mardi 27 septembre 2011

École maternelle


Je me souviens de ma mère, debout sur le trottoir, qui me faisait bye-bye en souriant.

Je me souviens de cette petite école. Les Bouts-de-Choux. Les écoles maternelles, à l’instar des garderies, ont souvent un nom un peu con. J’y arrivais drôlement tôt, j’allais au vestiaire, je montais en classe. Tout cela était nouveau pour moi, tout comme ce tas d’enfants que les adultes identifiaient comme mes «amis» alors que je n’en connaissais aucun, sinon José et Serge, de nom, parce que ma mère répétait qu’elle avait croisé leur mère dans les cours prénataux. Mais ils étaient tout de même mes amis, même Tommy, le baveux qui avait terrorisé l’autobus dès le premier jour. Il avait déjà l’oreille percée et nous n’étions que dans les années 70.

Je me souviens de cette crainte sourde que j’avais au creux du ventre le soir venu, couché dans mon lit. Cette peur devant tant d‘inconnu, et ces matins où je pleurais un peu parce que je doutais pouvoir être à la hauteur.  Je me souviens de mes parents qui me rassuraient, qui m’assuraient que tout irait bien, que j’étais grand maintenant. Le pire c’est que je lisais dans leurs yeux qu’ils croyaient tout ce qu’ils disaient.

Je me souviens des grands que l’on voyait courir dans la cour de l’école primaire. Ils couraient vite, ils criaient fort, ils étaient presque des adultes, ils faisaient peur. 

Tout cela refait surface alors que je regarde ma fille partir le matin. Elle quitte un monde où elle est la plus grande pour aller dans un autre où elle est la plus petite, où elle ne connait personne et où on lui chante que tout le monde est son ami. Je la regarde marcher dans cet univers cruel qu’est celui des enfants en me disant qu’elle me glisse des mains, que je dois maintenant avoir confiance en elle, en son jugement, en sa force, en la vie.

Tout ira bien, elle est grande maintenant.

Je me regarde et je me souviens de ma mère sur le trottoir, dans la poussière de l’autobus, la main dans les airs, immobile un peu trop longtemps.

Je ne savais pas qu’elle avait pleuré.

9 commentaires:

  1. Ouf. Ça serre le coeur. Je ne me souviens pas d'avoir demandé à ma mère si elle a pleuré quand elle m'a laissée à la porte.

    Mais je me rappelle de mon bonheur, ma poussée vers l'avant lors de l'entrée à la grande école! Ce n'est que plus tard que les choses se sont gâchées pour moi. Les premières années: apprendre à lire, à compter, à se faire des amis, ce fut magnifique! Je lui souhaite autant de sourires comme souvenirs.

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  2. Tu m'as fais pleurer, mon maudit. J'anticipe tellement cette grande étape dans la vie de mon aîné.

    Le moment où on commence à perdre le contrôle. Jusqu'où? On peut pas savoir.

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  3. Cela m'a aussi rappelé des souvenirs, ils fréquentent l'école depuis longtemps maintenant et les larmes retenues ne sont plus qu'un souvenir.
    Il faut aussi accepter, à son rythme, que son enfant se crée une autre vie, loin de nous, sans nous, dont on ne peut saisir que quelques bribes (pas forcément rassurantes). Heureusement, en général, tout se déroule bien, ils grandissent et s'épanouissent, se construisent par des rencontres qu'on ne peut remplacer...
    bon courage

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  4. Daniel, c'est magnifique. J'ai un beau motton dans la gorge là.

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  5. Vraiment touchant; j'ai les yeux dans l'eau.

    Elle va faire son chemin... comme tu as fait le tiens. T'inquiètes.

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  6. C'est drôle - j'aurais pu écrire ce texte il y a 2 ans, lors de la première rentrée scolaire de mon fiston (prématernelle). Tout, j'aurais pu tout écrire. J'étais mal-mal-mal, je ne voulais pas de ce nouveau chapitre dans sa vie, moi qui l'avait tant haï...
    Et bien le bonhomme m'en bouche un coin (et à son père aussi) tous les jours pour la 3e année consécutive : il aime l'école, apprend à répondre, à éloigner les tannants, à respecter les profs, à être attentifs aux petits, il se débrouille comme un chef, et du coup je me demande 1) s'il est vraiment de moi, et 2) si je ne m'en étais pas fait un plat, de cette rentrée dans le monde des "parents d'élèves"...

    Bon courage !

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  7. Formidable; c´est vraiment un texte qui serre le coeur; il décrit parfaitement ce, je crois, qu´on as tous senti.
    Une histoire très bien écrite, les paroles justes et avec des grands effets.

    Félicitations.

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  8. si on pouvait vivre l'instant présent sans toute cette angoisse, ces pensées qui nous ramènent à notre propre vie !

    Si ta mère aavait pu elle aussi ne pas vivre dans sons passé au moment où tu entrais à l'école pour la première fois, parce qu'au final, tu t'en es bien sorti hen ?

    Et si on n'éprouvait jamais de stress, on ferait rien !

    On est juste des guénilles qui s'en font tout le temps ! L'instinct protecteur est trop fort moi je dis. :)

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  9. Et puis il y aura la première journée au secondaire. Et le jour où ils partent pour le cégep, avec une valise, en nous disant que tout ira bien. :-)

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