jeudi 21 octobre 2010

Rebrousser paupières


50 mètres après la courbe que tu empruntes chaque jour depuis 10 ans, près de la ligne double, il y a un nid de poule; il te faut garder la voiture sur la droite pour ne pas avoir à te payer de nouveaux amortisseurs. Tu colles la droite avant même de sortir de la courbe, sans ralentir, sans y penser, sans attendre de voir le trou. Tant pis pour la marmotte ou l’improbable col bleu occupé à le reboucher. Tu as la tête ailleurs; les routines permettent de penser à autres choses.

Si tu avais un cheval, il te conduirait seul là où tu vas, par habitude, te laissant à toi-même, mais tu ne peux pas te fier ni sur une bête ni sur personne. Tu deviens un être de règles, laissant à la répétition le soin de souffler lentement la flamme. Ta vie ressemble à ces exercices d’anglais où tu devais écrire dix phrases une sous l’autre. Tu finissais par les écrire à la verticale : Kick, Kick, Kick… the, the, the… ball, balll, ball… Tu finis avec un résultat d’usine, droit, parfait, couleur de plomb, sans avoir la moindre idée de ce que tu as pondu. Tu survis. Tu es en mode «économie d’énergie» pour faire durer la pile plus longtemps. Mais pourquoi? Pour combien de temps? Pour en faire quoi? Tu ne comptes plus les invitations refusées, d’abord par fatigue, puis par habitude. Les étudiants n’osent plus poser de questions, les collègues, soudainement silencieux, passent devant ta porte sans s’arrêter, le téléphone ne sonne plus, sinon pour parler à Gilles. Tu ne connais pas de Gilles.

Faire la vaisselle te pèse, la télé est lourde et tu te couches en petite boule sans toucher ton amoureuse qui dort déjà depuis quelques minutes, voire des heures, des mois peut-être.

Puis il y a cet ami qui met tout son poids au bout d’une corde, qui te secoue, qui enviait peut-être la vie que tu salopes allègrement sans t’en rendre compte. C’est la main sur le vernis de son cercueil que tu ouvres les yeux, que tu t’obliges à observer la route avant de te ramasser un orignal en plein front. La vie est plus belle quand on la regarde.

vendredi 8 octobre 2010

Attention, je vous écoute...

Désirant me consoler de m'avoir infligé quelques défaites de suite au billard:
«Mais dis-toi que tu as perdu par défaite.»
Isabelle Toussaint

Merci, je me sens mieux. Menfin, disons.