jeudi 16 septembre 2010

Christophe

Tu avais le sourire narquois, léger, les yeux rieurs, moqueurs. Tu étais brillant et attentionné. Tu avais ce charme des brutes au regard doux qui nous rendait tous un peu jaloux, jusqu'à ce qu'on apprenne ce qui se cachait derrière.
On t'appelait Chris, Cricri, Totof. Je te surnommais Tof. Autour de la table de notre poker hebdomadaire, ce surnom t'allait comme un gant. Je n'aurais pas cru être si loin de la vérité dans ta vie de tous les jours.
Debout devant ton cercueil, près d'une photo de toi un peu plus grande que nature, j'aurais voulu, juste pour toi, croire en Dieu, croire en un au-delà où je pourrais un jour me rasseoir à tes côtés, le temps d'un verre et d'une partie de poker, question de te détester encore un peu, de me demander comment tu fais, vieux bougre, pour lire si bien dans le jeu des autres, pour laisser si peu d'indices sur le tien.
D'ailleurs, comment as-tu fait?
Même dans tes clins d'oeil rieurs alors que tu ramassais les mises, je ne pouvais savoir si tu m'avais bluffé. Maintenant, je sais que oui. Salaud.
Tu sais que depuis une semaine, tous les gars du «bunker» jouent leur jeu ouvert? Que grâce à toi, on s'est juré des trucs inimaginables jusqu'ici? Qu'on a pleuré dans les bras les uns les autres?
Tu t'es couché avec la meilleure main, Tof, ce qui n'arrivait jamais dans notre tripot, ce qui n'aurais jamais dû arriver. 
Je te déteste encore un peu aujourd'hui, une semaine plus tard. C'est la troisième phase du deuil, à ce qu'il paraît. Ce soir, demain, dans un an, la tristesse. Un jour, j'arriverai à l'acceptation. Ce n'est pas que j'y tienne tant que ça.
Repose-toi bien, Tof. Tu nous manqueras plus que tu ne le croyais.

7 commentaires:

  1. Votre ami avait de bien bons amis et il avait de la chance de connaître quelqu'un qui écrit aussi bien pour lui rendre un tel hommage, simple mais touchant. Mes sympathies!

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  2. C'est très beau Dan. Je pense à toi bien fort de mon bien loin pays.

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  3. À ta façon, tu le fais revivre un peu plus. Mes condoléances.

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  4. j'ai la larme à l'oeil...

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  5. Il faut beaucoup, beaucoup de maturité et d'élévation d'âme pour finir par accepter un jour qu'un(e) ami(e) a décidé de quitter le jeu de la vie... alors qu'il ou elle avait toutes les chances sinon de gagner, du moins d'avoir de vrais moments de plaisir.

    Je ne crois pas avoir un jour cette maturité. Avant j'aurais cru, mais l'usure du temps m'indique malheureusement que non. Un an après le départ brusque de mon amie, je suis encore en phase colère souvent, et incompréhension, toujours.

    Je vous souhaite de la sérénité, à tous...

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