jeudi 8 décembre 2005

En Marge

Ils étaient une dizaine habillés en noir des pieds à la tête, celle-ci parfois coiffée d’un Fedora noir. Ça fumait des petits bouts de cigarettes qu’ils tenaient entre l’auriculaire et l’annulaire, la main à hauteur du nombril, la paume vers le ciel. Il y en avait un ou deux à qui j’aurais aimé parler dans le groupe, mais je ne fais pas partie de la sphère des poètes, des marginaux, des vrais. L’exclus aime l’exclusion, la provoque et l’entretient. La sienne et celle des autres. Car fort du poids de son groupe, le marginal crée sa norme et rejette ceux qui n’y correspondent pas. Rien de pire que le marginal grégaire. À les regarder, j’ai toujours cet étrange sentiment qu'on a devant un lac en octobre, qui oscille entre l’envie d'y nager et la joie de ne pas y tremper. Parce qu’il me faudrait toujours exhiber une douleur de vivre comme un Rockabilly expose ses tatous, parce qu’il faudrait que je devienne caractériel, parce qu’il faudrait que j’arrête de parler à trop de gens que j’aime pour être un vrai.

Pendant que je buvais ma bière avec des amis, eux, ils discutaient du dernier recueil de poésie de Jean-Philippe Bergeron, Débris des ruches. Enfin, j'ai supposé. Le livre semblait triste car ça ne riait pas beaucoup dans leurs rangs. Pendant que le groupe se serrait comme un troupeau de pingouins à 50 sous zéro, Bergeron m’a autographié son recueil que je souhaite aussi bon que le premier. Si c’est le cas, je suis mûr pour une retraite fermée de quelques semaines chez les moines. Qu’on ne se méprenne pas, c’est positif.

Puis le groupe s'est étiolé, tout le monde est parti, moi y compris. Je n’ai parlé à personne habillé en noir ce soir là. Un jour, je leur dirai qu’ils ont l'air chiants et imbus d’eux-mêmes. Dans le même élan, je leur dirai aussi de ne pas changer.

3 commentaires:

  1. Pas de ma faute si les couleurs ne me vont pas bien!

    ***

    J'ai pas d'argent pour m'acheter du nouveau linge.

    ***

    Ah pis j'y pense, je n'étais même pas à cette soirée!

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  2. Quand même, Patrick, n'oublie pas qu'on te nargue TOUJOURS ; que tu sois là ou non... quoique... non mais ici c'est moi qu'on nargue!La "narguée" était en noir, snif, snif.

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  3. J'aurais voulu être là, Véro. Pour te voir en noir (moulant?)...

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