mardi 24 octobre 2006

Un Prof près de chez vous, cinquième partie: la pédagogue

L’œil extérieur verra en la pédagogue cette professeure dynamique et motivée que tous rêvent d’avoir et ce, malgré ses dizaines d’années d’expérience qui semblent avoir épuisé toutes énergies chez ses collègues. Cet habit lui permet d’être connue jusque dans les hautes sphères ministérielles. Cependant, le jupon dépasse…

Cette professionnelle, appelons-la Monique, court les formations pédagogiques offertes lors de weekends dans les hôtels de la province. Elle y connaîtra par leur prénom la plupart des conférenciers qui y sont invités. Monique y parlera du manque d’attention dont font preuve ses étudiants, qu’elle considère souvent comme des débiles légers. Pourtant, alors que les conférenciers déblatèrent, elle parle avec ses voisines tout le temps, fait répéter le lecteur, pose des questions trente minutes en retard, parfois sans écouter la réponse. Les profs sont les pires étudiants et elle tâche de le prouver.

Monique parle en long et en large de tout, et semble bien incapable de concision. Les gens qui la croisent auront beau multiplier les signaux de fin de communication – ces «bon b’en», «ouain, il est tard» et autres «ouaaaaaaais… ouais-ouais» - elle continuera à s’étendre sur l’ordre du jour de la prochaine réunion départementale. Elle a une opinion franche et directe sur tout, et pour Monique, être prof, c’est avant tout le dire.

Elle connaît toutes les techniques pédagogiques et tente souvent de les appliquer le temps d’un flop, car elle est incapable de se mettre à la place de l’étudiant : son plan de cours contient huit pages de descriptions techniques de l’apprenant, elle y cite des didacticiens allemands (en allemand) et aura une liste d’interdits longue d’une page et demie. À l'opposé, dans ses cours, elle aborde des textes qui parlent de groupes rock sur le déclin, de l’amour entre un jeune et son vélo rouge, ou de l’histoire inusitée du créateur des Pokémons.

Elle a obtenu moult dégrèvements au fil des ans, la plupart pour créer des banques de données qui recoupent divers traits estudiantins pour un meilleur test de sortie, dresser des listes de matériel pédagogique obscur ou établir des lexiques spécialisés. Elle inondera ses collègues d’anecdotes et de statistiques pendant la rédaction de son rapport, puis le tout s’estompera dans un étrange et profond silence. Un soir, dans cinq ou six ans, peu avant de s’endormir, un prof se souviendra que Monique avait travaillé sur quelque chose… mais quoi?

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Je vous rassure, il ne me reste que deux profs - et non les moindres: le pseudo-français et la revanche des tronches. Après, retour à l'heure normale...

2 commentaires:

  1. J'adore cette série de descriptions! Je les attend tous impatiemment...

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  2. Très lucide chronique sociologique....
    C'est quoi la motivation de cet étalement?

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