mercredi 30 novembre 2005

Monstres

Texte écrit pour Coïtus Impromptus


Il fut une époque où chaque soir, au coucher, je sautais dans le lit du plus loin possible, avec un élan de gymnaste depuis la porte de la chambre. Le doigt sur l’interrupteur, j’essayais de ne pas penser à ce qu’il arriverait si jamais j’avais le malheur de ne pas être assez rapide ou de mettre le pied à portée du monstre qui se cachait sous le lit. Des sueurs froides dans le dos, je rêvais d’être un super héros, de voler plus vite que la lumière et d’arriver sous les draps avant qu'elle ne soit éteinte. Mais j’étais enfant et fragilement humain.

Une fois dans le lit, je me couchais dans cet espace restreint en plein centre du matelas, espace que j’espérais hors de portée des tentacules du monstre qui lui, ne sortait jamais de sa tanière. Puis j’essayais de m’endormir, les couvertures jusqu’aux yeux comme unique rempart jusqu’au lendemain. Certains soirs, je pourrais le jurer, je l’entendais respirer. Je l’imaginais sourire, attendant patiemment l’apparition d’un de mes mollets, et il susurrait «Il n’y a rien sous le lit. Laisse pendre ton bras, tu verras…Juste deux secondes…» Cet être vil tentait d’attirer les âmes pures pour les consommer comme du maïs en épi. Il était gluant, cruel et sans pitié, comme le sont tous les monstres sous tous les lits de tous les enfants du monde. Cette menace constante finit par développer chez moi une vessie en acier et un sentiment de soulagement qu’il m’arrive encore de ressentir quand je vois l’aurore poindre. Car les monstres ne se dévoilent jamais au grand jour.

Mes tactiques poltrones furent sans doute efficaces puisque jamais une monstrueuse papille ne m’a goûté, ne serait-ce qu’un orteil.

Bien qu’avec le temps le souvenir de ce monstre se soit un peu émoussé, il m’arrive encore aujourd’hui d’y croire l'instant d’un soupir malgré mon bon sens d’adulte, malgré l’indécrottable incrédulité qu’apporte la maturité, malgré tout. Je me dis parfois que les monstres sous les lits ne disparaissent jamais vraiment, qu’ils nous suivent comme une tache de naissance, et nous écoutent, nous épient, nous voient devenir adultes. Et qu’un jour, à force de nous observer, redoutant à leur tour le monstre qu'est devenu celui qui ronfle sur l’oreiller au dessus d’eux, ce sont eux qui s’endorment inquiets dans ce petit espace au centre du lit.

lundi 28 novembre 2005

Belles trouvailles!

J'étais en train de fuir mon monstre (pas ma petite déjà surdouée qui kicke du ventre, mais l'écriture d'un texte pour le Coïtus de cette semaine) quand je tombe par pur hasard, coincé entre deux trucs poussiéreux, sur un petit livre rouge. Bonheur! Moi qui croyais l'avoir perdu à jamais!!! C'est Daniel (mon cher collègue et précieux ami) qui va être content!

Dans ce petit bouquin, Daniel et moi avons colligé coquilles, boulettes et autres amusantes citations relevées ici et là dans les travaux d'étudiants. Des dizaines voire des centaines de citations amusantes dont certaines datent de 1997, de quoi nourrir ce blogue jusqu'en juin 2012...

Allez, quelques unes, juste pour rire. Je vous avertis, je les recopie telles quelles.

«Fajardie est né en 1947 (...) Question de prendre un peu d'expérience, il décida de prendre part à la Révolution française avant de commencer à écrire.»
Chérie, je vais faire un peu la révolution et je reviens en fin d'après-midi!

«L'histoire nous est racontée de sorte à ce qu'elle se déroule au fur et à mesure qu'elle se passe.»
Rien de pire qu'une histoire qui est rendue à la page 122 alors qu'on n'en est qu'à la page 20.

«La vieillesse devient une maladie et grand-mère meurt.»
Ça, c'est juste beau...

«Après des années, les jumeaux grandissent.»
Pouf!

«Depuis des siècles, les gens ressentent le besoin de croire qu'il faut savoir lire. (...) On a t'il besoin de savoir lire?»
Lire, je ne sais pas. Écrire par contre...

«La femme de Henri Napoléon est massacrée à mort par un tournevis (...) et elle fut aussi violée.»
L'histoire ne dit pas par quel outil.

«C'est souvent ce que l'on cherche pas qui nous tombe sous les bras!»
Moi, j'ai connu une femme qui ne cherchait pas de poils.

«Kristof a en son actif de nombreuses pièces de théâtres, dont Hier, qui est, en plus, un roman.»
Un 2 pour 1.

«Kristof est née en hongrois.»
Poustijik! Pouuusjitik! Pouuuuuuuuustijik! Tadamtijik! Ouintijik! Ouintijik!

«Les frères viennent en aide à leurs problèmes!»
Merci d'être venu; ça va bien depuis deux jours et je ne sais plus quoi faire...

Bon, j'arrête avant de vous tanner. Mais permettez-moi de continuer la lecture de mon bord...

vendredi 25 novembre 2005

Hu, Cocotte (et petit bonheur)

Tout d’abord, il fallait retrouver le lieu de rendez-vous. On avait l’air de deux touristes au Cambodge tant il n’y avait aucune indication. Juste des lettres gris foncé sur des panneaux gris pâle qui chuchotent pavillon Truc par là, pavillon Chose par là aussi, pavillon Patente en rénovation, investissement du gouvernement provincial : 6,54$ (à voir l’état des lieux, c’était pas en millions certain). Dame V avait une formidable envie de pisser et moi, qu’une note : échographie, 15h30, premier étage.

On a trouvé après une petite promenade et quelques indications affichées sur des feuilles de cartable scotch-tapées au mur. Carte soleil, carte bleue, réceptionniste et jaquette vertes, salle d’attente beige. Quand ça a été le tour de Dame V., elle s’est couchée sur un lit de papier qui fait scroutch, a remonté ci, a descendu ça, et la dame en sarrau a pris un truc qui ressemblait vaguement à un pot plastique de ketchup, mais blanc.
-Attention ça va être…
-Iiiih!
-…froid.
Et voilà, le ton chaleureux et sympathique était donné. Dame V. fait une blague, je pose une question, on souligne qu’on aimerait bien savoir le sexe de Ti-Tout, le sarrau feint d’être absorbé par son écran et nous ignore. Dans ces moments là, juste là là, j’aimerais être un vrai client et pouvoir changer de médecin comme on change de vendeur de chaussures. Pourquoi devenir infirmier ou médecin si on est misanthrope? J’ai quelques collègues comme ça, aussi… Je vous en parlerai une autre fois car à ce moment, le sarrau a ouvert la bouche:
-Ici c’est la tête, le nez, les orbites, le petit cœur…
- Où ça?
-…le bras, les mains, le tibia…
-C’est son genou près de son nez, là?
-…le pied, le cerveau, les vertèbres cervicales, les dorsales…
-Et la masse là, c’est quoi?
- …les pieds sont juste au dessus du col de l’utérus, le placenta est postérieur…
-Vous êtes sourde ou clitoridienne, madame?
-…le cordon est bien placé, l’estomac, la bouche qui inspire une bouffée de liquide amniotique. Tout va bien.
La dame nous a tendu une petite feuille avec l'image d'une écho:

Puis elle s'est levée et nous a annoncé avant d’ouvrir la porte :
-D’après moi, c’est une fille, mais avec l’écho, on ne peut pas être sûr à 100% que c’est une fille. Un gars, c’est clair, mais pas une fille. Restez là.
Elle est disparue.

En silence, les larmes aux yeux, main dans la main, Dame V. et moi regardions notre fille sur une photo noir et blanc, large comme une facture d’épicerie.
Une fille!
Toute la beauté du monde sur une image de 20 cm carrés.
Je me répète, je le sais, mais je m’en fous : une fille!

Le sarrau est revenu avec une autre femme. Cette dernière s’est assise devant l’écran et a repris l’examen sans se présenter. Elle a froncé les sourcils, s'est détendue, a penché la tête à droite, a appuyé plus fort sur le ventre, a scruté toujours l’écran comme s’il lui parlait… Après trente secondes, Dame V. a senti le besoin d’établir un contact.
-Euh… Bonjour. Vous êtes la technicienne?
La femme a fusillé Dame V. une demie seconde.
-Non, je suis mé-de-cin.
Ça a été le SEUL contact, visuel et oral, avec Dame V. et la seule information qu’elle nous a donnée.

Quand on a été libérés, Dame V. s’est rhabillée alors que la médecin disparaissait au bout du corridor. J’ai seulement entendu la verte réceptionniste dire «au revoir madame Hu».

Aujourd’hui, je tiens à dire : madame sarrau et madame Hu, je ne remets nullement en doute vos compétences médicales, mais pour notre bien commun, devenez plombières...

Mais, mais, mais...
On était arrivés à l’hôpital avec un fœtus de presque cinq mois, on est ressortis avec une fille. Toute la différence du monde.
Je serai, je suis père d’une fille!

Il y a des miracles qui arrivent une fois sur des milliards. Et il y a ce miracle qui arrive une fois sur deux et que vaut bien sa contrepartie:

C’est une fille!

mercredi 23 novembre 2005

Magie noire

Julie broie du noir, broie du noir jusqu’à la poudre, poudre qu’elle ramasse en un petit tas insignifiant, insignifiant au point où elle se demande chaque jour comment elle a pu s’y noyer. Elle s’y noie tout de même. Elle ne nage d’ailleurs presque plus, si ce n’est que de quelques coups de pieds ici et là. Devant son petit tas de noir broyé, Julie décide de prendre son temps, de prendre son souffle en se gonflant la poitrine comme d’autres prennent leur élan. Dernière aspiration avant de fermer les lèvres, de tout retenir une seconde de trop. Au début, c’est facile. Mais tout se comprime rapidement. Ce n’est pas dans les habitudes humaines de tout garder comme ça. Julie devient rouge, puis bleue. Elle toussote un peu la bouche fermée, toute sa vie compactée derrière ses lèvres closes.

Quand elle commence à voir des étoiles, quand elle sent la vie chanceler, elle abandonne, elle souffle sur la poudre, souffle de toutes ses forces, comme pour éteindre les 36 chandelles de son gâteau, comme pour gonfler un ballon au caoutchouc trop rigide, comme pour attiser la braise d’un feu oublié. Elle voit alors le noir devenir nuage. Un nuage de poudre aux yeux qui nous aveugle momentanément. Alors on s’essuie les yeux avec nos mains, avec l’intérieur de nos coudes, en traitant Julie de petite connasse; on ne souffle pas sur le noir broyé comme ça, c’est impoli, c’est salissant. Puis quand on rouvre les yeux, Julie est disparue.
Black out.

mardi 22 novembre 2005

Attention, je vous écoute...

Un jour, je ferai un livre avec ses propos!

«Des livres, c’est comme des kilos, sauf que ça en prend plus pour faire une personne.»

«Elle est pas là, parce que quand elle vient, elle s’arrange pour être déjà là.»

Diane Lebel

lundi 21 novembre 2005

Attention, je vous écoute...

«C’est plate que t’aies pas ta voiture, je me serais fait monter.»
Catherine Voyer-Léger

dimanche 20 novembre 2005

T'es pas game...

Depuis quelques jours, effet secondaire des magazines à potins et des déclarations sur Boisclair, des blogueurs qui pourtant bitchent Flash, Fear Factor, Loft Story et d'autres émissions du même acabit, se lancent le défi d'étaler aux yeux de tous une liste de 20 trucs inavouables sur soi. Et vlan, voilà que Pat m'a lancé le défi...

Pendant quelques secondes, j'ai eu le goût d'embarquer. Parce que je suis un gars et quand on dit à un gars «T'es pas game...», ce dernier voit habituellement son QI descendre au niveau du cache-pot en terre cuite.

Mais aujourd'hui, j'annonce que je n’écrirai pas ici 20 choses inavouables sur moi. Tout d'abord parce que si c’est inavouable, c’est donc que. D'ailleurs, à deux trois trucs près, il n'y a rien de ce que j'ai lu qui soit «inavouable». Anecdotique souvent, gênant, tout au plus. Ensuite que l’exercice est faussé à la base, un peu comme quand un employeur nous demande notre pire défaut; on lui trouvera un défaut qui nous rendra intéressant, qui pourra passer pour une qualité dans un contexte professionnel, genre gourmand, ou perfectionniste, ou nymphomane.

Ainsi, un vrai truc inavouable, pas du genre «j'ai mangé un gâteau marbré McCain sans les mains» ou «je pèse 20 kilos de plus que j'en ai l'air», du vrai inavouable donc, gênerait inutilement des gens que j'aime, ou pire m’aliènerait des amis. Je vois pas pourquoi je ferais ça. Surtout si, dans la pile de manteaux des partys de Noël, je veux continuer à me servir dans leur portefeuille…

mercredi 16 novembre 2005

Peurdon?

Je comprends bien le pourquoi du quoi de la suite de lettres qu'il faut recopier pour enregistrer en message sur Blogger. Toi = humain = ok! Toi = message de pilules pour allonger estime de soi = out.

Mais pourquoi faut-il que cette suite ait parfois 38 lettres de long, et que d'autres fois elle soit rédigée en une langue extraterrestre?

Quelqu'un qui décode ce truc en moins de deux secondes ne peut être que pharmacien. Ou Klingon.

L'habit fait le moine

Pourquoi la madame-météo doit-elle être dehors pour annoncer les prévisions météo à la télé?

Dramatisation:
Georges regarde les nouvelles à la télé pendant que Georgette tricote sa maille à l’envers…
- (Miss météo à la télé) Demain, il pleuvoira à torrence sur toute la région!
- T’as entendu chérie, demain il pleuvoi… il va mouiller!
- Impossible, il fait super beau en ce moment…
- Mais c’est ce que miss météo a annoncé.
- La connasse avec trop de rouge à lèvres? Elle ne sait même pas parler!
- Oh la! T’es encore jalouse parce qu’elle a une tignasse de publicité de shampoing et qu’elle dit «tu» à Pierre Bruneau! Je souligne que ses prévisions météo, elle les fait dehors, alors que nous on est sur le divan…
- Ah… Alors je me tricote un imper...

Cette illusion de compétence contextuelle (c’est beau dit comme ça!) est aussi l’apanage des reporters qui sillonnent la ville en automobile pour les bulletins-radio de circulation.

Autre dramaturgie(!)
- (le reporter de circulation, à la radio) Je suis présentement sur l’autoroute 20 Est et c’est bloqué depuis Dorval pour entrer au centre-ville. Cependant, un auditeur, François (imaginez qu’il y a un homme présentement dans son char, fier comme un pape, qui mime aux voitures qui le dépassent que c’est lui, le François de la radio), vient de m’appeler pour me dire que sur la 15 Sud, il y a à peine un léger ralentissement à la hauteur des travaux au dessus de la rivière…


En fait, ce qu’il faut entendre c’est que pour s’assurer du bouchon, le reporter y contribue! Et comme il est en voiture, il devient omniscient; il sait ce qu’il se passe sur toutes les routes de Montréal, bien mieux que s’il était devant les moniteurs de surveillance de la ville. Ça lui permet, par la même occasion, de contribuer aux émissions de gaz à effet de serre… Mais comme il recommande aux auditeurs de faire du covoiturage en fin de capsule, l’honneur de la station de radio est sauf…

Bon, je vous laisse, c'est l'heure du bulletin météo...

jeudi 10 novembre 2005

Les Graves paternelles

Il y a des soirs où on se couche avec une anxiété diffuse, des ombres qui planent au dessus des oreillers, des parfums qu'on réalise tout à coup avoir oubliés. On se demande des «Tu te souviens de..?» et on se dit oui oui bien sûr, pour se rassurer, mais on ne se souvient pas, ou juste un peu. Alors on exorcise, couchés près l'un de l'autre. On discute, on tente de se rassurer, on cherche des mots inusés dans des mémoires antiquaires.

Tout ce temps, je parle près du ventre gonflé de dame V. Parce qu'il paraît que maintenant, Ti-Tout entend, surtout les graves du père, et qu'il commence à y réagir. Alors on discute de sujets graves. Puis je déconne un peu, je fais l'opérateur de métro dans le nombril:
« Bi-bu! 832 communiquez! 832, communiquez! »

Puis, pour la première fois, Dame V sent le petit bouger...

Oh! le méchant séparatissss...

Mes opinions politiques n’ont jamais été secrètes. Je suis souverainiste, indépendantiste, séparatisss. À cause de la spécifité française, bien sûr, mais aussi celles culturelle et politique. Il y a surtout que je ne peux concevoir qu’on puisse être autrement que souverainiste, qu’on soit britanno-colombien, letton ou idahoain (Je vous jure, on dit idahoain! Ça ne s’invente pas!) Je ne crois pas aux grosses entités politiques et je voue une admiration silencieuse à la Finlande, à la Suède et aux autres voisins tranquilles qui savent s’affirmer sans jamais s’imposer. Les trop larges nations, tels des cigares trop gras, deviennent invariablement envahissantes, aveuglantes, asphyxiantes.

N’empêche qu’à regarder oeuvrer certains membres du Parti Québécois, il y a des soirs où je me dis que j’aimerais bien étrangler un péquiste avant de mourir.

mercredi 9 novembre 2005

Attention, je vous écoute... (décidément, hier soir était un grand soir!)

(parlant de Cuba - et des Cubaines)
«C'est comme le pot: essaye pas le local.»
Anonyme
:)

Attention je vous écoute...

«Elle me racontait sa vie! J'pourrais même pas te dire ce qu'elle disait...
Bref, elle a commencé à 2 ans, je suis parti à 22...
»
Patrick Belisle

Attention, je vous écoute... Spécial hockey!

(Un peu inquiet...) «54 secondes... Ça va être une longue minute!»
François Bertrand-Prévost

(Illumination!) «(Au hockey,) Kovalev a inventé la passe!»
Patrick Belisle

(Pour rassurer les troupes) «Au hockey, y a toujours une troisième période.»
Un inconnu perspicace derrière nous

(Grand analyste) «Évaluer un joueur au hockey, c'est simple: moins il a de dents, plus il a du coeur!»
Moi

lundi 7 novembre 2005

¿Qué dicen?

Dit comme ça (texte du 2 novembre), je pourrais me croire pour Gigi Marquez (à condition de ne pas savoir lire l'espagnol)...

vendredi 4 novembre 2005

Une petite histoire pour vous endormir

Bonjour les Tout Petits!

Aujourd’hui, je vais vous raconter l’histoire de Michelle, la petite souris.

Michelle la petite souris travaille à temps plein dans une usine de comptoir en mélamine. Tous les jours, elle inspecte des imitations de marbre et de bois et d’autres matières inconnues pour quelques sous de rien du tout. Elle est mariée depuis longtemps à Gaston le gros rat, mais elle ne l’aime plus et désire de moins en moins secrètement le divorce. Il faut dire que Gaston le gros rat, grand avocat de réputation mondiale, ne lui fait plus l’amour depuis des années, refuse de lui payer des cours du soir, et ne lui laisse même pas quelques sous pour se payer un morceau de fromage une fois de temps en temps.

Un jour, Michelle la petite souris fait part à son gros rat d’époux qu’elle en a marre. Marre, marre, marre. Ce dernier, plutôt que de réviser ses positions, promet de payer les cours du soir de Michelle et lui achète des morceaux de fromage qu’il choisit lui-même, à condition qu’elle mette une grande photo de lui sur sa table de chevet, sur le mur de la cuisine et sur son t-shirt quand elle marche dans la rue, juste pour montrer aux autres combien tendre et amoureux et attentionné est son rat mari. Michelle, le cœur en diète depuis longtemps, se laisse bercer d’illusions quant à l’amour soudainement revigoré de son époux, et accepte le marché. Et voilà l’heureuse souris qui déambule dans la rue museau en l’air, poumpoumpoum, la photo de son mari sur son ventre gonflé de fromage bon marché.

Cette ruse de Gaston fonctionnera quelques années, jusqu’au jour où Michelle se rend compte que son mari refuse toujours de payer ses cours du soir, qu’il ne lui a pas fait l’amour depuis 10 ans si ce n’est que pour l’enculer, qu’il lui coupe la parole dès qu'elle parle en public, et qu’en plus, il prend quelques bouchées de chaque morceau de fromage avant de lui donner.

Alors, les Tout Petits, que fera Michelle la souris?
Elle pousse Gaston dans le caniveau? Elle le trompe avec un raton plus généreux? Elle divorce et devient lesbienne?

Noooooon!!

Elle engage un dispendieux avocat qu’elle paye de sa poche pour démontrer que son mari bouffe la moitié de son fromage.

À la fin, Gaston le gros rat se fera gronder avec un gros doigt devant le nez. Vilain Gaston! Vilain, vilain!

Voici, mes Tout Petits, l’histoire de Michelle, la petite souris.

La semaine prochaine, je vous raconterai l’histoire de la commission Gomery et du scandale des commandites…


…Quoi vous dites? Je viens de la raconter?...

mercredi 2 novembre 2005

Les oiseaux ne se marient plus

Je joue à l’optimiste depuis quelque temps déjà, et ça m’obligeait chaque jour à changer ma moto de côté de rue, sous la pluie des queues d’ouragans, pour éviter la contravention. D’ailleurs, un jour, quelqu’un devra m’expliquer le pourquoi de cette obligation bihebdomadaire montréalaise… Peut-être est-ce l’âge qui me fait plus douillet, mais les quelques jours d’octobre où il n’a pas plu, il faisait trop froid pour me rendre au boulot en moto. À ma défense, d’aucuns savent que s’il fait froid en ville (où j’habite), combien glaciale est la température toujours plus basse de la banlieue (où je travaille). Il paraît que ce réchauffement propre aux villes est causé par l’activité humaine. Peut-on alors en déduire que la froid de la banlieue est alors causée par l’inactivité humaine, ou mieux, l’activité inhumaine? Mais ici, comme il m’arrive souvent en banlieue, je m’égare…

Toujours est-il que ce matin, en sortant de chez moi, la tuque de mon voisin m’a rappelé qu’il y a une fin à toute bonne chose, telles les randonnées en moto, et qu’avant de rouler dans la gadoue, il me vaudrait mieux remiser l’engin. Alors pour goûter une dernière fois cette année au vent sur mes joues, pour sentir cette fragile invulnérabilité au son de mon faux Harley, j’ai roulé quelques kilomètres dans les feuilles ocres avant de me diriger vers le garage où mon fier deux-roues hibernera (je sais, ma moto hiVerne, mais laissez-moi mes illusions sur la nature de ma bête…)

Au garage, sous une cinquantaine d’oies volant en V vers le sud, j’attendais pour discuter huile et batterie avec mon mécano près d’un papa motard et de son mioche grimaçant. Pour faire un peu la conversation, j’ai demandé au trois-pommes s’il avait vu le mariage d’oiseaux dans le ciel. Il m’a regardé comme si j’étais un débile léger:
- C’est pas un mariage, ils s’en vont dans le Sud…

Voilà. En 2005, les oiseaux ne se marient plus.

Aujourd’hui, j’ai perdu ma moto pour les cinq prochains mois, et la vie, un peu de poésie.