vendredi 29 septembre 2006

Gluh!

Tout le long du voyage en Toyota, ma chatte s’est frotté les joues sur mes doigts passés au travers la grille de sa cage. En bon Judas, les yeux vers les feux de circulation, je lui disais qu’il n’y avait rien là, que tout allait bien, que j’étais là…

Chez le vétérinaire, Gluh! est sortie de sa cage doucement, en reniflant l’air aseptisé. Je regardais les images de chats en écorchés, de cœurs de chien remplis de vers, de mappe nord-américaine sur la distribution de différents virus canins. Il ne faisait pas bon être chien en Louisiane. Il ne faisait guère mieux être un vieux félin chez le vét…

Je flattais ma chatte. Je lui ai menti encore un peu, sauf pour quelques bouts de phrase où ça parlait d’amour. Le vétérinaire est entré avec quelques millilitres d’anesthésiant. Gluh! a tranquillement lâché prise, sa tête s’est déposé dans ma main, les yeux grand ouverts. Je ne disais plus rien, je n’avais plus à mentir. On est restés quelques minutes seuls, le temps de me sentir salaud en profondeur. Puis est arrivée la seconde injection. Gluh! s’est détendue, sa langue est sortie, je me suis étranglé. C’était vraiment trop facile.

Je suis rentré à la maison en respirant lentement, à fond, effroyablement vivant. Tout le reste de la journée, j’ai tourné en rond entre la litière à vider et la gamelle à laver. La chatte était partout, se lèchait la patte sur la chaise, dormait sur le lit.

À minuit trente, l’heure où elle demande habituellement de sortir pour ses escapades nocturnes, j’ai ouvert la porte arrière. Aucun bruit dans la ruelle. Gluh! a hésité un peu, puis elle est sortie à pas furtifs, en reniflant, craintive. Cette fois, elle ne me rapporterait pas de rats. Elle m’a regardé refermer la porte derrière elle. Depuis la fenêtre, je lui ai fait un petit salut du menton, j'ai verrouillé, puis j’ai pleuré comme un con.

mercredi 27 septembre 2006

Soucis d'enfant contemporain

Clara, quatre ans, demande à sa mère:
- Maman, est-ce qu'une fille peut être amoureuse d'une autre fille?
- Bien sûr ma chérie, répond la maman.
Clara réfléchit quelques secondes, puis demande:
- Alors... Qui va tuer les araignées?

On ne peut tuer tous les stéréotypes en même temps...

lundi 25 septembre 2006

Layla en périphérie d'Hollywood

Layla est arrivée à mon bureau doucement, sur la pointe des pieds, en prononçant toc toc toc plutôt que de frapper. Elle avait la jambe longue et la robe courte, comme le permettaient cette chaleur de fin mai et son insolente jeunesse. Layla ne disait rien, attendait dans l’embrasure, les mains derrière le dos. J’ai laissé en plan mes dernières corrections avant la remise des notes finales et je l’ai invitée à entrer. Elle a fait deux pas en avant puis a exécuté un court arc de cercle avec sa tête pour ramener tous ses longs cheveux bruns sur la même épaule. Il n’y manquait qu’un ralenti pour que lejeu soit complet.

Layla était une des étudiantes de mon cours du vendredi, un cours difficile où je devais me battre avec leur soirée de la veille, la fin de semaine prometteuse et un local surpeuplé. Après quelques présences erratiques, elle était disparue au début avril sans jamais donner de nouvelles. Mais voilà que cette belle au teint méditerranéen venait me voir à mon bureau, une Lolita à quelques jours de la remise des notes. Il y avait une odeur de chauffé que je ne savais identifier...
- Layla… Où étais-tu?
- Monsieur, j’ai eu un tas de problèmes…

Voilà. La litanie de l’absent repentant allait commencer, avec son lot de maladies, de pannes mécaniques et de décès de grands-parents habitant invariablement à Sherbrooke, à Toronto ou en Europe. C’est fou la quantité de grands-parents qui profitent des études collégiales de leurs petits-enfants pour mourir… J’ai coupé court au laïus. J’ai consulté mon cahier de présences en prenant soin de camoufler les pages vierges de ma main. J’ai toujours fait semblant de prendre les présences.
- Je compte ici que tu as manqué, au bas mot, près de la moitié de la session, sans compter l’examen de mi-trimestre et le travail final…
- Oui mais…
- Ça doit expliquer en partie ton 45%...
- Oui mais je dois absolument passer ce cours. J’en ai besoin pour être acceptée à l’université en août prochain.
- Mais Layla, il fallait y penser en avril… en janvier, même. Pas à la fin mai!

Une grosse larme a coulé sur sa joue et, le menton dans son décolleté et le regard coupable collé au plancher, elle me supplia.
- Il me faut passer ce cours. Mon père va me tuer sinon.
Puis, les mains toujours dans le dos, elle releva un peu les yeux avec une soudaine assurance. Le charme terrible des yeux de femmes qui ont pleuré…
- Je suis prête à faire n’im-por-te quoi pour passer ce cours…
Aucun cours de pédagogie ne m'avait préparé à cela. Ce n’était plus une odeur de chauffé que je flairais, mais bien un incendie. J’ai immédiatement pensé à Nabokov, aux films hollywoodiens qui se terminent dans de déchirants procès, à The Police. J’entendais le refrain de Don’t Stand So Close to Me… Ma porte était encore ouverte, le département malheureusement libre de témoins. Putain de fin de session. Un tas de scénarios se sont joués dans ma tête en moins d’une demi-seconde, et tous me criaient de fuir.
- Je suis désolé Layla, dis-je d’un trait. Va falloir se revoir lors du cours d’été.

Alors que j'imaginais qu’elle craquerait, ou pire scénario, qu'elle insiterait, la belle désespérée a relevé la tête et a encaissé le refus avec un aplomb qu’on voit rarement à cet âge. Elle a replacé un mèche invisible sur son front puis a marmonné quelque chose d’inintelligible avant de disparaître comme elle était arrivée, sans faire de bruit. Moi, j’ai fermé ma porte puis je me suis écrasé sur ma chaise, épuisé comme après un long combat.

Je n’ai pas revu Layla l’été suivant, ni après. J’imagine que c’est ainsi que se termine la majorité de ces incidents dans la vie en périphérie d’Hollywood.

samedi 23 septembre 2006

Attention, je vous écoute...

Alors qu'on discutait du dernier papier de Josée Blanchette dans le Devoir sur la testostérone que dégagent Patrick Huard et Colm Feore dans Bon Cop, bad cop, Dame V. y est allée de ce constat:
«C'est sûr que les deux font très cholestérol...»

jeudi 21 septembre 2006

La Communication par les enfants

Je n’avais jamais imaginé qu’un bébé aiderait à ce point la communication dans mon couple! Depuis Romane, Dame V. et moi nous disons tout. Une frustration? Un compliment? Une simple remarque? Nous n’avons qu’à passer par la petite! Je vous explique:
Dame V. prépare votre met préféré et ça vous fait plaisir?
«Elle est gentille maman de faire du bon pâté chinois, hein?»
Papa est fâché car il vient une fois de plus de tester positivement la loi de Murphy qui stipule qu’une rôtie tombe invariablement du côté beurré?
«Papa est de mauvaise humeur ce matin. Wou… »
Aussi, la communication s’avère aussi plus aisée avec autrui, même les autruis inconnus!
La caissière de l’épicerie est sèche et bourrue?
«On n’aime pas ça nous, des airs bêtes de même, hein?»
Une belle fille avec plein de qualités s’intéresse à mon enfant?
«Elle est jolie, la demoiselle, tu trouves pas?»
Et ainsi de suite.

Pour ceux qui n’ont pas la joie d’avoir un bébé, expérimentez la chose avec votre chat, votre chien, ou un melon sur lequel vous aurez préalablement dessiné des yeux et une bouche. Ça marche aussi, mais ça peut inquiéter quelques voisins…

Moi, je continue à en profiter pendant que le belette n’y comprend que dalle. Après, c’est elle qui me dira trop fort dans l’autobus «Papa, il est laid le monsieur, hein?»

mardi 19 septembre 2006

Petit Guide du racisme tranquille

Dans le Globe and Mail de samedi dernier, la chroniqueuse Jan Wong explique les actes de Marc Lépine (école Polytechnique), Valéry Frabrikant (université Concordia) et Kimveer Gill (cégep Dawson) par le fait qu’ «ils avaient tous trois été marginalisés par une société qui valorise l’ascendance "pure laine".» Ainsi, peu importe si le crime fut commis envers des femmes, des immigrants ou des Anglos, c’est la faute aux Québécois francophones…

Je trouve cette affirmation fort révélatrice sur le racisme qu’entretient une partie du Canada anglais à l’égard du Québec. Pour les aider dans leurs analyses futures, je propose quelques conclusions :

Si un Anglo ou un immigrant tue des Québécois francophones, c’est qu’il est opprimé par ces derniers;
Si un Francophone tue des Anglos ou des immigrants, c’est qu’il est raciste;
Si un Francophone tue d’autres Francophones, c’est qu’il est violent (et que les victimes étaient invivables!);
La guerre en Afghanistan? La faute aux méchants, méchants Québécois;
Le réchauffement de la planète? La faute aux Pures-laines;
Le virus du Nil? Ça vient de la Louisiane (Bayous, Cajuns… CQFD);
Michèle Richard? (ok, je concède que c’est de notre faute!)

Avez-vous besoin d’autres boucs émissaires pour d’autres problèmes sociaux?
Pensez au Québec! Nous sommes 7 millions, et on cherche à se rendre utiles!

samedi 16 septembre 2006

Attention, je vous écoute...

(Extrait de conversation)
Marc-André Goyer dit Le beauf – […] J’ai magasiné des draps en coton organique.
Moi – C’est quoi ça, du coton organique?
Le beauf – Je sais pas trop… Ça doit être du coton pris directement du mouton…

jeudi 14 septembre 2006

Tirer la ligne

Drelin… Drelin…
Clic.

- Bonjour, vous avez rejoint le numéro que vous avez composé. Laissez-moi pas de message, j’les écoute pas.

Biiiip.

- Salut Kim... C’est ta mère... (Soupir) Kim?... Réponds, je l’sais que t’es là, tu sors jamais... Kim?... Ki-im... (Soupir) Bon, anyway, je voulais juste avoir de tes nouvelles... Je sais, ça fait six mois qu’on ne s’est pas parlé. J’ai appelé plusieurs fois, mais j’ai pas laissé de message... Sais pas trop pourquoi. Peut-être parce que je savais pas quoi te dire. Anyway. Là, j’appelle parce que... (Soupir) Je sais pas si tu écoutes les nouvelles à la télé, mais il y a eu une tuerie à Dawson. Une vraie, comme aux États. Bon, avec Polytechnique et Concordia, Michael Moore est sur le point de faire un film sur Montréal... Anyway... Je t’appelle parce que je sais que tu as des amis qui vont à Dawson, et même si je les trouvais un peu bizarre, je m’inquiétais un peu pour eux… Remarque qu'ils ont peut-être lâché le cégep, il serait temps, à leur âge... Ou mieux, peut-être qu'ils ne sont plus tes amis maintenant. Ça me rassurerait. (Soupir) Ils avaient l’air tellement violent. J’ai jamais compris pourquoi tu te tenais avec eux... Anyway... Mais toi? Ça va bien?... (Soupir) 'Stie, Kim... Pourquoi t’es parti de la maison sans nous avertir?... Tu savais que ton père s'est fait un sang d’encre pour toi? Il a presque perdu sa job à cause de toi... En tout cas, on ne vit plus ensemble depuis juillet. J'pense que c'est mieux comme cela... Il m’accusait tout le temps d’être responsable du gâchis que tu étais devenu... (Soupir) Je le savais que t’avais de drôles de fréquentations, que ta fixation pour les armes à feu était étrange... Mais je me disais que c’était une passe adolescente, un peu comme la musique de poils que t’écoutais tout le temps dans le temps... T'écoutes-tu encore ça? Anyway... Je sais pas trop pourquoi je te dis tout cela tout à coup... Ça fait trop longtemps que je t’ai vu, Kim... Anyway. Je retourne écouter les nouvelles, ça a l’air qu’il vienne de tuer le tireur de Dawson. B’en bon! Un criss de fou de moins... Je sais pas quel genre de parents élève des enfants de même... Anyway... Euh... Kim...(Soupir) Je...

Biiiip.

- ...t’aime.

mardi 12 septembre 2006

Tamponnade

Karine danse depuis qu’elle sait marcher. Peu après son quatrième anniversaire, ses parents l’inscrivirent à un cours de rythmique. S’enchaînèrent ensuite leçons de ballet jazz, de danse sociale, de ballet classique, de nô même, si bien que dès l’âge de sept ans, quand Karine entendait 1-2-3-4, elle répondait 2-2-3-4, 3-2-3-4 en riant.

Son adolescence se passa la corne au pied avec des affiches de Barichnikov, de Soleil de nuit et de LaLaLa Human Steps. Elle savait bien minces ses chances de percer, mais elle était belle, marchait droit, s’entraînait beaucoup, pratiquait toujours. Elle a même changé son nom pour Karina. Parce que. Puis, un jour de spectacle, elle fut repérée par un grand inconnu qui lui offrit un contrat, certes peu rémunérateur, mais tout de même plus payant que son boulot à la beignerie qui meublait ses rares temps libres. L'«exposure» prometteur rendait l'offre impossible à refuser.

Pour ce grand inconnu, Karina dut interpréter la joie, la légèreté et la liberté dans une publicité télévisée. En fait, elle mit toute sa formation à profit pour faire virevolter une longue jupe blanche qui, dans un magnifique jeu de fondu cinématographique, devenait un tampon très absorbant.

Karina fut sur tous les écrans dans toutes les chaumières pendant près d’un mois. Elle disparut ensuite au profit d’une brunette vaporeuse qui faisait du cheval dans un champ de marguerites. Karina resta près du téléphone à espérer un second contrat, en vain. Puis essoufflée, écartelée entre un rêve fugitif et des créanciers insistants, elle laissa tout tomber, rêves et rires, pour devenir professeur dans une petite école de danse d’un quartier bourgeois.

Karina aura suivi des cours de danse pendant seize ans pour finalement faire une pub de tampons. Des tampons extraordinairement absorbants.

lundi 11 septembre 2006

Échec aux terrorisme

Grâce à Stephen, George et tous les douaniers gantés de caoutchouc de l’aéroport Dorval-PET, les terroristes manquent désormais de moyens pour mener à mal(!) leurs projets de destruction. La preuve en fut faite hier alors qu'un avion a manqué les gratte-ciel montréalais et est atterri de déception sur l'avenue du Parc, devant le Mont-Royal (et mes yeux ébahis).

jeudi 7 septembre 2006

Maux d'étudiants

Voici quelques perles d'étudiants (que j'adore toujours autant). Ils devaient me décrire, en quelques mots, qui ils sont, ce qu'ils veulent faire dans les cinq prochaines années, ce genre de bla bla un peu ennuyant mais malheureusement nécessaire pour m'assurer qu'ils sont bien au bon niveau de français. Ai-je dit ennuyant? Pas toujours...

«C'est sûr que dans la vie, on ne peut prévenir l'avenir.»
Attention futur, j'arrive!

«Dans le futur, je veux poursuivre la loi.»

Chauffeur, suivez cet amendement!

«Le procès pour devenir chirurgien dure à peut prêt onze ans.»

Et ça, c'est si tu plaides l'aliénation mentale lors du processus.

«L'art est une façon de dire aux autres ce que tu sens.»
Je connais deux ou trois artistes qui ne doivent pas sentir la rose...

«D'ici cinq ans, j'aimerais m'acheter une Monte Carlo 2011.»

Mon ami, un précurseur, voudrait une Audi 2016.

«J'ai deux chiens que j'aime infiniment, une soeur que j'aime un peu, et une mère que je considère plus comme une amie.»

Et un copain que je flatte, et une voiture que j'appelle papa.

«J'aimerais bien voyager en Italie pour pratiquer.»
Quand je serai bon, je voyagerai en France.

«Compléter mon cégep sera difficile; il y aura des temps ou je voudrais sûrement m'abandonner.»

Sans moi, je suis perdu!

mercredi 6 septembre 2006

Attention, je vous écoute...

(moi)
-Finalement, toi, quand un verre est à moitié plein, tu le vois à moitié vide!
(Dame V.)
-Ouep! P'is j'me prépare à avoir soif!

mardi 5 septembre 2006

One less tata; billions to go.


Dans le cas de Steve Irwin, mourir tué par une raie, c'est un peu comme si un parachutiste extrême mourait en tombant en bas de sa chaise. Et pour tous les crocodiles qui ont tenté de le mordre, se faire damer le pion par une raie, c'est perdre une course derrière un cul-de-jatte... Ça s'appelle rater sa sortie!

On ne peut dire qu'il n'a pas couru après! (bon, ok, cette fois, il nageait...)

Irwin doit déjà être à cheval sur saint Pierre en train de le maîtriser, cet hurluberlu.
***

Juste pour le «spectacle» avec son bébé, je te remercie, raie!

lundi 4 septembre 2006

C'est toujours parfois.

Parfois, on a les jetons. Parfois, on suit, juste pour voir ce que les autres ont. Parfois, ils font semblant. Parfois, on mise plus gros que l’on pense. Parfois, on a des couilles grosses comme ça. Parfois, les couilles des autres nous ramènent la queue entre les jambes. Parfois, on abdique trop tôt parce que parfois, on est en béton. Parfois, on reste par foi, en toute bonne ou par mauvaise. Parfois, on va trop loin. Parfois, revenir fait mal, mais plus de bien que continuer. Parfois, il faut fuir pour survivre. Parfois on reste sans savoir pourquoi. Parfois, on veut juste voir la prochaine carte. Parfois, on rit dans sa barbe. Parfois, on rit fort. Parfois, gras. Parfois, on ne rit plus. Parfois, on ne parle pas assez fort. Parfois, ne rien dire c’est faire un aveu. Parfois, on reste sérieux pour camoufler le bluff. Parfois, on blague pour cacher que c’est sérieux. Parfois, sachant cela, on fait vice versa. Parfois, pensant que l'autre pense qu'on fait semblant, on fait pour vrai. Parfois, on est fou. Parfois, ce n’est jamais comme cela. Parfois, ce l’est souvent. On ne sait jamais quand ce sera parce que parfois, c’est peut-être la prochaine fois. Parce qu'inévitablement, une bonne fois, ce sera un de ces parfois.

vendredi 1 septembre 2006

Je nourris ma vengeance au biberon

Semaine de rentrée collégiale.
Les étudiants de cette année naissaient alors que je finissais mon cégep. Soupir. Ils n’ont jamais connu le monde de mon adolescence, ce monde où Beta et VHS se faisaient la guerre, où George Michael faisait semblant d’être hétéro, où les chanceux qui n’étaient pas obligés de se lever du sofa pour changer de poste le faisaient avec une télécommande grosse comme un cahier à anneaux équipée d’un long fil qui envahissait le salon avant de se rendre à la télé. Ces étudiants ne se souviennent pas de la chute du mur de Berlin ni du courage des Chinois sur la place Tiananmen, et ont à peine eu conscience de la mort de Curt Cobain ou de celle de centaines de millier de Rwandais.

Pour les garder éveillés, je dois renouveler mes blagues sur Passe-Partout, blagues que j’avais déjà empruntées à une génération plus jeune puisque je suis de la génération de Bobino.

Au département, alors que j’y ai été embauché assez jeune, il y a maintenant quatre professeurs plus jeunes que moi. Et comble de tout, d’anciennes étudiantes viennent me dire bonjour, enceintes jusqu’aux yeux, entre deux journées de travail comme professeur, médecin ou ingénieur, et se rappellent en riant le jour où je leur avais fait analyser Elvis Gratton en classe, ou encore cet halloween où j’ai enseigné habillé en ballerine.

Those were the days, my friend
We thought they’d never end…
dit la chanson.

D’autres avant moi ont dit la même chose en me voyant arriver, il y a de cela quelque temps. Je me foutais de leurs états d’âme comme mes étudiants se foutent des miens. Ils ont bien raison de le faire, même s’ils m’énervent au plus haut point.

Un jour, ils me comprendront en voyant arriver ma fille. Étrange de penser que ce petit bout de femme pour l’instant à peine âgé de quatre mois sera ma vengeance...