mardi 25 janvier 2005

Aphorisme

On prend plaisir mais on se donne la peine. Pas le contraire.
On est de généreux masochistes.

Mémoire morte

Ça y est.
Depuis des années, je me dis que je devrais me faire des copies de sécurité de mes fichiers. Tout d'un coup. Mais je remets tout cela à demain, toujours. Et demain, c'est inévitablement un autre jour, jamais aujourd'hui.
Et voilà que mon ordinateur décide de s'éteindre. Sans me prévenir. Il est mort comme le boucher de l'annonce publicitaire, sans avoir le temps de me livrer le secret du bon goût de sa saucisse...
Je me suis tapé une dépression de deux jours.
Voilà, j'ai beau jeu maintenant. Je peux prétendre qu'il y avait n'importe quoi sur ce disque dur, et personne ne pourra dire que ce n'est pas vrai.
Vous n'avez pas idée du roman phare de la littérature contemporaine qui a été effacé...

mercredi 19 janvier 2005

Écrits, famille et pseudonyme

Depuis quelques années, j'empile des nouvelles dans le but d'en faire un feu. Comme je n’ai jamais eu de foyer, l’idée a germé d’en faire un recueil. Mais je suis père-poule et je ne laisse pas aller mes petits loin du nid sans savoir exactement où ils sont. Ainsi, mes nouvelles ont vieilli à la maison, sous les plumes de papa, et j'ai maintenant la désagréable impression d'avoir engendré de multiples vieux garçons tant mes écrits sentent le renfermé.
Le blogue aidant, je me suis botté le derrière et j’ai décidé de les pousser hors du nid, en espérant qu’une maison d’éditions veuille bien les épouser. Mais pas sans un dernier coup de fer à repasser...
J’ai commencé à faire un premier élagage; dehors les textes mal embouchés, les phénomènes de foire et les provocateurs inarticulés. Cependant, je suis leur père, et je trouve de la beauté partout, même chez le petit dernier qui louche sans bon sens... Alors je dois confier la tâche à quelqu’un d’extérieur (j’ai fait le tour des quelqu’uns d’intérieur), en espérant que cette personne ne soit pas trop dure et qu’elle me laisse 2 ou 3 nouvelles à présenter à des maisons d’éditions. Parfois, je trouve que j’ai vraiment trop besoin des claques dans mon dos...
Merci Guillaume.

***

D’ici là, j’ai besoin d’un pseudonyme. Daniel Rondeau est un écrivain et journaliste qui a maintes fois publié. Je ne peux donc pas être Daniel Rondeau (ouf! je vais en psychothérapie et je vous reviens...) Le nom de ma mère est Hébert, ce qui pourrait donner Daniel H. Rondeau, mais j’ai peur d’avoir l’air du 6e RBO...
Alors, la question n'est pas qui suis-je? mais bien Qui serai-je?
Des suggestions quelqu’un?

Aphorisme

Un échec, c'est une tentative qui n'a pas eu de chance.

vendredi 14 janvier 2005

Un Coeur qui bat en retraite

Derrière un air de rien, il m’a regardé. Il m’a rasé la poitrine pour y greffer des ventouses. J’avais l’air important, complexe. Puis il m’a donné une blouse blanche, puis rendez-vous dans la salle d’examen. J’ai fait quelques pas avec ma blouse fendue, le temps de retrouver mon humilité. Couché sur du papier, j’ai pu voir mon coeur comme on voit les foetus, en ne comprenant rien aux images de sonde de fonds océaniques.
Ensuite je l’ai vu, je l’ai entendu. 2 valves faisaient mal un boulot pourtant simple; ferme, ouvre ferme, ouvre... Il ne faut pas la tête à Papineau. Elles persistaient tout de même à fermer n’importe comment, les connes. J’avais le coeur qui fuyait, qui ne filait pas trop, à l’anglaise. Un coeur fuyant. Ça fait réfléchir...
Mon cardiologue m’a souligné que ce n’était pas encore la panne, qu’il avait vu des athlètes courir avec des fuites du genre. J’ai failli lui dire que j’avais vu des gars courir pas mal vite avec des ours collés au cul, mais j’ai fait comme si ça me rassurait. Et bon, fallait revenir l’an prochain. Parce que, tsé...
J’y suis retourné quelques fois. Puis j’ai oublié. La mémoire, comme le coeur et les déserteurs, fuit aussi.
Depuis, je nage, je cours, je fuis la fuite. Et mon cardio a fait une crise cardiaque. C’est ben pour dire.

mercredi 12 janvier 2005

Aphorisme

Je n'ai jamais été chanceux. Même lors de concours de circonstances, ma circonstance arrive deuxième.

mardi 11 janvier 2005

Les Chiffres d'une pêche

Lundi, 9h30. -10 degrés. 1 lac gelé. D’un côté du lac, le Québec. De l’autre, l’Ontario. Sur le lac, 1 cabane grise. 4 voitures. La magie de rouler avec des tonnes de tôle sur de l’eau gelée. 20 trous. 20 brimbales. Mais surtout, 10 gars. 1 chien. 1 vent fort. Des bourrasques. De la poudrerie. 10 centimètres de neige sur 60 centimètres de glace. 2 mains bleues dans des chaudières d’eau glacée. 288 ménés éperonnés par 20 hameçons rouillés. De l’horizon. L’attente. Du temps. 20 brimbales immobiles. Point à la ligne.

Du bois dans le poêle. Du café, du bouillon puis déjà de la bière. 1 chaise d’été devant 1 trou dans la glace. 1 écuelle trouée pour enlever la glace à la surface du trou. 10 citadins attendant la perchaude ou mieux, du doré. Puis 8. Puis 5. Au bout d’une heure, 1 gars restait dehors. Et même là, pas toujours. Les autres dans la cabane surchauffée. Des sandwiches. Des cigarettes, 2 paquets achetés à 4 Amérindiens du village à côté. 627 questions de Quelques arpents de pièges. 1 guitare. 4 chansons. 157 jokes plates. 12 jokes très drôles. Toujours du vent. Toujours de la poudrerie. Toujours le même paysage. Toujours cette même beauté.

17h. 1 soleil parti en Ontario. 3 voitures prises dans 30 centimètres de neige sur 60 centimètres de glace. Pourtant il n'a pas neigé. Parfois la neige s'accumule sans tomber. Seule le 4X4 roule comme dans une publicité de 4X4. 9 gars poussent. 1 tracteur passe pour faire un chemin. 1 scène un peu surréaliste. 10 gars qui reviennent en ville. Je crois que j’ai dormi 5 minutes sur l’autoroute 15. 1 bar. 1 dernière bière. 1 appartement. 1 blonde. 1 lit. 1 grand sourire.

J’oubliais: près de 8 h de pêche, 2 poissons. 2 perchaudes. Bout à bout, près de 20 centimètres.
Mais rendus là, j’en demandais pas tant.

samedi 8 janvier 2005

Pour les ceuses et ceux qui veulent laisser un écho sans s'inscrire à Blogger, cliquez sur écho(s), puis sur post a comment, puis sur Or Post Anonymously (sous le bouton Sign In - ne cliquez pas sur Sign In!), sans inscrire de nom dans les cases blanches. Ça devrait marcher. Signez alors votre message!

Psycho-poético linguistique

Les vacances se terminent et mon âme de professeur de langues et de linguiste retrouve ses esprits après une courte hibernation. Alors, premiers étirements...

On n'a peu idée de la façon que la langue sculpte notre imaginaire. Dans plusieurs langues, les objets se distinguent par leur genre, ce qui entraîne inévitablement une forme de poésie animiste. Dans d'autres langues - tel le montagnais -, ces mêmes objets sont animés ou inanimés. Derrière son apparente logique, la fraise y est animée, mais pas la framboise... En anglais, tout est neutre. Alors quand on emprunte un mot anglais, on le travestit selon des standards plutôt obscurs; on a mis une robe au mot job au Québec, mais une moustache en France...

Parfois, la langue sculpte notre imaginaire par les mots qu'elle met à notre disposition. Il y a alors des distinctions de temporalité ou d'intensité intégrées aux mots. L'espagnol distingue deux verbes être; un temporaire (estar) et un permanent (ser). En anglais, on peu aimer un peu (to like) ou aimer tout court (to love to court). En français, il n'y a pas de mot pour aimer un peu. Si on aime, on aime!

Mais il serait parfois pratique d'avoir un verbe aimer permanent et un temporaire. Ce serait parfois impoli, mais on économiserait une fortune en coeurs brisés et en psy.

samedi 1 janvier 2005

Il fera beau

On a d’abord dit le mot tsunami. On a ensuite raconté la mer qui se retire, puis la vague, ce mur qui ravage tout. Puis le retrait, puis un autre mur, comme une lente respiration. Puis des morts qu’on dénombre à chaque jour dans les journaux, en épelant le chiffre à l’envers, comme à toutes les 15 minutes dans un téléthon. 0 - 0 - 0 - 5 et... raraaaaaaaa 9!! 95000!! Lors de grandes catastrophes, les gens savent mourir au millier près.

Puis on a vu les images. Décevantes. Il faisait beau, pas de vent pas de terre qui bougeait. Puis la vague est arrivée. Ça, un mur? Depuis mon sofa, il me semblait que j’avais vu pire à Tadoussac, entre 2 bélugas. Mes attentes hollywoodiennes étaient déçues. Ça? 95000 morts? Ben voyons...

Puis j’ai imaginé cette eau trop abondante pour n’importe quel barrage, qui transformait les maisons et les chambres d’hôtels en autant d’aquariums funestes, ne laissant même pas quelques centimètres d’air au plafond. Et dans les rues, des enfants trop faibles, des voitures trop lourdes, des yeux qui rêvaient encore il y a quelques minutes. Pourtant, il faisait encore beau, il faisait toujours soleil. La vie est un tyran perfide qui coupe les jambes pendant qu’il masse les dos avec le sourire.

Puis j’ai pensé à ma rue, à ma ville. Combien d’âmes se noient tranquillement dans des chambres d’hôtel pendant que le soleil me bronze? Combien de corps se compriment doucement pendant que je bois ma pinte de rousse? Combien de coeurs cessent de battre en regardant le bleu d’un ciel trop haut?
Combien?
Même au millier près, je ne sais pas.
Tout ce que je sais, c'est que le chiffre sera plus grand demain.
Et qu'il fera beau.