mardi 29 juin 2010

Comment ils font?

Comme d'aucuns le savent, 92% des billets écrits par les blogueurs sur la grande toile prient les lecteurs d'excuser une production famélique, comme si les blogueurs devaient quoi que ce soit à leur lectorat. Ou bedon ils tentent de trouver l'inspiration en parlant de leur manque d'inspiration. Oui, ce manque peut mener à des textes intéressants, bien que pas tous, comme en font fois les «Qu'est-ce que tu veux qu'un chanteur chante?» de Claude je-coupe-la-file et «écris-moi des mots qui sonnent; écris-moi des lignes qui swiguent comm’ du Sting (ça c'est de la rime!); qui sonnent comm’ du Jackson (houuuuuu!)» du frisé aux lunettes fumées. Voici pourquoi je préfère souvent me taire.


Mais je m'égare, car mon silence n'est pas causé par un manque d'inspiration mais bien de temps.


Pourtant je suis à la maison à temps plein depuis 2 mois, seul avec le plus jeune des héritiers (la plus vieille va à la garderie causer princesses et «paille de maine - piouuuu! piouuu, les toiles d'araignées...» et Dame V. va gagner le beurre et la croûte et la mie). Alors, pourquoi n'écris-je pas? Il n'a qu'un an après tout, ce bébé, il fait des siestes, il ne parle pas, il ne marche même pas encore…


Dès avril, je m'étais fixé comme objectif de faire le ménage d'une pièce par jour et de prendre le café avec les amis quelques fois par semaine. Puis j'ai révisé l'objectif à une pièce et un café par semaine. Puis… Aujourd'hui, je marche sur les céréales molles pieds nus sans sourciller et quand un ami appelle, j'ai trop mal au dos pour aller répondre et je préfère rester assis sur le plancher au milieu des blocs et des couches sales. Il me reste les soirées, après 20h30, quand la maison devient silencieuse. J'ouvre alors le fichier «ZeRoman» et le temps de m'y replonger, mon cerveau supplie pour une tonalité fixe.


Comment ils font tous les autres? Ceux qui écrivent des romans malgré leur progéniture? Comment ils font, tous ces Véronique-et-Louis de ce monde pour avoir une vie créative et familiale et sociale? La mienne se résume habituellement à Facebook où je lis les petites pensées de mes amis… Mais il ne faut pas que j'y passe trop de temps, car chaque fois que l'un d'eux écrit «je m'emmerde» ou «petite soirée plate à ne rien faire», j'ai des envies d'étranglement.


On me souffle que tout cela passe, que plus les enfants vieillissent, plus les parents ont d'espace. Mais je soupçonne que ce soit une promesse pour me faire tenir le coup, qu'arrivé à la rivière, il n'y ait pas de pont.


J'exagère, je rigole, vous le savez bien. La preuve est que j'ai pris le temps d'écrire ce billet.


Et ç'a ne m'aura pris que 3 jours.

jeudi 10 juin 2010

La Solution beauté

Aux premières lueurs de l'aube, j'ai descendu l'escalier extérieur pour ramasser le journal du jour. En quatre ans, le camelot n'avait lancé son quotidien sur le balcon que deux fois. Je me suis juré, une fois de plus, de lui servir une leçon de baseball, mais comme je ne lui avais jamais laissé un sou de pourboire, je m'estimais encore chanceux de recevoir un journal sec, en un morceau.


Plus par habitude que par curiosité, j'ai levé les yeux vers l'énorme panneau publicitaire planté sur le toit du commerce d'en face. Voitures, unes d'hebdomadaires, albums de Noël, crèmes exfoliantes ou pilules supposées gonfler l'homme endormi en moi s'y succèdent au rythme des modes. Chaque mois, un différent slogan prémâché commence mes journées: Just do it, Bonne semaine, Parce que je le vaux bien, Le Dur de dur, tous interchangeables. Chaque matin, je lis les mots, regarde les images sans y penser, je baille et je remonte allumer la machine à café. Chaque matin, sauf ce matin.


Une fille m'y attendait. Une fille nue, de dos, qui se cache les seins avec les mains sans trop qu'on sache pourquoi puisqu'elle faisait dos à la caméra. Elle regardait de côté, présentant son profil gauche. J'ai scruté son nez, son œil, son menton, le galbe de ses seins, la courbure de ses hanches, le sourire de ses fesses. Autant de régions connues, de pays visités, de souvenirs brûlants. Le mannequin était Ophélie.


Ophélie, qui avait fait le conservatoire, qui s'était toujours plainte de ne pas avoir de rôle, s'était donc résignée, comme tant d'autres de son métier, à la publicité. Toutes ces années de pratiques, d'études, d'auditions, de textes par cœur, de personnages à habiter, d'auteurs à saisir, de cours de danse, de chant, de maintient, de pose de voix pour finalement offrir son corps au hachoir de Photoshop et ainsi ajouter sa viande à la boucherie de la surconsommation qu'elle dénonçait depuis toujours. Tout près de son sourire, le panneau clamait «La solution beauté». J'ai eu un petit rire niais, sans conviction.


Ophélie était là, devant mes yeux humides, déshabillée, de dos, pour vanter les vertus d'un quelconque shampooing qu'elle n'avait sans doute jamais utilisé, du moins du temps de nos fréquentations.


Elle avait 27 ans, j'en avais 350.


Je devais appeler au boulot pour signaler que je prévoyais être malade.


mercredi 9 juin 2010

Besoin d'attention

Une amie arrive chez moi. Après les bisous bisous, elle dit à ma fille:

- Bonjour Romane. Est-ce que tu viens me voir?

Romane reste un instant immobile, puis après sa courte réflexion, lance:

- Non. Je préfère aller faire caca.

Et elle court à la salle de bain.