vendredi 11 mars 2005

L'Être et le néant

Texte écrit pour le collectif Coïtus impromptus

En 1905, Églantine et Firmin travaillaient pour se nourrir, allaient à l’hôpital quand le petit dernier faisait 108 de fièvre, s’habillaient pour cacher leur peau, et faisaient de l'exercice en courant après leurs onze marmots. Quand on leur demandait « P’is? À part de ça? », ils répondaient en souriant que le printemps s’en venait et que mémé n’était pas encore sénile.

En 1940, Jacqueline et Maurice travaillaient pour la patrie, allaient à l’hôpital visiter fiston qui avait reçu un éclat d’obus, s’habillaient pour se tenir au chaud, et faisaient de l’exercice en s’agenouillant, en se levant, en s'assoyant, en s'agenouillant à nouveau devant l’autel. Quand on leur demandait « P’is? À part de ça? », ils répondaient qu'ils avaient reçu une carte postale d'oncle Gaston posté en Normandie, et qu’on finirait bien par les avoir, ces foutus Allemands.

En 1970, Louise et Michel travaillaient seulement pour la commune (et encore!), allaient à l’hôpital que pour de rares overdoses, ne s’habillaient pas ou très peu, et faisaient de l’exercice en faisant l’amour pendant des spectacles en plein air. Quand on leur demandait « P’is? À part de ça? », ils répondaient que le champignon s’en venait, mais qu’ils construiraient une arche avec des cochons, des vaches et des amis.

En 2005, Brenda et William travaillaient afin d'avoir de l’argent pour pouvoir se faire beaux, allaient à l’hôpital se faire refaire des parties du corps pour être beaux, s’habillaient pour être beaux, et faisaient de l’exercice pour être beaux. Quand on leur demandait « P’is? À part de ça? », ils ne savaient pas quoi répondre.

9 commentaires:

  1. À part de ça, ils militaient pour une société plus équitable, étaient engagés dans un projet d'aide humanitaire au Pérou, aspiraient à un bon emploi, payant, certes, mais qui leur plairait, qui correspondrait à leurs aspirations sociales et personnelles, mais tout ça, évidemment, une fois les études terminées. En attendant, à part de ça, ils préparaient un voyage, pour l'an prochain... aller voir la vieille Europe, si le budget le permet.

    Vous posiez la question à l'époque où Louise et Michel, les parents de William, se désorganisaient un divorce alors qu'ils n'avaient pourtant plus qu'à s'occuper d'eux même et profiter de leur petite tranquillité maintenant que «le p'tit dernier» était parti. Mais non. Brenda et William ne prévoyaient pas se marier, mais peut-être avoir des enfants, plus tard.

    Brenda et William ne savaient pas trop quoi répondre quand on leur demandait «P'is? À part de ça?». Parce qu'à chaque fois qu'ils parlaient de leurs aspirations, on les taxait de naïveté, on les disait rêveurs et illusionnés.
    Alors ils évoluaient, faisant semblant de rien, et quand on leur demandait «Pis? À part de ça?», ils se disaient bien que la prochaine fois, ils pourraient peut-être en discuter, parce qu'après tout, c'est tout ce que la question proposait : une discussion.

    http://missyoubeautifullies.blogspot.com/2005/03/une-partie-de-la-vrit.html

    Zaï zaï zaï zaï....

    Jean-Philippe Tittley
    Montréal

    RépondreEffacer
  2. Tu dis juste. Mais honnêtement, pour chaque «humanitaire», combien d'égocentriques? Pour le fun, depuis deux ans, combien de pétitions-courriels t'as reçues pour l'accord de Kyoto? Et combien t'invitant à boycotter une pétrolière pour que l'essence soit 2 cennes moins chère? On met notre journal dans un bac vert mais on achète du papier-cul à base de forêt noble bicoz en soldes.

    En même temps, je suis pas sûr de donner une image très positive de Louise et Michel...

    RépondreEffacer
  3. Sac!!! Ton dernier paragraphe est solide, Dan!

    Ceci dit, tes derniers qui travaillent pour être beaux, s'ils ne disent rien, ils souffrent peut-être silencieusement de leur manque de confiance en eux qui les poussent toujours à chercher la perfection... en espérant que quelqu'un, quelque part, les aime.

    Les gens qui collectionnent les chirurgies esthétiques, je ne les taxe pas d'égocentriques. Au contraire, je me demande toujours ce qui les rend malheureux au point de vouloir changer de visage. Pas facile de sentir qu'on ne sera jamais assez beau (belle).

    La société semble vouloir que les femmes soient belles, blondes aux yeux bleus, bouche pulpeuse, petit nez retroussé, teint clair et éclatant, corps parfait et musclé où il faut(tout ça de façon naturelle, bien sûr!) 36 D - 24-36 pour 5'9", habillées en gucci, conduisant une porshe de l'année...

    Aimer se sentir belle, c'est normal. Faire un petit effort pour bien paraître, c'est bien. L'atteinte de la perfection et l'obsession... c'est autre chose.

    RépondreEffacer
  4. *pardon...je voulais dire "la quête" et non "l'atteinte".

    RépondreEffacer
  5. Des chiens à bois, c'est des chevreuils à grandes dents ?
    (Désolé Dan de faire un test ici, mais je voulais seulement vérifier si Blogger nous permettait encore de se copiner.)
    Beau texte, mais je me répète, ça devient lassant. Écris-en donc un poche, qu'on se défoule. ;-)

    RépondreEffacer
  6. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blogue.

    RépondreEffacer
  7. Faut enseigner aux collégiens pour bien comprendre que la triste poésie cynique du dernier paragraphe est en fait bien moins pire que la réalité.

    En vérité, ils s'appellent Steve et Mégane, genre, style, point, comme, pourquoi faire...

    RépondreEffacer
  8. Distrayantes mais un peu effrayantes vos idées sur les gens les gars... C'est peut-être pourquoi je préfère encore les arbres.

    RépondreEffacer
  9. Distrayantes mais un peu effrayantes vos idées sur les gens les gars... C'est peut-être pourquoi je préfère encore les arbres.

    RépondreEffacer