jeudi 28 mai 2009

Habitude d'usure

Voilà. La session est terminée ! J’ai remis les notes finales. Certains jubileront, d’autres crisseront des dents et le laisseront entendre par courriel, habituellement pour tenter de me soutirer quelques points et pour me souligner, dans une vile et tardive tentative de séduction, à quel point ils sont prêts à travailler fort pour 5% de plus… Juste 5%... Syouplê… Come on… Vous êtes un bon prof… Votre cours était génial…

Soupir…

La partie de la job que je déteste.

Quelqu'un peut éteindre Internet après le 10 mai ?

Heureusement, il y a des moments de bonheur, des étudiants qui passent rapidement et d'autres qui restent, qui deviennent des amis.

Alors je continue, session après session, à enseigner une matière dont l’acquisition, sur 45 heures éclatées sur 15 semaines, est pratiquement impalpable. J'évalue après quelques heures ce qui met des années à pousser, un peu comme si on évaluait une course après le premier virage...

Et voilà que le collège m’invite pour souligner mes 15 ans d’ancienneté. Quinze putains d’années !

30 sessions ! Près de 4000 étudiants ! Déjà ? Comme pour confirmer la chose, sur la feuille d’invitation, au-dessus de mon nom, il est imprimé 1994-2009.

4000 étudiants dans un seul tiret.

La Directrice générale va me serrer la main et peut-être me remettre une petite broche plaquée or sur laquelle est gravée 15 years. Pendant la passation de cette marque de reconnaissance, un photographe assurera la postérité de cette sentence mesurée à termes.

Après, je reviendrai chez moi, referai le trajet pour la 3850e fois comme d'autres marquent le mur de leur geôle. Je pèse le mot. Après 15 ans, je n'ai plus aucune qualification pour faire autre chose.

Avant de monter dans la voiture, je secouerai mes jambes de pantalon pour en évacuer la terre. Ni vu, ni connu. Personne n’a encore trouvé le tunnel que je creuse à la cuiller sous mon bureau…

16 commentaires:

  1. Serait-ce un peu de découragement ?

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  2. Mon cher Dan c'est sûr qu'une job restera une job avec ses creux et ses crêtes mais dans ces 4000+ étudiants, je suis convaincu qu'il s'en trouve qui ont trouvé leur voie grâce à toi... Je sais que tu le sais... Just a reminder ;-) Félicitation pour ces 15 ans de dévouement.

    ps t'en es rempli d'autres qualifications... Continues de toucher du bois ;-)

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  3. Vous avez une broche plaquée or?!

    Nous, ça se limite à un «certificat de reconnaissance» fait avec Word par la secrétaire de la Direction des études.

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  4. Quel bon texte! L'évasion est du côté de l'écriture. En passant, je trouve l'idée géniale de couper Internet aux étudiants après le 10 mai! :-)

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  5. Rosana: Parfois... Surtout à l'aube de la remise des notes.

    Merci Pierre! J'ai sûrement changé 2 ou 3 hêtres...:)

    Malika: En plus d'être plaquée or, elle est sertie d'un diamant. Mais sors la loupe!

    Hortensia: On part la pétition pour un mois sans Internet pour tous les étudiants!

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  6. T'as assurément les qualifications pour être le meilleur ami qui soit. Ça met pas du pain sur la table mais c'est priceless. Bravo chummy!

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  7. Non mais attend...
    moi je suis travailleuse sociale depuis 10 ans, à ramer contre vents et marées dans des situations pas possibles, à mourir de peur des dans maisons pas possibles, à faire des heures pas possibles et à en rêver la nuit parce que je me demande comment je peux plus et mieux aider un tel et une telle...
    Et à rêver pendant 11 mois et 1 semaines par année à ce que je ferai pendants mes trois semaines de vacances.
    Depuis janvier, j'ai la chance d'enseigner au cégep. La semaine dernière, je faisais des corrections à la Brûlerie, café au lait à la main et je me disais qu'il y a là une liberté sans nom!!!
    Mais moi avant d'avoir une job comme la vôtre il faudrait que je tolère une couple d'années d'incertitude, à ne pas savoir si je travaillerai dans deux mois et si oui, combien d'heures...
    Alors, oui, bon l'angoisse de 15 années à faire un peu la même chose, faut quand même relativiser. (ce que je fais moi-même parce qu'entre nous, ce n'est pas à l'usine qu'on va puncher, ni vous ni moi!)

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  8. En effet, anonyme! Je suis conscient que je profite d'excellentes conditions. Je ne le nierai pas, au contraire.

    Il y a tout de même quelques points plus ennuyants. Pas de quoi écrire à sa mère, mais bon.

    Peu importe le boulot: je ne peux que me questionner sur ce qui motive n'importe quel être humain à s'obliger à 15 ans de surplace (ce qui implique bientôt 20, puis 25, puis, 30, puis...) La passion? La liberté? (voir dans le fait de travailler dans un café «une liberté sans nom», ça en dit gros...)

    En passant, la plupart des gens qui ont une job comme la mienne ont toléré des années d'incertitude, moi compris. :)

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  9. J'adore la finale!

    Cuillère de bois ou cuillère de plastique?

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  10. Les courriels de fin de session. H* que je comprends. Je n'en peux
    plus !

    «Madame, vous allez gâcher ma vie ! Je veux être inhalothérapeute et vous m'en empêchez, le Québec a besoin d'inhalothérapeutes, et je serai bon même si je fais des mauvaises dissertations, même si je fais des fautes, même si à l'examen théorique je n'ai pas su indiquer les années des deux référendums». (Simulation)

    C'est vrai, mais tu vas faire un piètre citoyen. Et d'ailleurs, tout le monde s'en balance, sauf quelques zélés dans mon genre (et qu'on appelle les profs de la formation générale), qui ont un peu peur que tu aies le droit de voter.

    En passant, au chic collège où je travaille, après quinze ans, il n'y a rien du tout, que dalle, sauf des burn out et des pétages de coche.

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  11. Creuser un tunnel, pour aller où ?

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  12. ...mais il y a de ces profs, qu'on n'oublie JAMAIS. De ces profs qui, sans le savoir quelquefois, font une fichue différence pour la suite de l'histoire...
    Et vous êtes sûrement de ceux-là.
    Parce que ceux-là, ils chantent mal!
    ;-))
    Bonnes vacances!

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  13. Je n'ai pas eu l'occasion d'aller au cegep. Dans mon temps, il fallait s'exiler de ma petite ville, et je n'étais pas prête à ça. Il y a quelques jours, ma fille est allée à sa collation de grade, et partira dans quelques semaines pour l'université. Elle a eu quelques profs moins appréciés pour diverses raisons (et elle a raison pour la plupart de ceux-ci); mais la majorité des autres ont pu lui insuffler, ou conserver intact son goût de continuer ses études. À vous lire depuis quelques années, je pense que vous feriez sûrement partie de la deuxième catégorie. Félicitations pour vos 15 ans; ce n'est pas une fin, ou un cul-de-sac. Vous formez le monde de demain, et ce n'est pas rien.

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  14. Vous ne savez pas a quel point vous faites la différence dans la vie de vos étudiants. Je n'ai jamais avoué mon admiration aux profs que j'ai apprécié. Encore aujourd'hui, je pense à eux. Daniel tu m'as jamais enseigné, mais je te dis merci quand même! Je te lis et je sais que tu es un prof qui fait la différence!

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  15. Sur tous les blogues de prof c'est pareil, ils se plaignent. À croire que leur job soit la seule qui impose des restrictions, des frustrations. Ensembles, ils se motivent au chialage. Je crois que vous le savez: ailleurs c'est pas mieux, parfois c'est pire.

    Je blague à moitié, je sais que vous faites aussi de l'humour et que des «down», n'importe qui peut en avoir.

    Faut juste faire attention de ne pas trop se croire ou alors tout balancer et vivre sans filet de sécurité, comme d'autres le font. Cela procure certains avantages comme celui d'apprécier ce qu'on ne voit plus.

    Accent Grave

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  16. @ Mo K : Je te garde la pinne. Et la plaque laminée.

    @ Nathalie : jusqu'à... euh... (note à moi: établir un objectif)

    @ Accent grave : Comme vous dites, le truc est de ne pas trop se croire. Après, on peut dire n'importe quoi.

    Le seul problème quand on est prof est que dès qu'on ose chialer un peu, on nous rappelle que notre job n'est pas le pire. ON LE SAIT!!! On peut-tu juste chialer pour chialer? La journée que je vais vraiment trouver cela insupportable, je vais partir. En attendant, je chiale en faisant des clins d'oeil, tout en ne cachant jamais les nombreux bons côtés à mon boulot.

    @ Anonymes : vous êtes si gentils! Merci!

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