vendredi 30 décembre 2005

Aphorisme

La femme, comme l'herbe, est toujours plus verte chez le voisin.

mercredi 28 décembre 2005

Des Coquilles et quelques écales

Quelques extraits de compos étudiantes. Pour Nouelle.

«Le monde du cinéma a connu le relâchement des films Star Wars (...)»
C'est vrai qu'ils se sont relâchés un peu...

«En 1949, l'empereur Mayo bannit le bandage des pieds en Chine.»
Cette coutume avait été instaurée par l'empereur Tomato Ketchup.

«Le père donnait des cours de piano à ses enfants et il les faisait tester toutes les fins de semaine».
Ça vaut mieux; ils ne sont plus aussi fiables que ceux de notre temps.

«Le roman de Vigneault est rempli de références musicales qui embellissent la beauté du texte.»
C'est tellement beau que ça embellit le déjà beau. C'est beau, beau, beau.

«John Wayne Bobbit est opéré dès les retrouvailles du pénis.»
C'est sûrement plus excitant que les retrouvailles des membres du club de dames de la polyvalente Euclide-Théberge cuvée 1983.

«Il la maltraitait autant sexuellement que quotidiennement.»
Il la frappait dans les parties quotidiennes.

«Le livre possède une histoire enchaînante avec des personnages attachants.»
On ne pouvait s'enlacer...

lundi 26 décembre 2005

«Simple et rapide»

Lundi matin, un couple d’une soixantaine d’années est venu à la machine photo du centre d’achats. Alors que la dame sortait un document d’un grand sac Sears, l’homme tentait de comprendre comment fonctionnait cette espèce de numériseur public. «Simple et rapide» indiquait le message d’accueil sur l’écran. La tête droite, l’homme essayait de lire au travers ses doubles foyers la marche à suivre imprimée en caractères trop petits. Une à une, sa femme a sorti des photos d’une autre époque, triées consciencieusement les jours précédents. Une à une, le retraité a numérisé, recadré, balancé les couleurs, bleuté les yeux rougis comme d’autres corrigent des examens. Il appuyait sur des boutons avec cette crainte qu’on a toujours devant des machines inconnues, enregistrait ses modifications, tentait d’oublier que ses genoux s’impatientaient, tout cela pendant que sa femme chassait à coups de sacoche la grosse fausse blonde trop maquillée qui soupirait d’impatience derrière eux. Quatre heures devant un écran à revisiter le passé. À la dernière photo, sur le point d’imprimer son œuvre, l’homme a soupiré, content et un peu fier; le centre fermait ses portes dans quelques minutes, ils avaient réussi. Il a appuyé sur la touche «Terminé» pensant entrer en phase d'impression. L’écran est revenu à son message d’accueil : «Simple et rapide».

L’homme a regardé sa femme, le regard dans une buée à mi chemin entre le découragement et la rage. Il ne restait plus qu’à tranquillement rentrer à la maison. Ils n’ont pas beaucoup parlé ce soir-là.

Le lendemain, à l’ouverture du centre d’achats, le couple était à nouveau devant le numériseur. Cette fois, la femme avait un plus petit sac, et l’homme a numérisé et imprimé son contenu en moins d’une heure avant de rentrer chez-lui heureux, en tenant sa femme par la main. Les deux amoureux sont revenus au centre tous les matins suivants, pour une heure chaque fois, et chaque fois, ils repartaient avec le sourire et leur petit sac. Puis le samedi matin, une grosse fausse blonde trop maquillée était à la machine. Les retraités avaient fini leur boulot.

* *

Ce Noël, entre autres cadeaux, mes parents m’ont donné un album photo personnalisé avec contenu fraîchement numérisé, recadré, recoloré: moi à mon baptême dans les bras de mes grands-parents; moi et mes amis à ma fête de cinq ans; ma mère qui tente de convaincre ses enfants de prendre une belle pose pour la postérité alors que nous faisions des grimaces, moi assis sur un cheval tandis que mon père tenait les guides… J’ai calculé rapidement que mon père avait 36 ans sur cette photo. Mon âge aujourd’hui. Puis une photo de mon petit frère et moi dans notre «suit» de baseball… J’ai toujours haï le baseball. Pourtant ce Noël, j'ai été ému à la vue de cet uniforme et de mon gant trop grand. Ces photos montraient ce que des yeux étrangers ne verraient jamais.

Ce Noël, j’ai probablement eu un des plus beaux cadeaux. Et un cadeau comme ça, ce n’est jamais simple et rapide.

mercredi 21 décembre 2005

Les Rois déchus de la montagne

Quand j’ai emménagé à Montréal à l’âge de 18 ans, j’étais fasciné par la frénésie humaine que provoquait une tempête de neige. Je pouvais passer des heures assis à la fenêtre de mon appartement de la rue d’Iberville à regarder les gens se stationner en biais, à pousser leur bazou soudainement innofensif à cause de quelques centimètres de neige sous les roues. Dans ma vie rurale d’avant, l’hiver, un camion, une souffleuse ou une charrue (une grosse gratte jaune sale avec des roues avant géantes inclinées de côté) tassait la neige sur le bord des rues et créait des montagnes de neige qui fondaient jusqu'à la mi-juin et qui redonnaient au printemps les mitaines et les tuques qu’on y avait oubliés. Dans ces montagnes, on construisait des forts, on creusait des tunnels, on inquiétait nos parents car ces montagnes de neige écrasaient son lot d’enfants à chaque année, toujours dans de petits villages éloignés où les gens devaient être bien cons, du moins plus que nous qui l’étions déjà pas mal. Mais à huit ans, ces montagnes étaient des pays qui ne nous laissaient rentrer au chaud que lorsque notre habit de neige et le feutre de nos bottes de ski-doo étaient trempés de bonheur gratuit.

À Montréal, j’ai vite compris que les montagnes de neige n’étaient pas aussi ludiques. Quand on les laissait quelques jours sur le bord des trottoirs, des enfants s’y glissaient comme la vermine s’immisce dans les ordures, et immanquablement, quelques-uns se faisaient manger par une souffleuse au conducteur un peu édenté, en bédaine dans sa cabine vitrée. Alors on s’est vite convaincus qu’il fallait enlever la neige tout de suite dans un ballet mécanique impressionnant. J’ai passé toutes mes premières neiges montréalaises appuyé au rebord de la fenêtre pour regarder les chenillettes déblayer le trottoir, puis un tracteur pousser la neige dans la rue, la charrue la repousser sur le bord, une première souffleuse la projeter maladroitement dans des camions dignes de la baie James. Puis tout recommençait une autre fois, parce que les camions bavaient, parce que la souffleuse ne savaient pas quand s'arrêter de souffler, parce qu’il en restait un peu partout. Et derrière tout cela, des automobilistes roulaient à vitesse réduite pour profiter d’une place de stationnement toute neuve juste devant leur porte, luxe urbain éphémère, et ces derniers rentraient chez-eux enorgueillis en se disant que c’est don’ beau, une belle rue propre propre.

Hier, j’ai regardé cet étrange ballet une autre fois. Ça faisait longtemps que je ne l’avais pas fait. Je l’ai trouvé bien triste. Peut-être est-ce l’âge, peut-être est-ce la paternité qui s’en vient, mais j’aurais échangé tous les tracteurs de la ville pour m’asseoir devant ma fenêtre et regarder des enfants conquérir des forteresses de neige. Des forteresses faussement menaçantes qui empêchent les voitures de se stationner et qui redonnent les jouets oubliés au printemps.

Peut-être devrais-je descendre dans la rue, m'emparer d'une montagne en y construisant un fort, puis y planquer un tas de munitions en balles de neige, et la défendre contre les charrues jaunes conduites par des hommes bronzés en hiver. Il est fort à parier que mes voisins me trouveraient débile. Vous n'avez pas idée à quel point ça me rassurerait... Des volontaires? Il me manque des grenadiers et des lanciers avec des couilles grosses comme ça. Un cuistot aussi. Envoyez vos c.v.

lundi 19 décembre 2005

Aphorisme

Faites attention aux radins altruistes: ils vous prêtent l'oreille, mais leurs intérêts sont parfois élevés...

jeudi 15 décembre 2005

Aphorisme politique

Les politiciens ont si bien pelleté des nuages lors du «débat» (sic!) des chefs de ce soir qu'il n'est pas étonnant qu'on annonce 30 centimètres de neige demain.

mardi 13 décembre 2005

L'addition, s'il vous plaît!

Arrive le temps des corrections, le retour du balancier du temps des cathédrales…
Je dois les faire au café du quartier, un chaleureux mélange de fripperie et de café, afin de ne pas fuir dans de soudaines urgences ménagères telles que laver le plancher de l’entrée ou remplacer la pile de la télécommande orpheline qui ne fonctionne avec aucun appareil de la maison.

Avant la mise en chantier, je fais des petites piles sur ma table, je trie par groupe, j’aligne les stylos – un bleu pour la colère, un vert pour l’espoir, un rouge pour le sang – puis je retrie les travaux comme je planifie mes assiettées: les légumes en premier, ensuite les pâtes, la viande et le dessert, puis apparaît la note. Une grosse heure de préliminaires. Même Dame V. n'y croit pas. Mais je me trompe souvent et je me retrouve avec des haricots entre deux bouchées de gâteau, et une sauce chocolatée sur ma laitue.

Un jour, je vous raconterai les grilles de correction que j’utilise pour mes repas. D’ici là, j’ai un premier service à me mettre sous la dent…

lundi 12 décembre 2005

Liberté et Puissance

Tous les matins, je roule vers le boulot sur la même autoroute, empruntant les mêmes voies, abordant les mêmes courbes de la même manière. De l’autre côté du terre-plein, les banlieusards font la queue vers des paravents greiges et une promesse de chèque de paie. À la radio s’empilent bulletins météo, chansons prévisibles et pubs d’automobiles qui me promettent liberté et puissance.

À la hauteur de l’avenue Woodland, entre deux poteaux du garde-fou au centre de l’autoroute, il y a le cadavre d’une jeune biche, frappée par un véhicule il y a quelque temps déjà. Chaque fois que je passe par là, je me répète les mêmes trucs, dans le même ordre. Primo : il y a des cervidés à Beaconsfield? Secundo : elle aurait dû rester dans son ravage. Traverser une autoroute, quand on est un chevreuil, ce n’est jamais une bonne idée.

Pendant que je roule à 110 km/h, je me demande qui de nous deux est le plus brillant. Tous les jours, je suis une voie toute tracée, goudronnée, balisée. Quand je m'emmerde trop, je mets deux roues dans l’accotement, de l’autre côté de la ligne, pour prendre un peu plus que ce qu'on m'a donné. Mais même là, je demeure en marge, dans cet espace qui se définit par la norme, à mille lieux de ce dont je rêve parfois, un esprit libre qui n’est en réaction à rien. Je ne suis pas cette entité qui va où elle veut, où elle espère l’herbe plus verte, qui se fout des sens uniques et des garde-fous pour gens sains, et qui parfois traverse une autoroute devant le faisceau étroit des phares d’une voiture.

Tous les matins, malgré ses grognements et sa suspension assistée, ma boîte de tôle n’arrive pas à me faire oublier qu’elle roule avec le sang de la liberté sur sa puissance froissée.

vendredi 9 décembre 2005

Attention, je vous écoute...

Au sujet des promesses électorales...

«Ça te sort par une oreille, et ça te sort par l’autre.»
Véronique Boily

jeudi 8 décembre 2005

En Marge

Ils étaient une dizaine habillés en noir des pieds à la tête, celle-ci parfois coiffée d’un Fedora noir. Ça fumait des petits bouts de cigarettes qu’ils tenaient entre l’auriculaire et l’annulaire, la main à hauteur du nombril, la paume vers le ciel. Il y en avait un ou deux à qui j’aurais aimé parler dans le groupe, mais je ne fais pas partie de la sphère des poètes, des marginaux, des vrais. L’exclus aime l’exclusion, la provoque et l’entretient. La sienne et celle des autres. Car fort du poids de son groupe, le marginal crée sa norme et rejette ceux qui n’y correspondent pas. Rien de pire que le marginal grégaire. À les regarder, j’ai toujours cet étrange sentiment qu'on a devant un lac en octobre, qui oscille entre l’envie d'y nager et la joie de ne pas y tremper. Parce qu’il me faudrait toujours exhiber une douleur de vivre comme un Rockabilly expose ses tatous, parce qu’il faudrait que je devienne caractériel, parce qu’il faudrait que j’arrête de parler à trop de gens que j’aime pour être un vrai.

Pendant que je buvais ma bière avec des amis, eux, ils discutaient du dernier recueil de poésie de Jean-Philippe Bergeron, Débris des ruches. Enfin, j'ai supposé. Le livre semblait triste car ça ne riait pas beaucoup dans leurs rangs. Pendant que le groupe se serrait comme un troupeau de pingouins à 50 sous zéro, Bergeron m’a autographié son recueil que je souhaite aussi bon que le premier. Si c’est le cas, je suis mûr pour une retraite fermée de quelques semaines chez les moines. Qu’on ne se méprenne pas, c’est positif.

Puis le groupe s'est étiolé, tout le monde est parti, moi y compris. Je n’ai parlé à personne habillé en noir ce soir là. Un jour, je leur dirai qu’ils ont l'air chiants et imbus d’eux-mêmes. Dans le même élan, je leur dirai aussi de ne pas changer.

mardi 6 décembre 2005

Libéral 1, Bloc 0 (1 pt Godwin de Lapierre - qui perd gagne)

Allez, je vous explique un peu...

La loi de Godwin

«En 1990, Mike Godwin énonça la règle empirique suivante : "Plus une discussion [...] dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison avec les nazis ou avec Hitler s'approche de 1"[...]

On peut remarquer que n'importe quoi peut remplacer le nazisme dans l'énoncé de cette loi, en effet plus une discussion est longue plus on a de chance d'y mentionner n'importe quoi.

Cette "loi" s'appuie sur l'hypothèse selon laquelle une discussion qui dure dans le temps amène peu à peu les esprits à s'échauffer et à remplacer les arguments par des insultes. Le nazisme étant souvent considéré comme la pire des idéologies, toute comparaison avec un mouvement de ce genre est considérée comme le signe de l'échec de la discussion, du moins si le sujet de départ était très éloigné. On estime alors qu'il est temps de clore le débat, dont il ne sortira plus rien de pertinent, pour repartir sur des bases saines. On dit alors qu'on a atteint le point Godwin de la discussion.

L'expression point Godwin a, par extension, également pris un autre sens : un point Godwin est un point donné au participant qui aura permis de vérifier la loi de Godwin en venant mêler Hitler, le nazisme ou toute idéologie haineuse à une discussion dont ce n'est pas le sujet.»
(tiré de Wikipedia - Merci au Laborantin!)

Au delà de cette information amusante, je voudrais souligner la magnifique prestation théâtrale de Paul Martin dans le rôle du gars qui fait pitié mais qui va fêter courageusement Nouelle à Monrial quand même, en famille s'il vous plaît, malgré tout.

lundi 5 décembre 2005

Réflexions sur la lenteur

La lenteur est l’hésitation de l’indécis et l’assurance du sage, la faiblesse du vieux et la force de l’eau, l’impuissance du malade dans son lit et l’autorité du professeur entre les bureaux, la menace du vautour et le réconfort d’une caressse, l’usure du vent et l’approche du fauve, l’inflexibilité du temps et la clémence de la clairière, le doute de la destination et la certitude de notre destinée, l’âpreté de l’inexorable et la douceur du sable. La lenteur c’est la célérité du masochiste et le ralenti de l’épicurien, le rythme de l'ennui et la pause du jouisseur.

La lenteur, c’est tout ça, le retard et le désir, c’est le voyage comme unique motif.
Et parfois, après un soupir, on se surprend d’être arrivé avant même d’être à quai.

mercredi 30 novembre 2005

Monstres

Texte écrit pour Coïtus Impromptus


Il fut une époque où chaque soir, au coucher, je sautais dans le lit du plus loin possible, avec un élan de gymnaste depuis la porte de la chambre. Le doigt sur l’interrupteur, j’essayais de ne pas penser à ce qu’il arriverait si jamais j’avais le malheur de ne pas être assez rapide ou de mettre le pied à portée du monstre qui se cachait sous le lit. Des sueurs froides dans le dos, je rêvais d’être un super héros, de voler plus vite que la lumière et d’arriver sous les draps avant qu'elle ne soit éteinte. Mais j’étais enfant et fragilement humain.

Une fois dans le lit, je me couchais dans cet espace restreint en plein centre du matelas, espace que j’espérais hors de portée des tentacules du monstre qui lui, ne sortait jamais de sa tanière. Puis j’essayais de m’endormir, les couvertures jusqu’aux yeux comme unique rempart jusqu’au lendemain. Certains soirs, je pourrais le jurer, je l’entendais respirer. Je l’imaginais sourire, attendant patiemment l’apparition d’un de mes mollets, et il susurrait «Il n’y a rien sous le lit. Laisse pendre ton bras, tu verras…Juste deux secondes…» Cet être vil tentait d’attirer les âmes pures pour les consommer comme du maïs en épi. Il était gluant, cruel et sans pitié, comme le sont tous les monstres sous tous les lits de tous les enfants du monde. Cette menace constante finit par développer chez moi une vessie en acier et un sentiment de soulagement qu’il m’arrive encore de ressentir quand je vois l’aurore poindre. Car les monstres ne se dévoilent jamais au grand jour.

Mes tactiques poltrones furent sans doute efficaces puisque jamais une monstrueuse papille ne m’a goûté, ne serait-ce qu’un orteil.

Bien qu’avec le temps le souvenir de ce monstre se soit un peu émoussé, il m’arrive encore aujourd’hui d’y croire l'instant d’un soupir malgré mon bon sens d’adulte, malgré l’indécrottable incrédulité qu’apporte la maturité, malgré tout. Je me dis parfois que les monstres sous les lits ne disparaissent jamais vraiment, qu’ils nous suivent comme une tache de naissance, et nous écoutent, nous épient, nous voient devenir adultes. Et qu’un jour, à force de nous observer, redoutant à leur tour le monstre qu'est devenu celui qui ronfle sur l’oreiller au dessus d’eux, ce sont eux qui s’endorment inquiets dans ce petit espace au centre du lit.

lundi 28 novembre 2005

Belles trouvailles!

J'étais en train de fuir mon monstre (pas ma petite déjà surdouée qui kicke du ventre, mais l'écriture d'un texte pour le Coïtus de cette semaine) quand je tombe par pur hasard, coincé entre deux trucs poussiéreux, sur un petit livre rouge. Bonheur! Moi qui croyais l'avoir perdu à jamais!!! C'est Daniel (mon cher collègue et précieux ami) qui va être content!

Dans ce petit bouquin, Daniel et moi avons colligé coquilles, boulettes et autres amusantes citations relevées ici et là dans les travaux d'étudiants. Des dizaines voire des centaines de citations amusantes dont certaines datent de 1997, de quoi nourrir ce blogue jusqu'en juin 2012...

Allez, quelques unes, juste pour rire. Je vous avertis, je les recopie telles quelles.

«Fajardie est né en 1947 (...) Question de prendre un peu d'expérience, il décida de prendre part à la Révolution française avant de commencer à écrire.»
Chérie, je vais faire un peu la révolution et je reviens en fin d'après-midi!

«L'histoire nous est racontée de sorte à ce qu'elle se déroule au fur et à mesure qu'elle se passe.»
Rien de pire qu'une histoire qui est rendue à la page 122 alors qu'on n'en est qu'à la page 20.

«La vieillesse devient une maladie et grand-mère meurt.»
Ça, c'est juste beau...

«Après des années, les jumeaux grandissent.»
Pouf!

«Depuis des siècles, les gens ressentent le besoin de croire qu'il faut savoir lire. (...) On a t'il besoin de savoir lire?»
Lire, je ne sais pas. Écrire par contre...

«La femme de Henri Napoléon est massacrée à mort par un tournevis (...) et elle fut aussi violée.»
L'histoire ne dit pas par quel outil.

«C'est souvent ce que l'on cherche pas qui nous tombe sous les bras!»
Moi, j'ai connu une femme qui ne cherchait pas de poils.

«Kristof a en son actif de nombreuses pièces de théâtres, dont Hier, qui est, en plus, un roman.»
Un 2 pour 1.

«Kristof est née en hongrois.»
Poustijik! Pouuusjitik! Pouuuuuuuuustijik! Tadamtijik! Ouintijik! Ouintijik!

«Les frères viennent en aide à leurs problèmes!»
Merci d'être venu; ça va bien depuis deux jours et je ne sais plus quoi faire...

Bon, j'arrête avant de vous tanner. Mais permettez-moi de continuer la lecture de mon bord...

vendredi 25 novembre 2005

Hu, Cocotte (et petit bonheur)

Tout d’abord, il fallait retrouver le lieu de rendez-vous. On avait l’air de deux touristes au Cambodge tant il n’y avait aucune indication. Juste des lettres gris foncé sur des panneaux gris pâle qui chuchotent pavillon Truc par là, pavillon Chose par là aussi, pavillon Patente en rénovation, investissement du gouvernement provincial : 6,54$ (à voir l’état des lieux, c’était pas en millions certain). Dame V avait une formidable envie de pisser et moi, qu’une note : échographie, 15h30, premier étage.

On a trouvé après une petite promenade et quelques indications affichées sur des feuilles de cartable scotch-tapées au mur. Carte soleil, carte bleue, réceptionniste et jaquette vertes, salle d’attente beige. Quand ça a été le tour de Dame V., elle s’est couchée sur un lit de papier qui fait scroutch, a remonté ci, a descendu ça, et la dame en sarrau a pris un truc qui ressemblait vaguement à un pot plastique de ketchup, mais blanc.
-Attention ça va être…
-Iiiih!
-…froid.
Et voilà, le ton chaleureux et sympathique était donné. Dame V. fait une blague, je pose une question, on souligne qu’on aimerait bien savoir le sexe de Ti-Tout, le sarrau feint d’être absorbé par son écran et nous ignore. Dans ces moments là, juste là là, j’aimerais être un vrai client et pouvoir changer de médecin comme on change de vendeur de chaussures. Pourquoi devenir infirmier ou médecin si on est misanthrope? J’ai quelques collègues comme ça, aussi… Je vous en parlerai une autre fois car à ce moment, le sarrau a ouvert la bouche:
-Ici c’est la tête, le nez, les orbites, le petit cœur…
- Où ça?
-…le bras, les mains, le tibia…
-C’est son genou près de son nez, là?
-…le pied, le cerveau, les vertèbres cervicales, les dorsales…
-Et la masse là, c’est quoi?
- …les pieds sont juste au dessus du col de l’utérus, le placenta est postérieur…
-Vous êtes sourde ou clitoridienne, madame?
-…le cordon est bien placé, l’estomac, la bouche qui inspire une bouffée de liquide amniotique. Tout va bien.
La dame nous a tendu une petite feuille avec l'image d'une écho:

Puis elle s'est levée et nous a annoncé avant d’ouvrir la porte :
-D’après moi, c’est une fille, mais avec l’écho, on ne peut pas être sûr à 100% que c’est une fille. Un gars, c’est clair, mais pas une fille. Restez là.
Elle est disparue.

En silence, les larmes aux yeux, main dans la main, Dame V. et moi regardions notre fille sur une photo noir et blanc, large comme une facture d’épicerie.
Une fille!
Toute la beauté du monde sur une image de 20 cm carrés.
Je me répète, je le sais, mais je m’en fous : une fille!

Le sarrau est revenu avec une autre femme. Cette dernière s’est assise devant l’écran et a repris l’examen sans se présenter. Elle a froncé les sourcils, s'est détendue, a penché la tête à droite, a appuyé plus fort sur le ventre, a scruté toujours l’écran comme s’il lui parlait… Après trente secondes, Dame V. a senti le besoin d’établir un contact.
-Euh… Bonjour. Vous êtes la technicienne?
La femme a fusillé Dame V. une demie seconde.
-Non, je suis mé-de-cin.
Ça a été le SEUL contact, visuel et oral, avec Dame V. et la seule information qu’elle nous a donnée.

Quand on a été libérés, Dame V. s’est rhabillée alors que la médecin disparaissait au bout du corridor. J’ai seulement entendu la verte réceptionniste dire «au revoir madame Hu».

Aujourd’hui, je tiens à dire : madame sarrau et madame Hu, je ne remets nullement en doute vos compétences médicales, mais pour notre bien commun, devenez plombières...

Mais, mais, mais...
On était arrivés à l’hôpital avec un fœtus de presque cinq mois, on est ressortis avec une fille. Toute la différence du monde.
Je serai, je suis père d’une fille!

Il y a des miracles qui arrivent une fois sur des milliards. Et il y a ce miracle qui arrive une fois sur deux et que vaut bien sa contrepartie:

C’est une fille!

mercredi 23 novembre 2005

Magie noire

Julie broie du noir, broie du noir jusqu’à la poudre, poudre qu’elle ramasse en un petit tas insignifiant, insignifiant au point où elle se demande chaque jour comment elle a pu s’y noyer. Elle s’y noie tout de même. Elle ne nage d’ailleurs presque plus, si ce n’est que de quelques coups de pieds ici et là. Devant son petit tas de noir broyé, Julie décide de prendre son temps, de prendre son souffle en se gonflant la poitrine comme d’autres prennent leur élan. Dernière aspiration avant de fermer les lèvres, de tout retenir une seconde de trop. Au début, c’est facile. Mais tout se comprime rapidement. Ce n’est pas dans les habitudes humaines de tout garder comme ça. Julie devient rouge, puis bleue. Elle toussote un peu la bouche fermée, toute sa vie compactée derrière ses lèvres closes.

Quand elle commence à voir des étoiles, quand elle sent la vie chanceler, elle abandonne, elle souffle sur la poudre, souffle de toutes ses forces, comme pour éteindre les 36 chandelles de son gâteau, comme pour gonfler un ballon au caoutchouc trop rigide, comme pour attiser la braise d’un feu oublié. Elle voit alors le noir devenir nuage. Un nuage de poudre aux yeux qui nous aveugle momentanément. Alors on s’essuie les yeux avec nos mains, avec l’intérieur de nos coudes, en traitant Julie de petite connasse; on ne souffle pas sur le noir broyé comme ça, c’est impoli, c’est salissant. Puis quand on rouvre les yeux, Julie est disparue.
Black out.

mardi 22 novembre 2005

Attention, je vous écoute...

Un jour, je ferai un livre avec ses propos!

«Des livres, c’est comme des kilos, sauf que ça en prend plus pour faire une personne.»

«Elle est pas là, parce que quand elle vient, elle s’arrange pour être déjà là.»

Diane Lebel

lundi 21 novembre 2005

Attention, je vous écoute...

«C’est plate que t’aies pas ta voiture, je me serais fait monter.»
Catherine Voyer-Léger

dimanche 20 novembre 2005

T'es pas game...

Depuis quelques jours, effet secondaire des magazines à potins et des déclarations sur Boisclair, des blogueurs qui pourtant bitchent Flash, Fear Factor, Loft Story et d'autres émissions du même acabit, se lancent le défi d'étaler aux yeux de tous une liste de 20 trucs inavouables sur soi. Et vlan, voilà que Pat m'a lancé le défi...

Pendant quelques secondes, j'ai eu le goût d'embarquer. Parce que je suis un gars et quand on dit à un gars «T'es pas game...», ce dernier voit habituellement son QI descendre au niveau du cache-pot en terre cuite.

Mais aujourd'hui, j'annonce que je n’écrirai pas ici 20 choses inavouables sur moi. Tout d'abord parce que si c’est inavouable, c’est donc que. D'ailleurs, à deux trois trucs près, il n'y a rien de ce que j'ai lu qui soit «inavouable». Anecdotique souvent, gênant, tout au plus. Ensuite que l’exercice est faussé à la base, un peu comme quand un employeur nous demande notre pire défaut; on lui trouvera un défaut qui nous rendra intéressant, qui pourra passer pour une qualité dans un contexte professionnel, genre gourmand, ou perfectionniste, ou nymphomane.

Ainsi, un vrai truc inavouable, pas du genre «j'ai mangé un gâteau marbré McCain sans les mains» ou «je pèse 20 kilos de plus que j'en ai l'air», du vrai inavouable donc, gênerait inutilement des gens que j'aime, ou pire m’aliènerait des amis. Je vois pas pourquoi je ferais ça. Surtout si, dans la pile de manteaux des partys de Noël, je veux continuer à me servir dans leur portefeuille…

mercredi 16 novembre 2005

Peurdon?

Je comprends bien le pourquoi du quoi de la suite de lettres qu'il faut recopier pour enregistrer en message sur Blogger. Toi = humain = ok! Toi = message de pilules pour allonger estime de soi = out.

Mais pourquoi faut-il que cette suite ait parfois 38 lettres de long, et que d'autres fois elle soit rédigée en une langue extraterrestre?

Quelqu'un qui décode ce truc en moins de deux secondes ne peut être que pharmacien. Ou Klingon.

L'habit fait le moine

Pourquoi la madame-météo doit-elle être dehors pour annoncer les prévisions météo à la télé?

Dramatisation:
Georges regarde les nouvelles à la télé pendant que Georgette tricote sa maille à l’envers…
- (Miss météo à la télé) Demain, il pleuvoira à torrence sur toute la région!
- T’as entendu chérie, demain il pleuvoi… il va mouiller!
- Impossible, il fait super beau en ce moment…
- Mais c’est ce que miss météo a annoncé.
- La connasse avec trop de rouge à lèvres? Elle ne sait même pas parler!
- Oh la! T’es encore jalouse parce qu’elle a une tignasse de publicité de shampoing et qu’elle dit «tu» à Pierre Bruneau! Je souligne que ses prévisions météo, elle les fait dehors, alors que nous on est sur le divan…
- Ah… Alors je me tricote un imper...

Cette illusion de compétence contextuelle (c’est beau dit comme ça!) est aussi l’apanage des reporters qui sillonnent la ville en automobile pour les bulletins-radio de circulation.

Autre dramaturgie(!)
- (le reporter de circulation, à la radio) Je suis présentement sur l’autoroute 20 Est et c’est bloqué depuis Dorval pour entrer au centre-ville. Cependant, un auditeur, François (imaginez qu’il y a un homme présentement dans son char, fier comme un pape, qui mime aux voitures qui le dépassent que c’est lui, le François de la radio), vient de m’appeler pour me dire que sur la 15 Sud, il y a à peine un léger ralentissement à la hauteur des travaux au dessus de la rivière…


En fait, ce qu’il faut entendre c’est que pour s’assurer du bouchon, le reporter y contribue! Et comme il est en voiture, il devient omniscient; il sait ce qu’il se passe sur toutes les routes de Montréal, bien mieux que s’il était devant les moniteurs de surveillance de la ville. Ça lui permet, par la même occasion, de contribuer aux émissions de gaz à effet de serre… Mais comme il recommande aux auditeurs de faire du covoiturage en fin de capsule, l’honneur de la station de radio est sauf…

Bon, je vous laisse, c'est l'heure du bulletin météo...

jeudi 10 novembre 2005

Les Graves paternelles

Il y a des soirs où on se couche avec une anxiété diffuse, des ombres qui planent au dessus des oreillers, des parfums qu'on réalise tout à coup avoir oubliés. On se demande des «Tu te souviens de..?» et on se dit oui oui bien sûr, pour se rassurer, mais on ne se souvient pas, ou juste un peu. Alors on exorcise, couchés près l'un de l'autre. On discute, on tente de se rassurer, on cherche des mots inusés dans des mémoires antiquaires.

Tout ce temps, je parle près du ventre gonflé de dame V. Parce qu'il paraît que maintenant, Ti-Tout entend, surtout les graves du père, et qu'il commence à y réagir. Alors on discute de sujets graves. Puis je déconne un peu, je fais l'opérateur de métro dans le nombril:
« Bi-bu! 832 communiquez! 832, communiquez! »

Puis, pour la première fois, Dame V sent le petit bouger...

Oh! le méchant séparatissss...

Mes opinions politiques n’ont jamais été secrètes. Je suis souverainiste, indépendantiste, séparatisss. À cause de la spécifité française, bien sûr, mais aussi celles culturelle et politique. Il y a surtout que je ne peux concevoir qu’on puisse être autrement que souverainiste, qu’on soit britanno-colombien, letton ou idahoain (Je vous jure, on dit idahoain! Ça ne s’invente pas!) Je ne crois pas aux grosses entités politiques et je voue une admiration silencieuse à la Finlande, à la Suède et aux autres voisins tranquilles qui savent s’affirmer sans jamais s’imposer. Les trop larges nations, tels des cigares trop gras, deviennent invariablement envahissantes, aveuglantes, asphyxiantes.

N’empêche qu’à regarder oeuvrer certains membres du Parti Québécois, il y a des soirs où je me dis que j’aimerais bien étrangler un péquiste avant de mourir.

mercredi 9 novembre 2005

Attention, je vous écoute... (décidément, hier soir était un grand soir!)

(parlant de Cuba - et des Cubaines)
«C'est comme le pot: essaye pas le local.»
Anonyme
:)

Attention je vous écoute...

«Elle me racontait sa vie! J'pourrais même pas te dire ce qu'elle disait...
Bref, elle a commencé à 2 ans, je suis parti à 22...
»
Patrick Belisle

Attention, je vous écoute... Spécial hockey!

(Un peu inquiet...) «54 secondes... Ça va être une longue minute!»
François Bertrand-Prévost

(Illumination!) «(Au hockey,) Kovalev a inventé la passe!»
Patrick Belisle

(Pour rassurer les troupes) «Au hockey, y a toujours une troisième période.»
Un inconnu perspicace derrière nous

(Grand analyste) «Évaluer un joueur au hockey, c'est simple: moins il a de dents, plus il a du coeur!»
Moi

lundi 7 novembre 2005

¿Qué dicen?

Dit comme ça (texte du 2 novembre), je pourrais me croire pour Gigi Marquez (à condition de ne pas savoir lire l'espagnol)...

vendredi 4 novembre 2005

Une petite histoire pour vous endormir

Bonjour les Tout Petits!

Aujourd’hui, je vais vous raconter l’histoire de Michelle, la petite souris.

Michelle la petite souris travaille à temps plein dans une usine de comptoir en mélamine. Tous les jours, elle inspecte des imitations de marbre et de bois et d’autres matières inconnues pour quelques sous de rien du tout. Elle est mariée depuis longtemps à Gaston le gros rat, mais elle ne l’aime plus et désire de moins en moins secrètement le divorce. Il faut dire que Gaston le gros rat, grand avocat de réputation mondiale, ne lui fait plus l’amour depuis des années, refuse de lui payer des cours du soir, et ne lui laisse même pas quelques sous pour se payer un morceau de fromage une fois de temps en temps.

Un jour, Michelle la petite souris fait part à son gros rat d’époux qu’elle en a marre. Marre, marre, marre. Ce dernier, plutôt que de réviser ses positions, promet de payer les cours du soir de Michelle et lui achète des morceaux de fromage qu’il choisit lui-même, à condition qu’elle mette une grande photo de lui sur sa table de chevet, sur le mur de la cuisine et sur son t-shirt quand elle marche dans la rue, juste pour montrer aux autres combien tendre et amoureux et attentionné est son rat mari. Michelle, le cœur en diète depuis longtemps, se laisse bercer d’illusions quant à l’amour soudainement revigoré de son époux, et accepte le marché. Et voilà l’heureuse souris qui déambule dans la rue museau en l’air, poumpoumpoum, la photo de son mari sur son ventre gonflé de fromage bon marché.

Cette ruse de Gaston fonctionnera quelques années, jusqu’au jour où Michelle se rend compte que son mari refuse toujours de payer ses cours du soir, qu’il ne lui a pas fait l’amour depuis 10 ans si ce n’est que pour l’enculer, qu’il lui coupe la parole dès qu'elle parle en public, et qu’en plus, il prend quelques bouchées de chaque morceau de fromage avant de lui donner.

Alors, les Tout Petits, que fera Michelle la souris?
Elle pousse Gaston dans le caniveau? Elle le trompe avec un raton plus généreux? Elle divorce et devient lesbienne?

Noooooon!!

Elle engage un dispendieux avocat qu’elle paye de sa poche pour démontrer que son mari bouffe la moitié de son fromage.

À la fin, Gaston le gros rat se fera gronder avec un gros doigt devant le nez. Vilain Gaston! Vilain, vilain!

Voici, mes Tout Petits, l’histoire de Michelle, la petite souris.

La semaine prochaine, je vous raconterai l’histoire de la commission Gomery et du scandale des commandites…


…Quoi vous dites? Je viens de la raconter?...

mercredi 2 novembre 2005

Les oiseaux ne se marient plus

Je joue à l’optimiste depuis quelque temps déjà, et ça m’obligeait chaque jour à changer ma moto de côté de rue, sous la pluie des queues d’ouragans, pour éviter la contravention. D’ailleurs, un jour, quelqu’un devra m’expliquer le pourquoi de cette obligation bihebdomadaire montréalaise… Peut-être est-ce l’âge qui me fait plus douillet, mais les quelques jours d’octobre où il n’a pas plu, il faisait trop froid pour me rendre au boulot en moto. À ma défense, d’aucuns savent que s’il fait froid en ville (où j’habite), combien glaciale est la température toujours plus basse de la banlieue (où je travaille). Il paraît que ce réchauffement propre aux villes est causé par l’activité humaine. Peut-on alors en déduire que la froid de la banlieue est alors causée par l’inactivité humaine, ou mieux, l’activité inhumaine? Mais ici, comme il m’arrive souvent en banlieue, je m’égare…

Toujours est-il que ce matin, en sortant de chez moi, la tuque de mon voisin m’a rappelé qu’il y a une fin à toute bonne chose, telles les randonnées en moto, et qu’avant de rouler dans la gadoue, il me vaudrait mieux remiser l’engin. Alors pour goûter une dernière fois cette année au vent sur mes joues, pour sentir cette fragile invulnérabilité au son de mon faux Harley, j’ai roulé quelques kilomètres dans les feuilles ocres avant de me diriger vers le garage où mon fier deux-roues hibernera (je sais, ma moto hiVerne, mais laissez-moi mes illusions sur la nature de ma bête…)

Au garage, sous une cinquantaine d’oies volant en V vers le sud, j’attendais pour discuter huile et batterie avec mon mécano près d’un papa motard et de son mioche grimaçant. Pour faire un peu la conversation, j’ai demandé au trois-pommes s’il avait vu le mariage d’oiseaux dans le ciel. Il m’a regardé comme si j’étais un débile léger:
- C’est pas un mariage, ils s’en vont dans le Sud…

Voilà. En 2005, les oiseaux ne se marient plus.

Aujourd’hui, j’ai perdu ma moto pour les cinq prochains mois, et la vie, un peu de poésie.

lundi 31 octobre 2005

Mémoire fragmentée

(Thème de la semaine dernière du Coïtus Impromptus)

Philippe est assis par terre, contre le mur de sa chambre. Près de lui, une pluie de souvenirs jonchent le sol; des photos d’elle, des photos d’eux, des souvenirs en gouttes salées, une enveloppe remplie de mots trop durs pour être prononcés, et d’autres missives jamais envoyées, lettres mortes qui ne se rendront pas au destinataire, du moins pas en mains propres. Philippe repose par terre. Enfin. Sur le mur derrière sa tête fane une énorme fleur rouge, et dans sa main s’attiédit un pistolet lourd comme un soupir, cruel outil à creuser des trous de mémoire, des trous par où les souvenirs coulent lentement vers l’oubli. À cause de la gravité.

jeudi 27 octobre 2005

Plus personne ne meurt de vieillesse

Autrefois, quand les vieux s’éteignaient, on disait qu’ils mouraient de vieillesse, comme si le grand âge était en soi une raison suffisante pour mourir, comme si l’usure du temps finissait assurément par nous percer, comme si la vie décidait un jour que nous avions fait notre temps.
- Maman, il est où monsieur Verreault?
- Au ciel avec madame Verreault.
- Pourquoi il est au ciel?
- Parce qu’il est mort de vieillesse.
- Ah.

Aujourd’hui, on ne meurt plus de vieillesse. On meurt de sarcome mésenchymateux, d'infarctus du myocarde, de pneumonie à infection pneumococcique. Ainsi, même très vieux, ce n’est plus normal de mourir. Il nous faut une raison, un rapport d’autopsie, une analyse de la défaillance. Puis on dit mon dieu, c’est con mourir d’une pneumonie alors qu’il n’a jamais fumé.
- Maman, il est où monsieur Verreault?
- Dans une urne vernie.
- Pourquoi il est dans une urne vernie?
- Parce qu’il est décédé des suites d’une thrombose veineuse profonde du fait d'une complication aiguë - une embolie pulmonaire tu vois - et d'une complication secondaire, le syndrome post-phlébitique. Ç’aurait pu être évité, mais bon, monsieur Verreault n’était pas fort fort sur les visites chez le médecin, et il se négligeait un peu…
- Ah. Il était con, monsieur Verreault…

Aujourd’hui, je viens de réaliser que j’aurai beau crever à l’âge de trois cents ans, jamais je ne mourrai de vieillesse.
J’aurais pourtant aimé ça.

mardi 25 octobre 2005

Devinette du mardi

Hier, A. va faire un tour chez le coiffeur et donne comme simples indications à ce dernier un simple «Plus courts, s.v.p.» Dès sa sortie de chez le coiffeur, A. se passe la main dans les cheveux pour défaire cette mise en pli improbable que font toujours les artisans du peigne, puis A. se dirige vers le gym où l’attendent B., C., D., E., F. et G.

Quand A. arrive au gym, B dit:
- T’es en retard. T’étais où?
C. laisse tomber, en relevant légèrement le bas de son pantalon:
- C’est pas joli joli, des bas noirs pour aller au gym.
D. chuchote en pointant du menton:
- Woupoupoup, regarde la fille avec le sweat suit blanc écrit «juicy» sur les fesses…
E. lance, le coin des lèvres un peu par en bas:
- Tiens, tu t’es fait couper les cheveux? Il était temps!...
F. ajoute:
- Pas très réussi... T'as pas cassé ton cochon pour ça, j'espère?
Et G. marmonne quelque chose d’inintelligible en se rongeant un petit bout de peau qui retrousse sur son index gauche.

Questions:
De A., B., C., D., E., F. et G., qui est de sexe masculin?
Qui sort avec qui?
Quel est l'âge du capitaine?
(La réponse à la fin des annonces classées)

vendredi 21 octobre 2005

Gestation des angoisses

Il y a le temps des silences, le temps où l’on tait les je t’aime pour ne pas faire fuir, pour ne pas faire peur, pour ne pas que les embryons avortent comme ils le font parfois au printemps. Le temps d’être sûr comme si ça se pouvait. Il y a le temps des angoisses muettes, le temps de saisir que nos gestes, nos paroles et notre être tout entier ont une réelle portée. Il y a le temps où paralyse la peur de sortir de son nombril, de perdre ses amis parce qu’on n’a plus qu’un sujet de conversation, de tenir un bonheur insoutenable à bout de bras et d’en être trop faible, de devenir « mononc’ » avant d’être vieux, de tondre son gazon pour fuir son salon, d'être pris en étau par les gosses. Cette magnifique peur d’être dieu pour quelqu'un, et surtout la terrible peur de redevenir homme après quelque temps.

Puis je croise le regard neuf d’un bébé, ses mains qui ne peuvent saisir qu’un doigt à la fois, ses pieds qui battent les airs de rage et de plaisir. Et pendant qu'il poursuit sa route avec ses dieux épuisés, je regarde le ventre de ma blonde qui commence tout juste à s’arrondir, et je souris.

lundi 17 octobre 2005

Le Goût du métal

Texte écrit pour le Coïtus de cette semaine.


À ce que les vieux racontent aujourd’hui, il fut un temps où il y avait des bancs de neige hauts de huit pieds, où l’hiver durait d’août à juin, et où la vapeur des mots tombait en glace par terre dès que ces derniers sortaient des bouches tant il faisait froid. Pour avoir une quelconque conversation, il fallait, sur le poêle, dégeler dans le bon ordre les blocs de vapeurs qu’on ramassait sur le plancher de la cuisine… Jean, comme tous les enfants de cette époque, marchait deux miles le vent de face pour aller à une école plantée au haut d’une côte. Au retour, le chemin, à nouveau en pente ascendante, s’étendait sur un bon mile de plus, sans compter que le vent était toujours de face. Pas d’automobiles pour faire paresseusement du ski-bottines, pas de ski-doo pour subir le coup de la corde-à-linge avec la clôture électrique du champs des Bergeron, rien. Juste une tuque des Canadiens et des botillons bourrés de gazette pour affronter les chemins enneigés et les froids du Cânâdâ. Ce n'était pas une époque pour les fluets, non madame. Ainsi était la dure vie en 1926.

C’est le 18 février de cette année que Jean apprit à zézayer. Il revenait tranquillement de l’école en kickant des bouses gelées en guise de rondelles de hockey. Tout était pittoresque: le paysage blanc-bleu, le chemin brun-pomme de route, et la goutte étincelante au bout d’un nez que Jean essuyait dans son foulard déjà raidi d’haleine gelée. Le petit marchait tranquillement vers la maison, mains nues dans les poches, gracieuseté de Boum-Boum Paquin qui lui avait volé ses mitaines. Il paierait demain, le petit saligaud. Pour l’instant, Jean tentait de rentrer se réchauffer près de la truie sans échapper en chemin un de ses doigts déjà gelés. Rendu à la maison, devant la porte d’entrée, Jean hésita à sortir les mains de ses poches pour tourner la poignée. Il se dit qu’il ferait bien de frapper avec ses pieds pour que sa mère, Émilie, vînt lui ouvrir. Mais Jean avait neuf ans et une idée géniale: pourquoi ne pas tourner la poignée avec sa bouche?

Je fais une pause-information pour mes nombreux lecteurs vivant dans des pays où deux centimètres de neige est une tempête, et où zéro degré Celcius est synonyme de cryogénisation: une langue chaude et humide se soude littéralement à tout objet métallique gelé. Une simple tirette de fermeture-éclair peut vous arracher un bout de lèvre en moins de temps qu’il n’en faut pour avoir l’air fou. Alors, imaginez une poignée de porte, une boîte aux lettres ou un poteau d’arrêt. Oui, oui, un poteau d'arrêt! L'être humain est tenté par bien des expériences pour cultiver le petit champ fertile de ses connaissances.
Fin de la partie instructive. Revenons au pauvre Jean.

Jean se rendit vite compte qu’il était douloureusement soudé à la porte par la langue dans une position qui n’avantageait pas grand monde. Il tenta de se tirer de là seul, mais rien ne vaut une papille gustative qui menace de se détacher pour faire entendre raison. La langue collée à la poignée, les mains toujours dans les poches, le pauvre bougre se décida d’appeler sa mère à l’aide. «À ’È’’!» «À ’È’’!» Rien. Sa mère n’entendait pas ses vocalises. Comme la première idée est souvent la meilleure, Jean entreprit alors de frapper à la porte avec ses pieds. Bang! Bang! Bang!

Maman Émilie arriva toute paniquée et vit son fils, penché devant la porte, la poignée dans la bouche. « ‘A’an!» cria-t-il, heureux à en pleurer. Émilie, qui n’en était pas à sa première situation saugrenue et qui avait vu neiger avec ses six autres enfants, n’était nullement impressionnée par les prouesses de son ainé.
- Qu’est-ce que tu fais là, petit niaiseux?!
Et elle tourna la poignée…

Si un jour vous rencontrez un vieux monsieur qui s’appelle Zean, vous comprendrez pourquoi il geint doucement quand il mange à la cuiller. Il a encore la larme facile, le pauvre.

dimanche 16 octobre 2005

Sociologie à 5 sous

Au retour d’une journée de travail, après un baiser à ma mère, mon père allait directement travailler dans le jardin. Bèche ici, sarcle là, arrache ci, tasse ça, tout ceci les deux pieds dans des souliers vernis, le col relâché, le gros bout de la cravate sur l’épaule, le petit au vent. À toutes les cinq minutes, mon père se redressait pour jauger son oeuvre horticultrice et, empli de cette satisfaction qu’apportent des légumes bien rangés, les mains dans les poches, il faisait tinter joyeusement ce que, du bas de mes trois pommes, j’imaginais une petite fortune en pièces de monnaie. Derrière, immanquablement, la voix de ma mère qui reprochait à son époux de travailler la terre dans ses beaux habits.

Alors qu’autrefois je n’y voyais qu’une dynamique parentale parmi tant d’autres, aujourd’hui, je souris à ce merveilleux instant de sociologie familiale: aux réflexions féminines sur la propreté criées depuis la fenêtre de la cuisine, mon père renvoyait comme contre argument un simple tintement de monnaie du fond de sa poche, le sourire satisfait.

mercredi 12 octobre 2005

Attention, je vous écoute...

«Criss de beau but: en désavantage numérique, au ralenti, tout!»
Un inconnu assis près de moi dans un bar, ébahi devant un but des Canadiens de Montréal montré en reprise à la télé.

lundi 10 octobre 2005

Delete

Texte écrit pour le Coïtus

Chère amour,… Non.
Julie,… Non plus.
Yo! Voilà.

Je crois que toi et… Non.
Depuis que tu m’as tromp… Non plus.
Ton odeur m’écoeure. Voilà.

On devrait se lais… Non.
J’espère que tu comp… Non plus.
Je couche avec ta soeur. Voilà.

En te souhaitant des jou… Non.
Adieu… Non
…en ce moment. Voilà.

Signé:
Ton Paulo… Non
Paul… Non plus.
[Rien] Voilà.

P.-S.
On verra pour le parta… Non
Laisse la clé sous le paillas… Non plus.
J’ai changé les serrures. Voilà.

Poursuite

Au coin de la rue, une jolie femme dans la jeune quarantaine court sur place en attendant que le feu change au vert. Il pleut, il fait froid, et les roues des voitures éclaboussent son pantalon moulant assorti aux chaussures sport dernier cri. La femme piétine le béton pour garder le souffle et pour perdre sa légère culotte de cheval. Elle profite du moment pour prendre son pouls sur dix secondes. Un doigt sur la jugulaire, un poignet devant les yeux. Gauche droite gauche. Top chrono. Un-deux-trois-quatre… Stop. Fois six… Papapapa… 162. Légère panique: trop bas! Pourtant elle souffre, pourtant elle est rouge, elle sue, elle halète. Dans l’autre direction, une main lumineuse clignote. La femme pourra bientôt poursuivre sa course. Elle ajuste le son du baladeur à sa taille, question de moins ressentir la douleur. L'homme derrière elle ne lui dira pas qu’elle ne devrait pas se torturer de la sorte, que lui il aime bien ça les fesses un peu potelées, les hanches un peu fortes. Aveu impossible devant la vérité des revues de mode. Puis réapparaissent le petit bonhomme blanc, le feu vert, la course pour retrouver son rythme et la taille de ses vingt ans.

vendredi 7 octobre 2005

Une Craie dans la main et du maïs dans les dents

Avec le temps, j’ai constaté que la pédagogie obéissait à certaines règles qu’on n’enseignait pas à l’université. Au fait, chers vous, qu’apprend-on à l’université à part l’équation : 1 cours/jour + quelques bières/cours multiplié par x sessions (x étant inversement proportionnel à la détermination) = grosse dette? Je serais tenté de vous répondre qu’on y apprend principalement à faire quatre cours avec de la matière pour un seul, un peu comme on fait du pain blanc tranché. Menfin, je m’égare… Ainsi, voici quelques règles qui régissent l’enseignement collégial. (La liste n'est pas exhaustive. Vous en saurez plus en lisant Vingt et un Tableaux et quelques craies de François Gravel):
- Plus les profs ont droit à des journées de maladie, plus ils sont malades;
- Les profs sont les pires étudiants;
- Plus on en demande aux étudiants, plus ils en font;
- Les profs ne donnent pas trop de matière « culturelle » parce que selon eux, les étudiants n’ont pas la culture pour la comprendre (le principe de la saucisse Hygrade : plus de gens en mangent parce qu’elles sont fraîches, et elles sont fraîches parce que plus de gens en mangent. Vous voyez le topo…) Ainsi on leur fait lire des articles sur les vertus du skateboard et on s’étonne qu’ils fassent des exposés sur Survivor;
- Une étudiante moche qui produit de bons travaux devient beaucoup plus jolie (l’intelligence me séduit, c’est comme ça);
- Un groupe difficile en début de session aura de bonnes chances de tomber sur la bonne voie en cours de route parce que le professeur travaillera en conséquence. Ce qui sous-entend malheureusement qu’un groupe qui va trop bien au début de la session servira d’oasis, d'aire de repos pour le professeur, et que ce groupe finira presque invariablement à déraper dans la première courbe serrée.

Ce matin, à 8h45 précises, j’ai entendu les pneus de mon cours crisser. Heureusement, j’ai eu le bon réflexe de ne pas tirer le frein à main en tournant brusquement le volant. Mais là, j’ai la désagréable impression d’être dans la boue jusqu’au milieu des roues…

jeudi 6 octobre 2005

Attention, je vous écoute...

«Il est né en quel âge?»
Marie-Loup de Repentigny

(Elle ne parlait pas de Pierre...)

mardi 4 octobre 2005

Aphorisme

Il va de l’amour comme de la rédaction d’une dictée : on recherche l’exception à la règle, les accords muets, les mécaniques capricieuses qui unissent verbes et compléments. Puis on trouve souvent un peu bête celui qui tombe dans le piège.

lundi 3 octobre 2005

Un Vendredi matin au coin du boulevard Charest

Au troisième étage d’un hôtel deux étoiles de Québec, j’entendais la rumeur automobile du boulevard tout près, malgré que la fenêtre fût fermée. L’air de la pièce devait sentir la chambre d’ado, mais je n’avais pas le courage de glisser hors des couvertures pour jouer à l’adulte. Couché sur le dos, armé d’une télécommande usée, je regardais un téléviseur trop petit qui menaçait de glisser de son support mural d'un moment à l'autre. Y jouait une de ses émissions matinales beiges et exagérément joyeuses. On m’y enseignait la température qu’il faisait au Temiscamingue, les derniers potins de stars que je ne connaissais pas, et une technique de peinture maison que de toute évidence le décorateur de ma chambre d’hôtel ignorait. Un peu enfoncé dans mon matelas monoplace, j’ai fait bouger mes pieds sous le couvre-lit assorti aux rideaux. J'ai jeté un regard de côté au décor: si ce n’était de la porte en bois, je me serais cru dans une maison-roulotte près de l’autoroute. Le réveil-matin m’a appris qu’il me restait encore quarante minutes avant qu’il ne sonne. J’ai replacé l’oreiller sous ma tête. J’ai soupiré. En voulant changer de chaîne, j’ai appuyé sur mute. J’ai sacré en souriant.

lundi 26 septembre 2005

Attention, je vous écoute...

«Ce gars-là a vraiment les deux yeux dans la même bottine.»
Daniel Gosselin

dimanche 25 septembre 2005

(sans titre)

à Lady.

Dans le silence des points finaux
l’âpreté des points d’interrogation
le fracas des soupirs
Sous cette inépuisable faux
dont on échappe les choix
point de suspension
Restent ce parfum d’éternité
ces larmes rêches
qui jonchent le quai des gares
qui arrosent les sourires du passé
et les épaules des ajournés

samedi 24 septembre 2005

Parasites

Texte écrit pour le Coïtus impromptus

On est généreux. On leur donne le fond de nos poches avec quelques boules de sécheuse en leur faisant promettre de ne pas les rouler dans du papier à cigarettes. On leur donnerait plus, mais on a besoin du reste. On ira pas jusqu’à leur donner la main; ils sont toujours un peu sales. On voudrait qu’ils soient propres, qu’ils soient bien coiffés, qu’ils soient polis, brillants, articulés, et quand ils le sont, on ne leur donne plus rien car ils semblent s’en être sortis. S’ils sont trop comme nous, on leur botte le cul, on leur dit que la rue n’est pas leur place, que le béton est réservé à ceux qui ont une joue collée dessus, l’autre sous une semelle de policier. Alors ils restent souillés, déchirés, marqués. Ils creusent, se terrent. Ils font des trous. Des trous dans leurs vêtements, des trous dans leurs murs, des trous où ils restent assis, bien blottis contre une fille aux yeux trop rouges, contre deux ou trois chiens aussi pouilleux qu’eux, contre une société dont ils sont un reflet aveuglant. On leur lance parfois de la monnaie mais on ne leur donne rien; on s’achète la liberté de ne pas se sentir concernés.

Ils se rassemblent dans des endroits glauques et visqueux comme des mouches dans le coin d’un oeil malade. Ils tendent la main pour ne pas tendre le doigt, et ils crachent sur nos tôles chromées pour se faire croire qu’elles ne leur rouleront jamais dessus. Ils revendiquent des territoires en se criant des injures, en s’arrachant les anneaux des oreilles, du nez, des seins, puis montrent leurs cicatrices pour prouver qu’ils existent. Ils nous regardent par en dessous comme des enfants qui ont hâte d’être grands pour se venger. Ils nous regardent par en dessous au moins aussi souvent qu’on les regarde de haut, d’où on laisse tomber des verdicts hâtifs, pressés d’en finir, comme des obus d’une guerre illégitime.

Le soir, pendant qu’on se cache, qu’on s’éteint derrière des écrans, ils avalent n’importe quoi pour oublier qu’ils nous haïssent jusque dans leur noire moëlle. Et sous une tonne de vapeur, camouflés derrière des sirènes qui annoncent des jugements en uniforme, à l'orée de la surdose, ils marmonnent des incantations inintelligibles, des prières de colères dédiées à un ciel bas comme le plafond d’un demi sous-sol.

Les parasites ne croient plus en nous, parce qu’on appelle toujours la police quand ils crient à l’aide. Ils tètent notre argent, pas nos bons sentiments. Aucune sangsue ne suce un cadavre.

mercredi 21 septembre 2005

Actualité

André Boisclair, aspirant (snif!) chef du PQ, demeure fidèle à la ligne du parti.

lundi 19 septembre 2005

Ti-Gus

Dans la ville où, bien appuyé sur mes mains près d’une chaîne stéréo, j’ai regardé passer mon adolescence, vivait un vieil idiot sourd-muet. Enfin, je dis vieux, mais il n’avait pas vraiment d’âge. Il semblait faire partie du paysage depuis toujours. Tout le monde l’appelait Ti-Gus, mais on aurait pu l’appeler Adelinette ou Requin-marteau qu’il ne se serait pas plus retourné, sourdingue comme un pot qu’il était.

Ti-Gus n’avait jamais appris à lire sur les lèvres et encore moins à parler en langue signée, alors quand on lui disait quelque chose, il comprenait bien ce qu’il voulait, et s’exprimait par des sons simiesques. Hum! c’était Bonjour. Hum! c’était J’ai faim, Hum! hum! c’était Fous le camp petit con. La Ville (pas la ville ville, mais la Ville avec un grand V) où je vivais avait un jour chargé Ti-Gus de l’entretien de l’aréna et du terrain de baseball. L’été, il râtelait comme un cultivateur mexicain. L’hiver, il sifflait pour avertir les petits morveux qu’ils patinaient trop vite, ou pas dans le bon sens, ou à reculons. Le soir, pour éviter de croiser trop d’imbéciles, il retournait chez lui en marchant sur les dormants de bois de la voie ferrée. Nous, les enfants du quartier, comme les maringouins de son silence, on courait lui crier des noms dans son dos en le pensant bien à l’abri derrière sa surdité.

Quelques années plus tard, j’ai côtoyé Ti-Gus quatre ou cinq mois, le temps d’un travail entre deux désorientations universitaires. Il venait me jaser pendant mes pauses, mais je me lassais vite de son discours monosyllabique, et lui riait trop fort de mes mimiques à la Marceau. Je l’ai tout de même connu le temps d’une saison, le temps de voir qu’il n’était pas idiot du tout, qu’il manquait tout simplement de mots comme d’autres de cartes dans leur main.

Cet hiver-là, Ti-gus a adopté un vieux chien errant, ou un chien errant a adopté Ti-Gus, je n’en suis plus certain. Enfin quelqu’un qui ne le suivait pas pour lui crier des chienneries, quelqu’un qui n’avait pas besoin de mot. Il fallait voir la joie, la fierté dans les yeux de l’homme quand il présentait son chien aux passants. C’est fou l’humanité que peut faire ressortir une bête pleine de puces qui pue sous la pluie.

Le temps a passé. Je suis allé vivre à la grande ville, là où les sourds-muets sans instruction ne travaillent pas, ni à l’aréna ni sur les terrains de baseball. Je n’ai plus eu de nouvelles de Ti-Gus pendant longtemps. Suffisamment longtemps pour que son chien meure de vieillesse.

Puis un jour, j’ai appris par le journal que Ti-Gus était mort, frappé par un train alors qu’il retournait chez lui. Dans l’entrefilet, le coroner disait que Ti-Gus n’avait probablement pas entendu le train arriver. Moi, je pense plutôt que lorsque le train s’est présenté, Ti-Gus n’a rien dit.

mardi 13 septembre 2005

La Tour

Texte écrit pour le Coïtus impromptus

Quand j’ai vu le thème de la semaine du Coïtus, je me suis dit misère. Misère moderne, misère humaine. Déjà que les États-Unis d’Amérique se sont approprié le continent en appelant leur pays America et en se nommant Americans, voilà qu’ils s’accaparent une date. Pas le 11 septembre 2001, le 11 septembre tout court. Pas un jour cette semaine sans que quelqu’un ne parle de cette tour, de ces tours qui se sont effondrées sur elles-mêmes il y a quatre ans. Des tours devenues les balises d’une ère. On parle d’avant les tours, du jour où les tours ont été attaquées, du vide que les tours ont laissé.

Ces tours sont gravées dans nos mémoires. Pour l’horreur, certes, mais aussi, surtout, parce que leur effondrement n’a cessé d’être montré en boucle. En 2001, deux tours sont tombées, plus de 3000 personnes qui nous ressemblent sont mortes. Depuis le 11 septembre 2001, notre cerveau a enregistré 2876 tours qui sont tombées, et ainsi près de 9 000 000 morts. Encore dix ans comme ça et on aura l’impression que c’est la moitié de la population américaine qui est morte ce jour là...

Le dernier tsunami en océan Indien a fait 70 fois plus de morts que les événements du 11 septembre 2001. Qui se souvient de la date exacte? Pourtant, ça ne fait même pas un an… On se rappelle vaguement(!) le petit Suédois blond sans parents. Mais la population locale? C’est vrai... Ils sont loin, pauvres, bridés ou foncés ou noirs, et s’expriment en sons étranges. Il faut aussi dire qu’un avion dans une tour en feu, c’est pas mal plus spectaculaire qu’une grosse vague qui n'a l’air de rien et que des corps gonflés qui flottent. Les autres catastrophes ne nous émeuvent qu'éphémèrement. C’est ailleurs. C’est pas nous. On se souvient à peine de l’année du génocide rwandais. Pourquoi? Oserait-on avouer que c'est parce qu'ils sont noirs? Les charniers de Yougoslavie? L'oeuvre de Slaves colériques, sans émotions et, pire que tout, anciennement communistes. Quant aux bombes atomiques états-uniennes sur le Japon… Il y en a encore aujourd'hui pour dire sans honte qu'elles étaient nécessaires!

Aujourd’hui, en Afrique, des guerres déciment, entre autres, le Sierra Leone et la Côte d’Ivoire. Mais on préfère regarder défiler les femmes des pompiers morts parce qu’ils auraient pu être nos cousins.

J’accuse personne car c’est la faute de personne. Et pourtant... Le monde dans lequel on vit nous impose des empathies, des sympathies que j'oserais qualifier de racistes. On ne se souvient que de ce qu'on nous martèle dans le crâne à la télé. Si l’horreur d’ailleurs est rapidement oubliée, ou si la plupart d’entre nous ne sont touchés que les 80 secondes que durent les nouvelles internationales du bulletin de 22 heures, c’est sans doute qu’on a l’humanité sélective. Alors, vous m’excuserez sans doute d’être très, très peu touché par la tour et son anniversaire.

vendredi 9 septembre 2005

Attention, je vous écoute...

«Le contraire d' "achever" c'est "ébaucher"! Comme dans "une maison d'ébauche"...»
Chanèle Parent

jeudi 8 septembre 2005

Le Lit japonais

Texte écrit pour Coïtus Impromptus

Paul Tibbets était aux commandes d’un gros avion, un vrai, en fer, qui avançait imperceptiblement dans le ciel vers Kyoto. Les mains un peu crispées sur le manche à balai, Paul sifflait «Star Dust», la chanson préférée de sa mère. Il pensait à elle tous les jours, si bien qu’il avait donné le nom de sa mère à son avion.

À quelques lieux, une vieille dame s’est réveillée dans une joie enfantine; son fils venait la visiter ce jour-là, pour son anniversaire, comme il le faisait tous les ans. Il arriverait avec un léger retard, impolitesse qu’il ferait oublier par des fleurs qui ne poussaient pas dans cette région du sud du Japon. Il était si prévisible. Devant le grand miroir près de son lit, la vieille dame s’est appliquée à se refaire une beauté. Elle était heureuse; il faisait drôlement beau en ce matin d’août. Ils pourraient aller marcher ensemble au parc. Penchée sur son miroir, la vieille dame a mouillé ses doigts pour amadouer une mèche rebelle.

Dans les écouteurs de Paul, une voix venue de loin lui a annoncé qu’il faisait beau sur Hiroshima. Ce ne serait donc ni Kyoto, ni Kokura, ni Nigata. Une goutte de sueur a roulé sur sa joue droite. Puis, doucement, le nez de l’avion s’est dirigé un peu plus vers le sud, là où il y avait un trou dans les nuages. Paul a eu une brève pensée pour Little Boy, la bombe cachée dans la soute, mais il a vite repris le refrain de «Star Dust», il a vite imaginé le visage d’Enola, sa mère.

Il y a plusieurs leçons à tirer de ce matin du 6 août 1945. Entre autres que les nuages gris sont parfois un salut, qu'il y a des matins où ça ne sert à rien de se refaire une beauté, et que les fils à maman font souvent de bons meurtriers.

mercredi 7 septembre 2005

Chère, très chère Lady...

Je cherchais comment le dire. Et voilà que Lady Guy résume très bien ce que je pense de la situation. Alors je me tais et lui laisse la parole:

«Mon instinct grégaire s’anime au contact des drames collectifs. Je ne sais s’il s’alimente à l’ennui ou à l’impuissance…. Sauf que j’ai vu en Louisiane des Noirs mourir au Sud, pendant que des Blancs s’armaient au Nord, contre les survivants. On attaque Bush avec raison, mais un seul homme ne peut être responsable de cet échec; c’est la moralité même de cette société qui est au bord de la banqueroute. Voilà pourquoi Bush peut régner. Si bien des Américains se foutent de l’image que leur pays projette à l’étranger, je me demande comment ils se sentent aujourd’hui face à ce que Katrina leur révèle sur eux-mêmes. Céline peut bien pleurer…»

Bob Denver métaphorique

Même le plus illustre des Joyeux Naufragés vient de décéder.
Faut croire que les secours mettent beaucoup, beaucoup de temps à arriver...

Il serait fort probablement de mauvais goût de chanter tout haut la chanson thème en ces temps de crue. Il y a juste Céline qui peut. Alors, pour Gilligan, une dernière fois, on ch-ch-ch-cha-chante dans sa tête (hou, houou):

Il était un tout petit bateau
Sur l'eau du Pacifique
Dans un pays où il fait chaud
Sous le ciel des Tropiques.
A bord y'avait le matelot
Et le vieux capitaine
Cinq passagers partis sur l'eau
Pour trois heures à peine,
Pour trois heures à peine.

(Bruit de tonnerre!!!)

Soudain le vent se lève au large
Un orage imprévu
Sans le secours de l'équipage
Ils étaient perdus, ils étaient perdus.
Sur le bord d'une île inconnue
Ils se sont retrouvés
Y'a Gilligan, le capitaine (très court solo de piccolo)
Le millionnaire, son épouse (on étire le ouuuuuu!)
La jolie star, et leurs amis,
Sur l'île de Gilligan.

(ce couplet était chanté à la fin de l'émission)

Les voilà tous naufragés
Un peu mélancoliques
Jouant Robinson Crusoé
Sur le bord du Pacifique.
Le capitaine et son matelot,
Dépenseront pour eux,
Des trésors d'imaginations,
Pour les dérider un peu,
Pour les dérider un peu.

mardi 6 septembre 2005

Esprit de bottine

Droite, gauche, droite, gauche, garde le rythme, garde le souffle, garde surtout le doigt sur la détente. Droite, gauche, droite, gauche. Le pas au pas, les idées au pas, les intentions au pas. Devenir des machines, obéir aux ordres, ne pas pousser l’idée plus loin que celle du supérieur. Être comme cela parce qu’on nous loge, nous nourrit, nous paye. Le push up valorisateur, l’insulte renforçatrice, la retraite à trente-cinq ans comme motivateur. La retraite tôt si on est fin, si on n’est pas encore fou, si on n’a pas trop de plomb dans la tête. Droite, gauche, on n’appelle plus un chat un chat : l’aveuglement devient la discipline, la déficience devient l’obéissance, le cri devient une réponse, la pensée unique devient l’uniforme. Droite, gauche, on nous dit que nos obus sont faits pour défendre. Droite, gauche, nos muscles sont faits pour protéger. Droite, gauche, mais tout est taillé pour effrayer, maquillé pour être camouflé, outillé pour éclater avec le maximum de dégâts. Tellement que quand on nous demande d’aider une population inondée, noyée, affamée et apeurée, on arrive déguisés en arbres avec pour seul outil une mitraillette.

Et partout depuis toujours on mesure la grandeur d’une nation au bruit de ses bottes. Le pas est droite, gauche, droite, gauche, parce que c’est la loi de la nature, parce que l’équilibre l’exige. Mais l’esprit va droite, droite, droite, droite. Après on se surprend qu’il finisse invariablement par trébucher.

lundi 5 septembre 2005

Attention, je vous écoute...

«Des bas gris avec des barres rouges, ça garde frais l'été, et ça met chaud.»
Joseph Perreault

samedi 3 septembre 2005

Gravité

On finit par ne plus se croire
Les jours sont envie
Les nuits à contrejour
Les contraires se tirent
Sur monts, on rêve de vaux
Alors qu'en vallons, on rêve de haut.
À quel rien se nouer?
Le coeur ambivalence
Et les désirs sont désordre.

jeudi 1 septembre 2005

Mélissa métisse d'Ibiza...

J'ai repris le cours des jours collégiaux. Ainsi, dès lundi, 40 nouvelles têtes fraîchement sorties du moule secondaire m'attendaient, muettes et un peu anxieuses. J'arrive devant elles et exécute ma petite routine pour m'approprier le territoire: je fais mes petits tas de feuilles sur le bureau, place les crayons prêts à jeter l'encre, j'écris le menu du jour au tableau puis je sors ma montre de gousset et la pose près des crayons. 8h32. Déjà du retard. Pas le temps de pisser dans les coins. Je m'appuie les fesses sur le bureau, regarde quelques secondes les 79 yeux (il y avait un toupet un peu long, là, juste devant) puis je dis bonjour. Il ne me faut surtout pas penser que je suis leur premier contact concret avec le cégep, le premier visage, car c'est sûr, je rougis. Mais juste de penser que je pourrais rougir, je rougis. La connerie. Alors vivement, je fais diversion, je les fais rire un peu en citant Mozart au tableau: «C'est le diable qui a inventé la langue française.» Ça a détendu l'atmosphère un brin, mais un tout petit brin; les cours de français n'ont visiblement pas bonne réputation...

Après la revue du plan de cours, je me risque à faire l'appel. Je dis «risque» car il est quasi révolu le temps des Smith, Roy et autres Tremblay de l'ouest montréalais. J'essaie quand même de faire cool et tente de prononcer les noms sans trop d'hésitation. Je plonge: Nathali Aastromaghadojddian. «Présente», fait la jolie brunette de la deuxième rangée. Bon, je me suis presque pas enfargé. Au suivant: Sacha Bishop. «Présent», fait le garçon au fond. Un garçon?! Sacha! Après ma surprise, je me rappelle Sacha Distel. J'ai presqu'envie de chanter: M.Cannibale, tututuuutu... Mais je me ressaisis à temps. Sara Clayton. «Présent». Merde! Un complot: un garçon aussi!! Sara!! Le nom suivant est Marie-Pierre Damoiseau, on ne me fera pas croire que c'est un gars aussi! J'appelle. «Pwezenntt». Peurdon? L'énergumène renchérit: S'il-te-pléé Monsieur, nomme-moi Mary. Misère... Next: Marc-Antoine Desnoyers. «Présent 'stie» a dit le clown, la main levée. Alors là, ça c'était en québécois! Mais en regardant bien au bout du bras tendu, je constate que Marc-Antoine a les yeux bridés et des cheveux noirs et indépeignables pur Chine!...

Et ça a été comme ça jusqu'à la fin: pas un nom annonçait la personne à laquelle je m'attendais. Mélissa Leblanc était noire, Steve Won était blond et vert, et Chunguh-Wi Wong voulait que je l'appelle Marty, ou Guwi, mais il préférait Marty. À la fin de l'appel, j'étais passablement fatigué... Je crois qu'au prochain cours, je serai encore un peu mêlé. Mais bon, eux aussi le sont.

Fruit défendu

(Histoire vraie)
Alors que sa mère lui disait pour la ixième fois de ne pas mettre ses doigts dans sa vulve en public, la petite Lily-Rose, trois ans, répondit:
- Maman, mais 'y a un petit noyau!

mardi 30 août 2005

Attention, je vous écoute...

«J'ai dit: "Je me suis fait poser un bateau". C'est un mélange entre "poser un lapin" et "se faire mettre en bateau"...»
Catherine Voyer-Léger

Attention, je vous écoute...

«Tout allait bien jusqu'à ce que ça aille mal.»
Simon Tanguay

Souvenir balsamique



Trace de civilisation en forêt...
(preuve que je disais vrai le 26 juillet dernier)

dimanche 28 août 2005

Six mois

texte (ici retouché!) écrit pour le collectif Coïtus Impromptus


À ces moments-là, je devenais un automate, un horizon saskatchewanais, un élève qui récite une fable trop bien apprise devant ses grands-parents à Noël. Je n’ajoutais pas d’émotions, je savais le récit capable de communiquer les siennes sans mon aide. Mais j’étais un piètre acteur, et l’histoire d'aujourd'hui particulièrement mauvaise. Il me fallait admettre que mon cabinet de médecin était parfois une scène inconfortable. En m’écoutant, madame Chartrand ne pleurait pas. Elle a seulement dit sans trop y croire qu’il devait y avoir erreur, que c’était impossible. Pour toute réponse, j’ai regardé mon pouce droit qui massait la paume de ma main gauche.

Devant ses déchirantes suppliques, j'ai menti et j'en ai un peu plus mis que ce que l'auteur avait écrit. Six mois. Je lui ai promis qu’elle verrait fondre la neige, qu'elle humerait une dernière fois les fleurs de son lilas. Après le silence, on a parlé, beaucoup de ses enfants, un peu de la vie qui lui restait, puis on s’est donné un autre rendez-vous. Avant de fermer la porte capitonnée derrière elle, livide, madame Chartrand m’a remercié pour tout le temps que je lui avais accordé. Je n’ai rien ajouté. J'ai tiré les rideaux. Dehors, c’était déjà novembre.

vendredi 26 août 2005

Langue de bois = écharde dans le cul

Vous enviez la langue de John Charest? Allez, je vous donne les moyens d'en faire de même! Gratos!

Mode d'emploi:
Il suffit de prendre successivement, au hasard, un bout de phrase du bloc 1, puis un du bloc 2, puis un du 3 et un du 4. Prononcez avec conviction. Vous recommencez le manège autant de fois que nécessaire (ou jusqu'à ce que vos auditeurs s'endorment).

Bloc 1
-Mesdames, messieurs, Québécoises, Québécois
-N'oublions pas toutefois que
-De cette façon
-La pratique quotidienne prouve que
-Nul besoin de souligner l'importance de ces problèmes car
-Le souci de l'organisation alimenté par

Bloc 2
-la réalisation des programmes que nous avons adoptés
-l'accroissement constant de la qualité et du nombre de nos activités
-la structure actuelle de notre organisation
-notre souci constant d'information et de transparence
-le renforcement et l'extension de nos structures
-la consultation de large groupe de réflexion
-le lancement d'une campagne longuement mûrie

Bloc 3
-nous oblige à analyser
-joue un rôle important pour fixer
-aide dans une large mesure à instaurer
-constitue une tentative intéressante pour tester
-inaugure un processus destiné a perfectionner
-nous incite à préparer et à forger
-contribue de manière significative à établir

Bloc 4
-les conditions administratives et financières optimales.
-les axes d'un développement futur.
-les fondements d'un système de participation générale.
-de nouvelles propositions claires et constructives.
-un système de formation mieux adapté à vos besoins.
-un modèle de développement original.
-les conditions favorables au développement de nos activités.

Terminez le tout avec un "Merci!" bien senti et partez d'un pas décidé dans un corridor mal éclairé accompagné d'une jeune femme en tailleur qui tient des cartables. Je vous jure, ça en jette.

Allez, bon discours!

(Adaptation bien perso d'un article de C.Péraldi, L'Entreprise, no 118, 1995)

jeudi 25 août 2005

A mon grand déprimant

Lent retour au travail. Allo! Pis? T'as passé un bel été? T'as vu, ils ont refait les planchers? T'aurais pas maigri, toi (ou un autre mensonge au choix)? Et bla bla bla j'ai pas fait tout ceci, pis mon chat a fait cela, pis mon fils a gagné ci, pis mon couple a perdu ça,... Vous connaissez le topo. Tout le monde il est fin, tout le monde il est gentil bicoz reposé, bicoz encore du soleil plein les dents, bicoz obligé sinon ce serait toujours la bande de gazon partout.

Après deux jours de ce régime, je réussis à fermer ma porte de bureau et je me replie sur deux sessions de travaux qu'il me faut garder un an, au cas où. En plus de dix ans de prêchage, deux étudiants sont venus chercher leur travail d'une session précédente. Le premier est venu après que, par mégarde, le concierge eut pris tous les travaux pour le recyclage. Il faut dire que comme je n'avais pas de boîte sous la main, j'avais eu la brillante idée de classer les travaux de cette session dans un bac à recyclage... Menfin. Le deuxième, trois ans plus tard, m'avait un peu surpris par sa demande, alors je lui avais dit de revenir le lendemain, le temps que je fouille dans les catacombes. Il n'est jamais revenu. Mais je persiste à garder les travaux un an, des fois que.

Tout ça pour dire que dans mon grand ménage automnal, je suis tombé sur deux phrases d'étudiants que j'avais gardées parce qu'elles sont drôlement jolies:

«A son grand déprimant, Charles doit souvent utiliser les transports en commun.»

«Une étoile braillante apparaît dans le ciel.»

Ainsi, au déprimant de l'humanité, le soleil devrait arrêter de brailler dans quelques milliards d'années.

**

Parlant de mes cours, je cherche un court recueil de nouvelles pour mes étudiants. Des suggestions?

lundi 22 août 2005

Tire la chevillette et la bobinette cherra.

Les danseuses hawaïennes portent des jupes de paille, les danseuses tunisiennes se vêtent de moult médaillons dorés et de tissus transparents, les japonaises sont nues, tandis que les irlandaises portent des soutien-gorges en paillettes aux couleurs des USA et dansent sur Broadway. Chaque culture son costume. Pour leur part, les danseuses Khmers sont vêtues de costumes cousus alors qu'elles les portent. Pas de boutons, pas de fermeture éclair, pas de bande velcro. Une seconde peau. Pourtant on peut les enlever sans les déchirer; il suffit de trouver un fil particulier, unique, sur lequel on tire et hop, le costume tombe.

Je ne peux m'empêcher d'admirer cette culture qui a su, dans une jolie poésie, allier art et sac de nourriture pour chiens.

Mais il vous faut avouer, gentes dames, qu'un costume de ce genre équipé d'une languette rouge à la Vache qui rit lasserait les plus éméchés et autres malhabiles, et éviterait ainsi bien des déceptions!

jeudi 18 août 2005

Madeleine

Texte écrit pour le colectivo Coïtus Impromptus

Ce matin, Madeleine s’est enchaînée à la tuyauterie du sous-sol pour ensuite avaler la clé. À la grosseur de la chaîne, ils devraient couper le tuyau au chalumeau. Ils, c’étaient les soldats de son pays, ceux qui jusqu’ici étaient des alliés, des amis, des frères. Ces traîtres viendraient ce soir ou demain l’expulser de sa maison comme on arrache un enfant en pleurs au cadavre de sa mère. Partout dans les journaux, on parlait d’évacuation, terme qu’on réserve habituellement aux eaux usées et aux victimes d’une tempête, d’une inondation, d’une soudaine crue. Sauf que cette crue était celle du bon sens, et que c’était un peuple qui inondait.

Madeleine ne comprenait rien. Comment pouvait-on passer de victime à bourreau en vivant simplement dans une maison? C’était Ariel lui-même qui lui en avait donné les clés. Et Ismaël, l’autrefois bel idéaliste Ismaël, le maintenant austère et hostile Ismaël, de lui demander en écumant où il était aujourd’hui, son Ariel? Madeleine est parvenu à l’apaiser en lui promettant qu’elle et lui seraient les derniers à partir de la colonie, ceux qui appuyeraient sur l’interrupteur.

Ce soir, les soldats sont venus, tranquilles. Ils ont parlé à Madeleine, doucement, comme on parle à une vieille tante affaiblie sur son lit d’hôpital. Madeleine pleurait alors qu’Ismaël lançait des points d’interrogation acides comme d’autres avaient jadis lancé des pierres.

Les soldats n’ont pas eu à découper les tuyaux, ils savaient où la chaîne avait sa faiblesse. Madeleine et Ismaël sont sortis debouts, dignes, déchus. Sur le pas de la porte, Madeleine s’est arrêtée pour regarder une dernière fois sa maison. Au moment de quitter les lieux pour de bon, dans un dernier sanglot, elle a appuyé sur l’interrupteur.

Et la lumière s’est allumée.

mercredi 17 août 2005

Hum...

Pourquoi il y a un verbe qui signifie «dire un mensonge» mais aucun qui signifie «dire la vérité»?

lundi 15 août 2005

Ha! Cours de blogueurs...

C'est la rentrée, lalalèreuu! Ce qui signifie qu'en plus des aubaines impossibles-au-secours-j'me-peux-plus sur les vêtements dernier cri (Haaa!) , les calculettes et les Toyota, je recommence le boulot.

Cette session, je joins l'utile à l'agréable: je donne un cours ayant pour thème «les blogues» et pour titre un jeu de mots vaseux du genre «Blogues à part» (Mal de blogue étant déjà utilisé par chose là, voyons, me rappelle plus de son nom... l'ange à la voix d'or... Ça va me revenir...)

Alors donc, je suis à la recherche de blogueurs prêts à ce que leur carnet internet soit l'objet d'un travail de la part d'un(e) étudiant(e) de niveau collégial. Tous les types de blogues sont acceptés (journal, création, poésie, etc.) et les blogueurs de partout sont les bienvenus.

Je ne demande qu'une chose: que ces blogues soient écrits principalement en français (bicoz cours de french) et que les blogueurs soient prêts à ce qu'un(e) étudiant(e) les contacte une ou deux fois par courriel au cours de la session pour obtenir quelques infos du genre Pourquoi ils bloguent? Ce qu'ils pensent des blogues? Pile ou face? et d'autres trucs du même acabit. Bien sûr, cette correspondance se fera exclusivement en français, même si quelques un(e)s de mes étudiant(e)s sont anglophones ou allophones.

Ça vous intéresse? Envoyez-moi l'adresse de votre blogue et votre adresse courriel à
d.rondeau@johnabbott.qc.ca
Une brève description de votre blogue et de vous-même (l'auteur) serait très appréciée, mais n'est pas obligatoire. Ça m'aiderait lors de la présentation des blogues en classe.

Je ne garantis pas que votre blogue sera choisi par un étudiant mais s'il l'est, je vous ferai signe!
J'espère avoir de vos nouvelles très bientôt!

samedi 13 août 2005

Renommée secondaire

Je pensais qu'il me faudrait bien un jour me trouver un pseudonyme puisque Daniel Rondeau est déjà un nom d'écrivain connu. C'était avant de voir que cette homonymie me permettrait peut-être de faire quelques sous...

La semaine dernière, j'ai reçu une lettre d'une agence française, l'agence Laforêt immobilier (avec un arbre dans le o, pour faire joli et montrer qu'ils ont de la suite dans les idées). Je l'ouvre, paré à recevoir une offre de condo à temps partagé près d'une autoroute dernier cri, ou une annonce de terrains boisés qui n'attendent que mes 50000$ pour se faire épiler au bulldozer. Que nenni. Cette gentille agence voulait s'occuper de la vente de ma résidence secondaire (celle de Daniel Rondeau) située à Saint-Georges-de-Montaigu, en Vendée, France (vous connaissez? Le petit pays d'Europe, là, où ils parlent avec un drôle d'accent, et où tout le monde piaille en même temps lors des émissions de télé...) Super! que je me dis. Seul hic au tableau: je suis aussi bon prospect à l'investissement immobilier que candidat à American Idol. Le bien le plus précieux que je possède est une table en bois style Louis-de-Funès et quatre chaises bâties du même bois d'arbre. Il me reste encore 248 paiements faciles et mensuels de 2,54$ à faire sur ma télé, c'est vous dire à quel point je suis loin d'une résidence secondaire outre-mer.

Alors que faire? Je pense sérieusement charger l'agence Laforêt, qui déjà par son erreur prouve toute l'attention qu'elle met dans ses transactions, de vendre le bien de Daniel Rondeau (donc le mien, hep!) et de déposer le fruit de la vente dans un compte aux Bahamas.
À moins que je garde ma résidence secondaire... C'est beau, la Vendée?

Dire que mes parents ont pensé m'appeler Bill Gates...

mercredi 10 août 2005

Retours

Bon, de retour. Encore une fois. Je passe mon temps à revenir. Toujours du bois, mais hyper civilisé cette fois: massage, bain tourbillon, piscine avec jets super puissants contre lesquels on peut nager pendant des heures sans avancer d'un iota (c'est ça le progrès: il va tellement vite qu'on nage comme des cons juste pour pouvoir faire du surplace!), souper soixante-douze services avec de la glace à saveur de fruits impossibles avant le met principal, plein de fourchettes, une serviette sur les genoux, des serveurs qui maîtrisent le vouvoiement sans mâcher de gomme, des clients avec un nombre impair et pluriel de mentons, et tout et tout. Grosse misère. J'ai pas roté, Dame V. était fière de moi. Pour finir la torture, aujourd'hui, deux heures de cheval. Ce qui fait que j'écrirai pas longtemps, j'ai le cul qui gémit juste à être assis et mes mains sentent l'étalon.
Mais demain, je reviendrai.

jeudi 4 août 2005

Michaëlle et les ratons

De retour! Une semaine de lac, de chevreuils qui se foutent de nous et de nos routes, de ratons laveurs qui savent ouvrir des glacières Coleman Xtreme (j’invente rien: Xtreme la glacière!), de canards qui protègent jalousement des canetons hasardeux, d’orages aussi forts que brefs (l’orage étant au camping ce que l’indigestion aux moules est aux forfaits cubains tout-inclus: possible et fort probable), de «campeurs» qui mettent la musique à fond dans leur 4X4 le temps de monter leur tente, de familles qui jugent essentiel que tous leurs membres soient en contact constant par walkies-talkies de seize kilomètres de portée, preuve que l’évolution n’épargne personne, même reculé de plusieurs kilomètres dans les bois.

Pendant notre absence, Tom Cruise a partagé ses réflexions sur la psychiatrie, et La Presse et RDI se sont fait berner lors d’une ligne ouverte par le témoignage d’une fausse victime de l’écrasement de l’avion d’Air France à Toronto. Il suffit d’une caméra, d’un micro pour devenir une source fiable. À quoi bon les chercheurs universitaires quand on a des acteurs américains? À quoi bon vérifier nos sources avant de publier un article à la une d’un grand quotidien si la source elle-même a pris la peine d’appeler en direct à la télé?

Même en politique, l’homme moderne est comme un Amérindien pré-colombien devant les reflets brillants d’un miroir: le maire de Montréal rêve des jeux olympiques de 2016, et on se pâme pour Michaëlle Jean qui deviendra gouverneure-générale. À la une partout! Youhou!? On perdra une excellente journaliste pour la transformer en représentante de la reine d’Angleterre, en symbole de notre colonisation, en porte-parole publicitaire onéreuse (elle voyagera beaucoup et pas en classe économique, la GG) de notre beau et grand et plus meilleur que toutt pays. Qui pour se révolter? J’attends, mais j’ai peur de n’entendre que l’écho de ma voix. Tout ce chemin depuis l’amibe…

Restent les chevreuils qui traversent notre route en trois petits sauts et les ratons qui ouvrent nos glacières pendant qu’on se regarde dans le miroir du colon. Être eux, je ne me gênerais pas.

mardi 26 juillet 2005

Gueule des bois

Bon, je vous laisse. Une semaine. Question d'aller écouter mon acouphène dans le bois.
À voir la glacière 890 litres, la valise(!) de Dame V. et la bouteille de vinaigre balsamique qui fut l'élément prioritaire dans la boîte de denrées, j'ai le camping de moins en moins sauvage et le cul de plus en plus douillet.
J'espère juste que le feu de camp s'allume et s'éteint en tapant des mains...
Au revoir, civilisation!

Aphorisme

Il y va de l'amour comme des chansons autour du feu:
on peut les siffler, mais les femmes préféreront toujours celui qui connaît les paroles.

lundi 25 juillet 2005

Faire partie de la salade

Vendredi, Dame V et moi étions invités à une grande fête d’été chez les Vigneault. Une grande fête avec beaucoup de monde, beaucoup de salades, beaucoup de saucisses, beaucoup de vin. Notre salade de melon d’eau, feta et basilic remporta un vif succès. J’avais l’air d’un grand chef alors que je n’avais que coupé du melon en cubes, inégaux de surcroît.

Alison, l’hôtesse de la soirée, rayonnait. Loin d’être dépassée par l’ampleur de l’évènement, elle semblait flotter d’un invité à l’autre, un bon mot à mettre dans l’oreille de tout un chacun. Laurélie, la fille d’une amie, du haut de ses deux ans, remporta un vif succès avec son imitation d’Elvis (les jambes écartées, des fusils invisibles au bout des mains: Yeah!) et sa lancinante mais ô combien attachante interprétation de Saaaaasssss-kaaat-cheeee-waaaaaannnnn des Trois Accords. La soirée a tranquillement coulé jusqu’à la petite scène extérieure emménagée pour l’occasion, où s’étaient réunis les Charbonniers de l'enfer, Michel Faubert, Michel Rivard, Gilles Vigneault et sa fille Jessica pour un petit jam improvisé. Laurélie sautait en rond et faisait des culbutes sous les lanternes colorées alors que je restais en retrait à admirer le spectacle, trop conscient d’être le spectateur privilégié d’une soirée unique, me contentant d’humecter de bière ma bouche béate quand elle se faisait trop sèche.

En regardant avec amusement Laurélie danser et se répandre en éclats de rire sur le plancher de bois, j’ai compris que tout se beau monde ne donnait pas un spectacle mais qu’il jouait simplement, que nous faisions aussi partie du spectacle et qu'on avait qu'à faire un pas pour entrer dans le défilé. J’ai invité à danser une Dame V trop surprise pour refuser, et le temps de quelques notes, Rivard, Vigneault, Faubert et les autres ont joué pour nous.

Sur le chemin du retour, alors que Laurélie, sa mère et Dame V roupillaient ferme sur la banquette arrière, Joseph et moi nous sommes parlé de la vie qui défilait devant nos yeux. En fait non; nous nous sommes parlé, point. La vie, on en faisait partie.

jeudi 21 juillet 2005

Alice au pays des miroirs

Pour le collectif Coïtus impromptus


Alice
ne sort plus. Trop d’humains à l’extérieur. Trop de gens qu’elle ne connaît plus, dans lesquels elle ne se reconnaît pas. Sauf pour le nez de la boulangère, les yeux tristes de la caissière de l’épicerie, le timbre de voix de sa voisine, les silences de sa mère, le pas de cette passante, les pleurs de cette enfant. Elle ne se reconnaît pas dans cette faune, si ce n’est qu’en kaléidoscope, en morceaux pointus et acérés. Alice en morceaux la coupant du monde, que les médecins tentent de souder à coups de dragées colorées. Pour qu’elle comprenne que les miroirs reflètent la lumière, créent des illusions de grandeur, permettent de se faire belle sans se répandre partout. Et que sept ans de malheur, c’est long, mais ce n’est pas une vie.

mardi 19 juillet 2005

La Création

Le premier jour, je créai la ciel et la terre et vis que cela était bon. Le deuxième, je décidai de l'intention et vis que cela avait b'en de l'allure itou. Le troisième jour, j'y plaçai des gens et constatai qu'ils étaient des marionnettes idiotes que je pouvais manipuler comme bon me semblait. Depuis lors, je tue des gens, je les ranime, je leur fais traverser des océans, je leur fais tordre le cou de chatons, je leur dis quoi dire, je les rends sympathiques, parfois beaucoup moins. Ils m’obéissent au doigt et à l’oeil. Pas de «Jean dit…». Même mère nature m’obéit. Une tempête? Pouf! La voilà. JE SUIS DIEU!!

Le roman est parti. L’inspiration est soudainement venue au logis. Il fait canicule et je m’en fous: je décide si un tel apporte quelque chose à mon histoire, s’il a le droit d’exister!
Repentez-vous avant mon déluge! Ha! Ha! Haaaaaa!

Ma
is pour l’instant, dieu doit faire du lavage…

vendredi 15 juillet 2005

À quel âge le vent tourne-t-il?

Agir à 10 ans comme si on en avait 20 est asocial...
Agir à 20 ans comme si on en avait 20 va de soi.
Agir à 30 ans comme si on en avait 20 est louche...
Agir à 40 ans comme si on en avait 20 est immature...
Agir à 50 ans comme si on en avait 20 est ridicule...
Agir à 60 ans comme si on en avait 20 est pathétique...
Mais agir à 80 ans comme si on en avait 20 est louable!

jeudi 14 juillet 2005

Constats à l'amiable

Un jour, on se rend compte qu'ils auront beau inventer six cents saveurs de bars de chocolat, la meilleure restera l'originale; que notre première voiture aussi rouillée et peu fiable qu'elle pût être, restera celle dans laquelle on était le mieux; que les jeunes d'aujourd'hui se foutent de 1985 comme on se foutait de 1960; que parler comme un ado nous donne des airs d'attardés émotifs, qu'on fait des enfants pour nous remplacer, que courir jusqu'au dépanneur nous coupe le souffle bien avant d'y être rendu, qu'un étranger qui ne nous vouvoie pas est impoli, que l'arbre qu'on a planté prendra trente ans à nous faire de l'ombre, et que le jour où il nous en fera, on se souciera des dommages aux fondations de notre maison causés par les racines; que la fille moche du secondaire dont on a un jour repoussé les avances est devenue belle et riche et drôle, et fiancée et heureuse; que dans les pubs de voitures de luxe pour vieux mon'onc's, ils font jouer des chansons de notre adolescence; que le bonheur rend beau alors qu'on a longtemps cru que la beauté rendait heureux; que le café empêche vraiment de dormir; que le petit nouveau du bureau pourrait être notre fils; que les filles qui nous regardaient ne nous voient plus et que celles qui ne nous voyaient pas nous regardent; qu'il y a des boutons sur la télécommande de la télé qu'on n'utilisera jamais; qu'assumer ses travers les rend sympathiques; qu'on a les mêmes manies que nos parents, même si elles nous ont tant tapé sur les nerfs; qu'on ronfle; que ce qu'on n'a jamais osé faire n'était pas si difficile que ça finalement; que pour parler aux autres, il suffit de leur dire bonjour; qu'à notre âge, les sportifs professionnels sont à la retraite; que le film fétiche de nos vingt ans est franchement mauvais; que confier un anneau vital pour toute l'humanité à un nabot ingénu est ridicule; qu'on mourra sans avoir tout fait, tout vu, tout entendu; que l'an 2000 était hier et hier, il y a cent ans; que si la vie avait un sens, on souhaiterait qu'elle n'en ait pas.

Un jour on se rend compte de tout cela et on sourit. Ce jour là, on mérite une bonne bière fraîche.

Ou un café, selon l'heure du constat.