mardi 26 juillet 2005

Gueule des bois

Bon, je vous laisse. Une semaine. Question d'aller écouter mon acouphène dans le bois.
À voir la glacière 890 litres, la valise(!) de Dame V. et la bouteille de vinaigre balsamique qui fut l'élément prioritaire dans la boîte de denrées, j'ai le camping de moins en moins sauvage et le cul de plus en plus douillet.
J'espère juste que le feu de camp s'allume et s'éteint en tapant des mains...
Au revoir, civilisation!

Aphorisme

Il y va de l'amour comme des chansons autour du feu:
on peut les siffler, mais les femmes préféreront toujours celui qui connaît les paroles.

lundi 25 juillet 2005

Faire partie de la salade

Vendredi, Dame V et moi étions invités à une grande fête d’été chez les Vigneault. Une grande fête avec beaucoup de monde, beaucoup de salades, beaucoup de saucisses, beaucoup de vin. Notre salade de melon d’eau, feta et basilic remporta un vif succès. J’avais l’air d’un grand chef alors que je n’avais que coupé du melon en cubes, inégaux de surcroît.

Alison, l’hôtesse de la soirée, rayonnait. Loin d’être dépassée par l’ampleur de l’évènement, elle semblait flotter d’un invité à l’autre, un bon mot à mettre dans l’oreille de tout un chacun. Laurélie, la fille d’une amie, du haut de ses deux ans, remporta un vif succès avec son imitation d’Elvis (les jambes écartées, des fusils invisibles au bout des mains: Yeah!) et sa lancinante mais ô combien attachante interprétation de Saaaaasssss-kaaat-cheeee-waaaaaannnnn des Trois Accords. La soirée a tranquillement coulé jusqu’à la petite scène extérieure emménagée pour l’occasion, où s’étaient réunis les Charbonniers de l'enfer, Michel Faubert, Michel Rivard, Gilles Vigneault et sa fille Jessica pour un petit jam improvisé. Laurélie sautait en rond et faisait des culbutes sous les lanternes colorées alors que je restais en retrait à admirer le spectacle, trop conscient d’être le spectateur privilégié d’une soirée unique, me contentant d’humecter de bière ma bouche béate quand elle se faisait trop sèche.

En regardant avec amusement Laurélie danser et se répandre en éclats de rire sur le plancher de bois, j’ai compris que tout se beau monde ne donnait pas un spectacle mais qu’il jouait simplement, que nous faisions aussi partie du spectacle et qu'on avait qu'à faire un pas pour entrer dans le défilé. J’ai invité à danser une Dame V trop surprise pour refuser, et le temps de quelques notes, Rivard, Vigneault, Faubert et les autres ont joué pour nous.

Sur le chemin du retour, alors que Laurélie, sa mère et Dame V roupillaient ferme sur la banquette arrière, Joseph et moi nous sommes parlé de la vie qui défilait devant nos yeux. En fait non; nous nous sommes parlé, point. La vie, on en faisait partie.

jeudi 21 juillet 2005

Alice au pays des miroirs

Pour le collectif Coïtus impromptus


Alice
ne sort plus. Trop d’humains à l’extérieur. Trop de gens qu’elle ne connaît plus, dans lesquels elle ne se reconnaît pas. Sauf pour le nez de la boulangère, les yeux tristes de la caissière de l’épicerie, le timbre de voix de sa voisine, les silences de sa mère, le pas de cette passante, les pleurs de cette enfant. Elle ne se reconnaît pas dans cette faune, si ce n’est qu’en kaléidoscope, en morceaux pointus et acérés. Alice en morceaux la coupant du monde, que les médecins tentent de souder à coups de dragées colorées. Pour qu’elle comprenne que les miroirs reflètent la lumière, créent des illusions de grandeur, permettent de se faire belle sans se répandre partout. Et que sept ans de malheur, c’est long, mais ce n’est pas une vie.

mardi 19 juillet 2005

La Création

Le premier jour, je créai la ciel et la terre et vis que cela était bon. Le deuxième, je décidai de l'intention et vis que cela avait b'en de l'allure itou. Le troisième jour, j'y plaçai des gens et constatai qu'ils étaient des marionnettes idiotes que je pouvais manipuler comme bon me semblait. Depuis lors, je tue des gens, je les ranime, je leur fais traverser des océans, je leur fais tordre le cou de chatons, je leur dis quoi dire, je les rends sympathiques, parfois beaucoup moins. Ils m’obéissent au doigt et à l’oeil. Pas de «Jean dit…». Même mère nature m’obéit. Une tempête? Pouf! La voilà. JE SUIS DIEU!!

Le roman est parti. L’inspiration est soudainement venue au logis. Il fait canicule et je m’en fous: je décide si un tel apporte quelque chose à mon histoire, s’il a le droit d’exister!
Repentez-vous avant mon déluge! Ha! Ha! Haaaaaa!

Ma
is pour l’instant, dieu doit faire du lavage…

vendredi 15 juillet 2005

À quel âge le vent tourne-t-il?

Agir à 10 ans comme si on en avait 20 est asocial...
Agir à 20 ans comme si on en avait 20 va de soi.
Agir à 30 ans comme si on en avait 20 est louche...
Agir à 40 ans comme si on en avait 20 est immature...
Agir à 50 ans comme si on en avait 20 est ridicule...
Agir à 60 ans comme si on en avait 20 est pathétique...
Mais agir à 80 ans comme si on en avait 20 est louable!

jeudi 14 juillet 2005

Constats à l'amiable

Un jour, on se rend compte qu'ils auront beau inventer six cents saveurs de bars de chocolat, la meilleure restera l'originale; que notre première voiture aussi rouillée et peu fiable qu'elle pût être, restera celle dans laquelle on était le mieux; que les jeunes d'aujourd'hui se foutent de 1985 comme on se foutait de 1960; que parler comme un ado nous donne des airs d'attardés émotifs, qu'on fait des enfants pour nous remplacer, que courir jusqu'au dépanneur nous coupe le souffle bien avant d'y être rendu, qu'un étranger qui ne nous vouvoie pas est impoli, que l'arbre qu'on a planté prendra trente ans à nous faire de l'ombre, et que le jour où il nous en fera, on se souciera des dommages aux fondations de notre maison causés par les racines; que la fille moche du secondaire dont on a un jour repoussé les avances est devenue belle et riche et drôle, et fiancée et heureuse; que dans les pubs de voitures de luxe pour vieux mon'onc's, ils font jouer des chansons de notre adolescence; que le bonheur rend beau alors qu'on a longtemps cru que la beauté rendait heureux; que le café empêche vraiment de dormir; que le petit nouveau du bureau pourrait être notre fils; que les filles qui nous regardaient ne nous voient plus et que celles qui ne nous voyaient pas nous regardent; qu'il y a des boutons sur la télécommande de la télé qu'on n'utilisera jamais; qu'assumer ses travers les rend sympathiques; qu'on a les mêmes manies que nos parents, même si elles nous ont tant tapé sur les nerfs; qu'on ronfle; que ce qu'on n'a jamais osé faire n'était pas si difficile que ça finalement; que pour parler aux autres, il suffit de leur dire bonjour; qu'à notre âge, les sportifs professionnels sont à la retraite; que le film fétiche de nos vingt ans est franchement mauvais; que confier un anneau vital pour toute l'humanité à un nabot ingénu est ridicule; qu'on mourra sans avoir tout fait, tout vu, tout entendu; que l'an 2000 était hier et hier, il y a cent ans; que si la vie avait un sens, on souhaiterait qu'elle n'en ait pas.

Un jour on se rend compte de tout cela et on sourit. Ce jour là, on mérite une bonne bière fraîche.

Ou un café, selon l'heure du constat.

mercredi 13 juillet 2005

Attention, je vous écoute...

«Quand j'ai su qu'elle était née en 1980, ça m'a donné un bout de vieux!»
Jean-François Domingue

mardi 12 juillet 2005

Petite monnaie

À l’épicerie, à la fruiterie, à la pharmacie, au dépanneur, que des cons aujourd’hui. Ou des clientes qui tiennent à payer avec leur petite monnaie enfouie au fond du sac à main. Ou des vieillards qui échappent leur dix sous dans les chocolats devant la caisse... et qui le cherchent. Sans compter les lois de Murphy confirmées côté tartine, les amis qui ont promis d’appeler et qui n’appellent pas, le lacet de ma chaussure qui se casse au ras l’oeillet, l’ampoule qui grille dans la garde-robe, le voisin du dessous qui grille des sardines pourries sur son bbq, le souvenir du Pérou qui me rapelle que je ne suis jamais allé au Pérou…

Voilà deux jours que je nage en plein blues furieux. Bleu et furieux. Pour rien. De même. Gratis. Je serais une fille que je saurais venu le temps des isolants, mais non; vérification: garçon. Peu importe où je regarde, je trouve tout con, tout laid, même la boîte des nouveaux Mini-Wheats à saveur d’érable me tape sur les nerfs; ses caractères dorés et boursouflés lui donnent des airs de best seller américain. Et ça ne goûte même pas l’érable. Même pas les biscuits feuilles d’érable. Tout juste bons à berner des touristes européens. Et ils sont chiches côté givrage, Kellogg. Font chier. Les fibres, j’imagine.

De son côté, Dame V a passé la journée alitée. Nous sommes restés à son chevet, mes blues, mes humeurs et moi. Un peu plus et elle se serait cru à l’hosto soignée par une infirmière à vingt minutes de la retraite. Ce soir, elle va mieux, sans doute parce qu’elle ne veut pas passer un jour de plus avec nous.

Pour passer le temps, je maugrée du divan à la porte d’entrée où j’espionne les passants. Incroyable comme les gens sont affreux et sans goût et mal proportionés. Et quand j’en vois des beaux, ils ne me font que doublement chier. Être un autre j'en serais point épargné: je me ferais vomir dru en plus de me faire penser qu’il faudrait bien que j’aille lever du métal question de brûler tout ce houblon qui me tend la peau du ventre. Mais il fait chaud. Insupportablement chaud. Une météomadame trop maquillée m’a assuré que ce n’était même pas un record. La conne.

Il y a des jours qui insistent pour te payer avec leur petite monnaie.
Ces jours-là, je ferme.

Demain, j'ouvrirai plus tôt, je fermerai plus tard.

Demain, je roulerai la monnaie et l'échangerai contre une bière.
Ou deux.

dimanche 10 juillet 2005

Regrets et Remords

Pour le collectif Coïtus impromptus

Contre mon gré, je remords mes regrets,
je regrette mes remords, me remémore et maugrée mes raides rats morts, puis, près de ma mort je me regrée, aigre, puis je repars, maigre, après un dernier regard à mes vaigres, chercher mon or après tout ce grès.

samedi 9 juillet 2005

Attention, je vous écoute...

«Ils font leur vin l'automne, pendant le temps des vengeances.»
Bruno Auclair

jeudi 7 juillet 2005

mercredi 6 juillet 2005

Graffitis

Lus dans des toilettes publiques:

«Ici, même les lâches font des efforts»
mais je crois personnellement que plus on est lâche, moins on a à faire d'efforts...

«Humpty Dumpty a été poussé»
Leçon: on peut faire pousser des légumes, mais pas des oeufs.

mardi 5 juillet 2005

Goy in the Hood

Voilà, ma vie, du moins celle domestique, s’est trouvé une bande sonore; j’ai un nouveau voisin au dessus de chez moi et il est musicien.

Il fait partie de cette nouvelle génération d’Anglos pour qui le Plateau n’est plus le goulag raciste et ethnocentrique d’antan comme le croyaient leurs parents, et qui ont compris que le petit accent qu’ils gardent en français les rend très attachants. Comme la plupart de ses compratriotes, mon voisin a pour prénom un diminutif d’une syllabe (note culturelle – avec moult contre-exemples: seules les filles anglos ont le droit d’avoir un prénom de deux syllabes, à condition que ce dernier finisse par «y»). L’appel dans mes cours ressemble toujours à une suite illogique d’onomatopées: Tod, Pat, Dawn, Sean, Ben, Geoff, Rick, Liz, Mike, John, Sally, Molly, Mandy, Rosy, Ross, Kate, Pete, Jack, Jacky, Cathy, Dan, Am, Stram, Gram, Picky, Pick, Ed, Colly, Gram… Le diminutif est de rigueur au point où James se réduit à Jim, culture économique oblige. Dans deux générations, je prédis des prénoms d’une lettre. Menfin, je m’égare. Toujours est-il que mon sympathique nouveau voisin s’appelle Brent, et je suis incapable de me figurer de quel nom Brent est le diminutif.

Brent est costaud, des tatouages plein les bras et les mollets, la pointe des cheveux coupée au ras le crâne, alors que ses amis portent dreds, peircings et t-shirts arborant des noms de groupes de musique inconnus et vaguement inquiétants. Vous vous dites que Brent est bassiste pour un groupe de trash-punk-urban-toilet bowl-metal? Faux! Batteur soliste reggae-real-aluminium-death jazz? Biiiip! Joueur de cuillers dentelées pour un quatuor trad-bloody-respect man-funky yeah? Troisième prise, you’re out!
Brent est clarinettiste!
Et depuis qu’il a aménagé, il pratique. Des heures durant, prestissimo: fa dièse, sol, fa dièse, sol, fa dièse, sol, fa dièse, sol, fa dièse, sol, fa dièse, sol, fa dièse… Puis soudain sol, la, sol, la sol, la, sol, la, sol, la, sol, la, sol, la, sol… Puis retour au bercail: sol, fa dièse, sol, fa dièse, sol… Des heures durant, je vous dis! Un peu comme cette musique qu’on entend juste avant que Jaws attaque. Mais à la clarinette.

Ma vie a maintenant la trame sonore d’un film d’horreur klezmer. Je prédis que d’ici une semaine, je me réveille en sueur au milieu d’un cauchemar où un Juif m’emmenait au fond d’une ruelle de son shtetl pour m’étrangler avec ses boudins.