vendredi 30 mars 2007

Montée de lait

Ma montée de lait sera courte, je vous le promets:

P'us capable d'entendre parler de la vague, voire du raz-de-marée adéquiste!!

30,8%!!! C'est moins qu'un tiers!
50%, c'est important; 70, une vague; 90%, un raz de marée (avec ou sans tirets). Pas 31...

Si on tient à utiliser des termes aquatiques pour parler de l'ADQ, je propose:
vagues pour les promesses;
flots pour les députés;
vaseux pour leurs projets;
flaque à cause de leur peur d'être élus pour vrai...
Restent les poissons... Ouain... c'est vrai que c'est pas mal, 31%...

***

Bon, je vais pouvoir dormir...
Pour citer Offenbach: ma patrie est à terre...

jeudi 29 mars 2007

La Faille

Tous les soirs, Sophie regardait le plafond. Parfois de bonheur, parfois d’extase, rarement d’ennui. Elle s’imaginait tout le vent, toute la pluie, tout le froid duquel elle était protégée depuis qu’elle dormait avec son copain à ses côtés. Un soir, elle remarqua une fissure, petite, de rien du tout. Sophie la montra à son copain qui ne vit rien. N’empêche que l’entaille y était, que le plâtre de leur chambre à coucher se lézardait imperceptiblement.

Les années passèrent et toute vibration, chaque camion dans la rue, chaque iceberg sur la coque allongeait la fissure, approfondissait la blessure. Les retouches esthétiques ne firent qu'un temps, et le jour vint où le plâtre sec commença à s’effriter. Chaque fois qu’ils se couchaient, ils retrouvaient des morceaux sur l’oreiller. Ils eurent beau passer l’aspirateur, secouer les draps, il restait toujours des petits fragments, une fine poussière qui s’accumulait entre les lèvres et sous les paupières. Sophie s’impatienta, demanda à son copain de faire quelque chose, ce à quoi il répondit que si c’était son travail à elle de réparer les plafonds des chambres à coucher des autres, pourquoi ne faisait-elle rien pour le leur? Mais c’est une loi naturelle bien simple; un réparateur de plafond ne peut réparer les fissures qui l’affligent, comme un dentiste ne peut se plomber les dents ou un juge se juger.

La poussière de plâtre, inconfortable, finit par les pousser hors du lit, faire dormir le copain sur le divan, alors que Sophie, de son côté, ne dormait plus depuis longtemps. Ce ne fut long avant que les fissures ne sillonnent la pièce, la maison en entier, et les courants d’air donnaient des frissons. Exténué par les froids, éreinté par les mauvais ressorts, le copain choisit de partir, le pas lourd, le regard en rase-mottes.

Ce soir-là, les oreilles pleines du claquement de la porte, Sophie compta les gouffres. Et entre deux pleurs, dans une fissure devenue faille, elle jura apercevoir, le temps d’un instant, la lueur d’un ciel sans nuage.

mercredi 28 mars 2007

Les temps qui passent

- L’homme est né pour regretter le passé. Regarde le nom qu’on a donné aux temps de verbes: le futur simple, l’imparfait... On dit juste: l’imparfait. On ne dit pas: le passé imparfait. Comme si ça allait de soi que ce qui est imparfait est automatiquement le passé. Pourtant, le présent aussi pourrait être imparfait. Le futur, même, si on croit en cette fumisterie qu'est le destin. Mais non. Le passé, on le regrette, on se dit que cela aurait dû être mieux. À cause de Bescherelle, on pleure sur le passé, pas sur le futur...
- Que fais-tu du plus-que-parfait?
- Quoi, le plus-que-parfait?
- Il est aussi du passé. Pire, c’est même le passé d’un passé. Selon ta théorie, il devrait être moins qu’imparfait, pas plus-que-parfait. Peut-être que le temps arrange bien les choses, finalement...
- Tu m'énerves...
- Tu vois, ici, ça ne va pas comme tu veux, c’est imparfait, et pourtant, tu ne m’as pas dit que «je t'énervais»...
- ...
- ...
- En fait, on devrait parler comme ça; conjuguer à l’imparfait ce qui est imparfait, au plus-que-parfait le plus que parfait, au futur simple le simple...
- Par exemple: nous n’avions plus de bière. Tu commanderas deux pintes!
- Ça m’avait fait plaisir!

samedi 24 mars 2007

For service in Angliche, press 1

Au boulot, je fais partie d’une minorité linguistique (les Francophones) dans un collège où la majorité linguistique (les Anglophones) est une minorité linguistique (les Anglo-québécois) dans une majorité linguistique (les Québécois) elle-même linguistiquement minoritaire (les Canadiens-français) dans une majorité canadienne (les autrefois Anglais aujourd’hui connus sous l’appellation Quenêêdieune), tout cela marinant dans une vaste marmite one-size-fits-all que sont les Américains (les Ameuwicênz). Inutile de spécifier qu’au collège, les rapports oraux entre membres de communautés linguales différentes sont quasi schizophréniques, et il est toujours délicat d’établir le code des échanges quand on ne connaît pas son interlocuteur.

Souvent, j’essaie de pratiquer mon anglais appris en écoutant des émissions de chiffres et des trucs intellectuels, mais devant mes traductions approximatives et mot pour mot d’expressions francophones du genre «I was in the moon» et autres «Could you please move, you’re in my legs…», mon interlocuteur trouve parfois moins fastidieux de pratiquer son français. Quand j’en rencontre un qui fait des efforts gros comme un camion de pompier pour me causer en français de météo, de bouffe de cafétéria ou de problèmes sexuels, je souris, j’admire la mécanique travailler et j’oublie que je suis professeur de langues pour ne pas le décourager avec des rectificatifs de genre, d'accord ou de liaison.

Vendredi, je jasais famille avec une collègue. Son français boitait comme un bossu, mais il était tout de même meilleur que mon Angliche. Alors je laissais aller, je glissais sur les mots invariablement féminins sans m’y accrocher, je savourais l’accent, sourire au lèvres.

Puis la femme m’a dit :
« Maintenant, ma fille est grande. Maintenant, on a une petite chiotte. »

Je continuais à sourire, je continuais à hocher la tête comme un beni-oui-oui, cependant mes neurones menaçaient de griller tant ils cherchaient ce que ma collègue voulait dire. Elle avait une petite maison sale? Une toilette trop petite pour son ado? Son ado avait un problème comportemental et était devenue malpropre?

Devant mon sourire niais qui pâlissait sous l’incompréhension, elle a cru bon de valider son choix de vocabulaire avec un synonyme :
« On a…. une petite chienne…? »

Haaaa!!!

Je ne sais pas comment j’ai fait pour ne pas mourir de rire!
Toujours est-il qu’il n’avait pas le choix, le prof a dû souligner les «t» muets dans certaines finales de mots.

Aussi, j’aurais peut-être dû lui expliquer ce qu’est une chiotte, mais je trouvais trop amusante cette erreur.
Pour ce qui des sens derrière «petite chienne», ce sera pour une autre session…

mercredi 21 mars 2007

Besoin de vacances

Imaginez-vous sur un lac, un matin d’été. Vous êtes seul. Votre coin de pêche est à 300 mètres, dans une petite baie où viennent parfois s'abreuver des orignaux. Les petites vaguelettes tapotent l’aluminium de votre chaloupe et, pour le dernier droit, vous décidez de foutre les gaz de votre moteur hors bord deux forces à fond…
Vous entendez ce petit bruit aigu de mécanique qui trime dur?
C’est exactement le bruit de mon ordi au bureau, ce matin…

J'aime bien, c’est comme si j’étais en voyage de pêche. Les poissons en moins…

Non, attendez, il y a eu un petit coup sur la ligne... En v'là un…

mardi 20 mars 2007

L'Homme rose

Ce matin, Dame V. avait la mort dans l’âme. Après près d’un an d’arrêt de travail, plus de dix mois de biberons et de photos (ensemble, un appareil numérique et un nouvel enfant vous ruine une mémoire d’ordinateur en quelques mois, aussi vaste soit-elle), c’est son retour derrière les paravents greiges décorés de photos d’enfants et de caricatures à l’humour douteux. Jamais la sonnerie du réveille-matin étrangement matinale, le vent du séchoir à cheveux et le fond de teint ne lui auront paru si tristes. Quand la porte s’est refermée, alors que la petite faisait bye-bye de la main comme d’autres essuient des vitres sales, un morceau de cœur de mère s’est arraché.

Ce matin, je suis resté à l’appartement pour devenir le roi des couches, le souverain du bain, l’amphitryon du biberon. Courte avant-première car ma mission d’homme de maison ne débute véritablement que lundi prochain. J'avouerai que déjà la vaisselle sale s'empile d'elle-même et les jouets se dispersent quand j'ai le dos tourné. Il faut me voir tourner en rond, la petite dans un bras, la malle à linge sale dans l'autre, un balai dans le...

Ce matin, je suis l’inefficace homme rose à la copine morose.

dimanche 18 mars 2007

Attention, je vous écoute...

Pour expliquer comment il avait amadoué un parent particulièrement difficile, Prof malgré tout me dit:
«Je l'ai flatté sur le bout du poil.»

Ça demande beaucoup de tact... Et de précision.

samedi 17 mars 2007

Lancement

Hier, Lancement des trois premiers Hamac-carnets du Septentrion. On est dans l’antre de la bière Belle Gueule – l’odeur de houblon ne permet aucun doute - mais dès l’entrée, je butte sur quelques poussettes : Mère indigne a ses groupies. Je ne cherche pas les vedettes de l’heure bien longtemps, ils sont mitraillés de flashes. Exécution journalistique.

Rapidement s’enfilent d’heureuses rencontres : Patrick Dion, sa Chiriiie, Lady Guy et son hilarant Zhom, Adeline Corrèze du Septentrion... Un verre plus tard, j’ai eu la joie de revoir Sandra Doyon (si toutes les camionneuses avaient ce sourire, il y aurait une haie de spectateurs sur le bord des autoroutes), Chroniques blondes, Dominic Arpin. Et, pendant que j’essaie de me faufiler pour une dédicace, je butte dans Prof malgré tout… Ma soirée était faite et je n’avais même pas eu la signature des trois stars pour lesquelles j’étais d’abord venu. Inutile de souligner à quel point j’ai eu de la difficulté à lever les feutres à 23 heures, malgré mes 3 heures de sommeil durant les 48 précédentes et les substantifs Ringolos à se mettre sous la dent entre les broues.

J’en suis tout de même ressorti avec une promesse de verre avec Sandra, une avec Prof, ainsi qu’une partie de poker avec Pierre-Léon. D’ailleurs, il m’a dit qu’il n’était pas très bon à ce jeu, mais je connais les chauffeurs de taxi : ils ont toujours un raccourci

Tout cela pour dire une chose : Félicitations, Caroline, Sophie et Pierre-Léon!

D’ici l’an prochain, je compte bien être moi aussi édité avec mon nouveau blogue original : l’histoire d’un chat chauffeur d’autobus qui élève ses progénitures avec un gros bon sens parfois répréhensible… Du jamais vu, j’vous dis…

lundi 12 mars 2007

Loser

Les bras chargés d'une dernière boîte, elle ferma la porte doucement. Il écouta son pas dans l’escalier. La sixième marche grinça comme lors des départs ordinaires. Tout cela se déroulait normalement, douloureusement normalement.

Il attendit que le silence se fit puis, le regard collé au plancher, il expira bruyamment. Il se leva pour mettre dans le lecteur un disque de Beck, un disque qu'elle détestait. Aussi bien en profiter.

Il monta le volume jusqu’à ce que les hauts-parleurs commencent à le supplier, jusqu'au déluge.

Jamais il n'aurait cru Loser aussi triste.

mardi 6 mars 2007

Dans le bar d'Amsterdam...

Attablé à une table, je bois un café dans un café dont la mousse s’émousse. Depuis quelque temps, ma vie se faisait redondante. De ma fenêtre, j’ai vue sur un petit parc, un canal, la brasserie Heineken. Les touristes qui se rendent jusqu’ici le font pour les musées, pour la brasserie, pas pour prendre un café. Je suis tranquille.

Quatre êtres vivants m’entourent: le garçon, deux clients, un fox terrier. Tous parlent néerlandais. Le chien est assis sur un tabouret, tel un client régulier, et il me scrute avec intérêt. Il semble se demander ce que peut bien faire cet étranger dans son royaume, ce nain d’un mètre soixante-dix dans cet univers de deux-mètres.

Quelques minutes s’écoulent avant que je ne remarque le petit bout rose qui pointe entre ses pattes arrière. Je suis invisible depuis des mois déjà, et voilà que le premier être qui pose son regard sur moi me trouve bandant.

lundi 5 mars 2007

Aphorisme

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les paroles creuses ne sont pas le reflet d'une pensée profonde.

dimanche 4 mars 2007

Atsanik/George

Il restait encore trente minutes au cours que déjà, j’entendais des cahiers à anneaux se refermer en un claquement sec, des milliers de petites dents de fermetures éclair s’imbriquer, des boutons-pression s’enclencher pour cacher quelques crayons dans des étuis ornés de Tupac Rules, d'I luv J. et d'autres Canada kicks ass écrits au liquide correcteur.

Il restait trente minutes au cours, mais j’ai tout de même appuyé sur l’accélérateur. Je savais bien qu’ils avaient hâte à la semaine de lecture.
- À la quoi, monsieur? me lance un rigolo faussement intrigué.
- Semaine de lec-tu-re… dis-je en séparant les syllabes.
- Mais monsieur, poursuit l’étudiant, c’est idiot en français : lec-tu-re… on ne lira pas. C’est le «spring break»!
- C’est vrai qu’en anglais, c’est mieux : le «spring» au début mars…

Nous avons tous ri puis j’ai terminé une leçon que personne n’écoutait plus. Quand j’ai lancé «Bonne semaine!», il a eu un grand bruit de chaises et de pupitres, puis en moins de quelques secondes, tout le monde avait fui.

Tout le monde sauf Atsanik, un Inuit du nord québécois qui insistait pour qu’on l’appelle George et dont la grandeur faisait mentir tous les livres de ma jeunesse où ceux qu’on appelait les «Eskimos» mesuraient un mètre dix. Il rangeait ses effets sans hâte.
- Tu n’es pas pressé de partir, Ats… George? dis-je, mi-intéressé.
- Bah… - il commençait toutes ses phrases par bah… - À quoi bon? Je vais passer la semaine tout seul dans les résidences du campus.
- Tu ne retournes pas dans ta famille?
- Bah… Trop coûteux.
- C’est vrai, l’avion et tout. Maudite logique économique; l’offre et la demande, tout ça...
- Bah… Ce n’est pas de monter là-bas qui est coûteux; votre gouvernement paye pas mal tout… Le plus dur, c’est de repartir dans le sud après, c’est de repartir de chez-moi…

J’ai alors mesuré la profondeur du fossé : je lui parlais économie; il me parlait anthropologie, culture, trippes. Je lui parlais de gestion, il me parlait de ce George qui revenait dans son village et de cet Atsanik qui chaque fois le quittait. J’ai essayé de montrer un peu d’une sincère sympathie mais j’ai cherché mes mots quelques secondes, puis j’ai préféré me taire. De toute façon, Atsanik avait peu à foutre de ma sympathie.

En partant, Atsanik a souri un peu puis m’a dit :
- Votre logique économique a raison : repartir de mon village est rendu au-dessus de mes moyens. En restant ici, j’évite de faire face à quelque chose qui ressemble à une faillite…

Après le départ d’Atsanik, j’ai fait une pile bien tassée avec les feuilles d’exercices du cours, des exercices sur la concordance des temps, notion que je croyais naïvement bien maîtriser.

jeudi 1 mars 2007

Et si...

Et si? Et si mon ex ne m’avait pas trompé? Et si je n’étais pas allé à l’université? Et si je n’avais pas fugué à seize ans? Et si mes parents n’avaient pas déménagé de Saint-Creux? Et si ma mère avait eu mal à la tête une fois de trop? Et si je ne m’étais pas fait couper les cheveux trop courts? Et si j’avais quitté mon appartement trente secondes plus tôt ce matin? Et si, pour une fois, je laissais la crème glacée fondre de mon cornet sans lécher tout le tour? Et si, quand elle se frotte le nez en me parlant, elle me signale en douce que quelque chose pend au bout du mien? Et si ce n’est pas le cas et qu’en me frottant le nez, elle pense que je lui dis qu’elle a quelque chose au bout du sien? Et si elle se refrotte le bout du nez en pensant qu’elle a quelque chose au bout du sien et que moi, je crois qu’elle me dit que mon petit quelque chose au bout de mon nez, malgré mon frottement, est encore visible? Va-t-on se frotter le nez toute la soirée?

Je décide de faire fi de tous ces «si», d’arrêter tout frottement, de me dire que ce n’est rien, et que s'il y a effectivement quelque chose qui pend au bout de mon nez, je le saurai bien assez tôt. Je peux alors continuer la conversation en me concentrant sur ce que nous disons.
Mais avant, je vais aller aux toilettes...