dimanche 15 octobre 2006

Un Prof près de chez vous, première partie : le bobo

Le professeur de français au cégep* est une espèce fragile que seul le milieu de travail hyper syndiqué des cégeps a su préserver d’une disparition certaine. Il a parfois la santé fragile – comme en fait foi son niveau élevé d’absentéisme - mais il a le teint frais de celui qui sort de chez-soi régulièrement. De l’extérieur, cette espèce semble monolithique, taillée d’un bloc du même bois… Que nenni! Dès qu’on s’approche des éléments qui la composent, ces derniers qui semblaient de loin tissés serrés prennent des airs d’électrons déments qui s’entrechoquent par orgueil ou, plus probablement, par ennui.

Alors quels sont ces électrons qui composent cet atome à la fois fragile et résistant?
Je tenterai d'en faire le tour au cours des prochains blogues.
À tout seigneur tout honneur, je commencerai par les deux piliers, voire les fondateurs-mêmes du département de français : le bourgeois-bohème (le bobo) et le hippie (à suivre).

Aujourd'hui: le bobo.

Le bobo se prénomme habituellement André.
André s’est retrouvé au cégep dès ses débuts (en 1970) parce qu’il voulait aider à soutenir une poutre lors de sa construction et qu’il n’a su partir par la suite. On l’entend souvent dire que c’est grâce à lui si le département participe à telle ou telle activité, que les profs ont accès à tel ou tel matériel. Selon la rumeur, il a fréquenté plus d’une professeure du même cégep au cours de sa carrière, et il a une amitié indéfectible avec une belle du département de théâtre avec qui on le voit en soirée au centre-ville, mais bien malin celui qui pourra déclarer avec certitude s’il est gay ou non. Le regard amusé, la voix sûre et posée, André est capable de discuter sports, musique et actualité en même temps, ce qu’il fait nonchalamment en butinant d’un bureau de professeurs à l’autre, quand il n'est pas occupé à papoter de tout et de rien avec les dizaines d'étudiants qui passent le voir comme ça, pour rien, pour jaser de la dernière galette d'Eminem (qu'André a bien sûr achetée) ou de la prose de Jean Leloup-Leclerc.

Le bobo ne semble jamais avoir de cours à préparer ni de corrections à faire. Quant à son enseignement, André réussit à remplir quinze semaines de cours avec les mêmes livres depuis toujours malgré les huit changements de programmes ministériels, un vieux film d’auteur et une boîte de céréales pour le volet poésie.

Il est le seul de son âge à connaître les marques de vêtements à la mode et à s’en revêtir sans avoir l’air de souffrir d'un pathétique jeunisme.

Rien ne semble venir à bout de sa souriante quiétude et, avec un peu de chance, André prendra sa retraite avant de se casser une hanche en ski alpin.

Demain: Le hippie.

* Collège d’Enseignement Général Et Professionnel. Équivalent québécois de la dernière année du bac et de la première année universitaire françaises. Niveau tampon entre l’école secondaire et l’université, sauf pour son volet professionnel qui forme des policiers, des hygiénistes dentaires et des infirmiers, pour ne nommer que ceux-là.

13 commentaires:

  1. Je connaissais le boba (bourgeois banlieusard) mais pas le bobo.
    Alors, ton bobo, c'est un bobo-ba ou bien un bobo-u ?
    Terminons en chanson: "un b avec un a fait ba, un b avec un e fait be, un b avec un i fait bi avec un o fait bo avev un fait buuuuu!! Ba-be-bi-bo-bu!"

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  2. Basduck: le terme bobo fut utilisé la première fois en 2000 par David Brooks dans son livre Bobos in Paradise.

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  3. Démétan,

    J'espère qu'au fil de vos blogues vous aurez l'audace de parler 1- des professeures castatrices qui ont la cinquantaine bien enveloppée et qui parlent bien fort pour que tous les entendent, habituellement appelées Louise, et 2- des professeures-veste-de-laine-beige insécures dont le sport national consiste à se plaindre continuellement de la lourdeur de la tâche !

    Je vous lis avec intérêt, évidemment. Allez : éclatez-vous !

    Chantale

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  4. Chantale: ces professeurs sont en effet sur ma liste!

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  5. J'ai hâte de voir comment tu vas te décrire...

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  6. Se plaindre de la lourdeur de la tâche, ça fait pas partie de la tâche, ça ?

    Je croyais.

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  7. Cher Blogger , je crois sincèrement qu'André est mon professeur au Cégep et je crois sans aucune équivoque que votre blog mon cher est mon chouchou d'orginalité et de ressourcement ... J'ai par contre quelque chose à vous demander mon chez pourrais je prendre le titre de votre BLOG '' J'écris parce que je chante mal '' pour le titre de mon prochain travail ''nouvelle'' en création littéraire , avec tout le respect que je vous dois .. :) !

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  8. J'ai l'impression que vos collègues vont être très intéressés à vous lire. Pour certains soixante-huitards bien fossilisés qui se fondent dans le décor de nos collèges, ça sera la première fois qu'ils lisent depuis au moins une quinzaine d'années.

    Sans doute, le risque est grand de vous faire détester, un peu à la manière d'André Drainville et son roman dans lequel plusieurs de ses collègues du département de science politique de l'U. Laval se sont reconnus. Ne vous privez surtout pas d'être corrosif.

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  9. Chère Plectrude b, allez, allez, servez-vous. Et si vous me citez en bibliographie, alors là, je ne pourrai qu'être heureux!

    Anonyme: je sais que deux de mes collègues me lisent, mais ces deux-là sont gentils, fins, compréhensifs, brillants, tout ce qu'il y a de professionnels... Rien de très nutritif pour ma corrosion. Les autres par contre... ;)

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  10. T'es trop chill man(ospèce de language d'adolescent toi!)

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  11. En tant que collègue gentilly, pas fin, incompréhensif et morne, je suis flabeurcastré de constater aucun ouragan de protestatoires démentis dans les couloirs...

    Eh ben!

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  12. Portrait numéro 1 très réussi... on devrait inclure les descriptions dans le guide étudiant... à la rentrée.
    Service aux étudiants....

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  13. Observateur d'un véritable cirque, Francoeur se veut le dernier rempart de l'individualité éclairée. Génie méconnu, gardien de l'intégrité, il sacrifie jusqu'à sa raison pour résister au cancer économico-centrique dont ses collègues sont devenus les propagateurs.

    Il y a quelques jours à peine, à l'Université McGill, le dossier de la privatisation de la Faculté de droit refaisait surface. De quoi voir dans le roman de Drainville autre chose qu'un défoulement fantaisiste. Si le portrait qu'il brosse de l'Université Mazarin demeure très moliéresque, on y trouve matière à accélérer le débat sur le destin d'institutions dont l'autonomie est, pour le moins, en mutation. Une histoire à poursuivre, bien sûr.

    THIERRY BISSONNETTE

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