hommes: fuir une femme aux bras tendus, qui menace de nous manger d'amour. Et dès que ces hommes abandonnent la course et se laissent attraper, ils ne trouvent qu'un vague et éphémère réconfort.

Je me relis et je crois qu'il ne me reste plus qu'à m'ouvrir un bureau de consultation sur le trottoir devant chez moi.

5 sous la consultation.

dimanche 4 juillet 2004

Elle

Elle joue la précieuse,
Elle fait la petite fille,
Elle a trop d'énergie le matin,
Elle a fait trop de guerres,
Elle tente de séduire, toujours,
Elle force les pièces du casse-tête pour qu'elles s'emboitent,
Elle est impatiente,
Elle est jalouse,
Elle est possessive,
Elle est contradictoire,
Elle m'aime,
Elle me manque.

samedi 3 juillet 2004

Où est Jean?

Suis-je en train de répéter une sempiternelle même erreur?
Suis-je à la poursuite d'un idéal inatteignable?
Ne devrais-je pas me sentir libre, allégé?

Comme toute ma relation avec elle, j'intellectualise tout. Ma tête dit. Petit, c'était simple; On jouait à «Jean dit...» et on écoutait, on obéissait. Si on avait le malheur d'exécuter un ordre que Jean n'avait pas dit, out, fini. Mais Aujourd'hui, Jean ne dit plus rien. Où est passé Jean?

Ce matin, elle me manque.
Ce matin, je ne veux pas me retrouver dans d'autres bras.
Ce matin, j'essaie de ne pas l'imaginer pleurer.
Ce matin, je suis un con.

vendredi 2 juillet 2004

Les Vrais Mensonges

Comme un lâche, comme un kamikaze, comme un dieu cruel, je viens d'arracher son coeur. Elle pleure. Elle crie. Mais le pire c'est quand elle ne parle pas. Elle veut mourir mais son corps continue d'inspirer, d'expirer, d'inspirer...
J'aurais dû le faire plus tôt. Je l'ai fait alors que de beaux mensonges d'amoureux avaient été soufflés aux creux des épaules, des beaux et des vrais.
Comment aimer sans être amoureux?
Cette fille a beaucoup représenté: couple, enfants, foyer... Avec le temps, c'est ce dont je suis devenu amoureux. Trop de tout cela, pas assez d'elle.
Et voilà que je me retrouve, comme un con, à murmurer «je suis désolé...» alors qu'elle se déchire le ventre, alors que ses lèvres bougent et récitent d'inaudibles prières, alors qu'une bombe détruit son pays.
J'étais un pays.

mardi 29 juin 2004

Sa vie est un pays en guerre

Le temps d'une paix
Le temps que tombent des bombes
Je me suis fait envahir
Par un pays en guerre
Je brandis mon drapeau
Et un soldat dégoupille un espoir
Qu'il me lance afin
Que je me lasse
de m'élancer...

J'ai le pied sur une mine
Qui sans mon poids explose
J'attends l'improbable immobile
Mais comme le soldat de Vian
Je commence à avoir des fourmis...

Sois assurée que je me ferai léger
Ça fera du bien après tant de lourdeur.

Le vote de la grosse épaisse d'en bas vaut autant que le tien!

Lors d'élections, il devrait être obligatoire à tout électeur de passer un simple test de connaissances politiques. Si les gens n'ont pas 5 sur 5 à ce test, on ne prend pas en considération leur vote.
Exemples de questions:
1- Qui est le premier ministre actuel?
2- La santé est-elle une responsabilité provinciale ou fédérale?
3- Si on donne 10$ par année à Paôl Mâwtinn, combien il vous remet dans 4 ans?
4- En minutes, quelle est votre espérance de vie si vous vous promenez avec un drapeau du Canada dans Hochelaga-Maisonneuve?
5- En minutes, quelle est votre espérance de vie si vous vous promenez avec un drapeau du Québec à Sault-Ste-Marie?
juste avec la question 1 et 2, on éliminerait assez de votes pour se retrouver avec un parlement dirigé par les Verts avec le Parti Marijuana à l'opposition.
D'ici là, on est obligés de regarder les bettes suffisantes de Dion, Coderre, Frulla et Pettigrew qui nous disent «monsieur» mais qui pensent «trou de cul».
Tant pis pour nous.

dimanche 27 juin 2004

L'Inspiration des chutes

Hier soir, party.

J'y connaissais qui dalle(!) sinon mon cousin, l'hôte.
Autour de moi, du big shot cinoche; quelques têtes connues, plusieurs inconnues. Il faudrait que les noms dans les génériques de films soient accompagnés de photos.

Après le malaise du début (voyez l'image: moi, un verre de vodka, une foule qui semble s'amuser), mon cousin me présente à quelques personnes en tant que scénariste. On aurait pu me présenter comme vétérinaire que je me serais pas senti aussi imposteur. Syndrome tenace. J'ai traversé l'Atlantique en voilier et une planche à voile sur le lac Champlain m'intimide. Suis allé en Laponie et en Russie et je me sens loin dans Westmount. Alors imaginez m'entendre dire à Villeneuve ou à Turpin: «Allo! Moi c'est Demetan, scénariste... Vous venez souvent ici?» Vivement ma petite classe de bourgeois collégiens...

J'ai passé un bout de la soirée avec Catherine Thétrault. Le Festival du film fauché (le FFF), c'est elle. Quand elle me l'a annoncé, la musique jouait fort. Elle m'a soufflé «FFF» dans l'oreille. Une brise. Ça m'a en effet un peu fauché... On a un peu discuté courts métrages, nouvelles, écriture. De la nécessité du déséquilibre dans la création. De l'inspiration des chutes.

Combien de malheurs avant mon premier roman?

Elle est partie un peu avant moi.

Je n'ai rien écrit aujourd'hui.