vendredi 30 décembre 2005

Aphorisme

La femme, comme l'herbe, est toujours plus verte chez le voisin.

mercredi 28 décembre 2005

Des Coquilles et quelques écales

Quelques extraits de compos étudiantes. Pour Nouelle.

«Le monde du cinéma a connu le relâchement des films Star Wars (...)»
C'est vrai qu'ils se sont relâchés un peu...

«En 1949, l'empereur Mayo bannit le bandage des pieds en Chine.»
Cette coutume avait été instaurée par l'empereur Tomato Ketchup.

«Le père donnait des cours de piano à ses enfants et il les faisait tester toutes les fins de semaine».
Ça vaut mieux; ils ne sont plus aussi fiables que ceux de notre temps.

«Le roman de Vigneault est rempli de références musicales qui embellissent la beauté du texte.»
C'est tellement beau que ça embellit le déjà beau. C'est beau, beau, beau.

«John Wayne Bobbit est opéré dès les retrouvailles du pénis.»
C'est sûrement plus excitant que les retrouvailles des membres du club de dames de la polyvalente Euclide-Théberge cuvée 1983.

«Il la maltraitait autant sexuellement que quotidiennement.»
Il la frappait dans les parties quotidiennes.

«Le livre possède une histoire enchaînante avec des personnages attachants.»
On ne pouvait s'enlacer...

lundi 26 décembre 2005

«Simple et rapide»

Lundi matin, un couple d’une soixantaine d’années est venu à la machine photo du centre d’achats. Alors que la dame sortait un document d’un grand sac Sears, l’homme tentait de comprendre comment fonctionnait cette espèce de numériseur public. «Simple et rapide» indiquait le message d’accueil sur l’écran. La tête droite, l’homme essayait de lire au travers ses doubles foyers la marche à suivre imprimée en caractères trop petits. Une à une, sa femme a sorti des photos d’une autre époque, triées consciencieusement les jours précédents. Une à une, le retraité a numérisé, recadré, balancé les couleurs, bleuté les yeux rougis comme d’autres corrigent des examens. Il appuyait sur des boutons avec cette crainte qu’on a toujours devant des machines inconnues, enregistrait ses modifications, tentait d’oublier que ses genoux s’impatientaient, tout cela pendant que sa femme chassait à coups de sacoche la grosse fausse blonde trop maquillée qui soupirait d’impatience derrière eux. Quatre heures devant un écran à revisiter le passé. À la dernière photo, sur le point d’imprimer son œuvre, l’homme a soupiré, content et un peu fier; le centre fermait ses portes dans quelques minutes, ils avaient réussi. Il a appuyé sur la touche «Terminé» pensant entrer en phase d'impression. L’écran est revenu à son message d’accueil : «Simple et rapide».

L’homme a regardé sa femme, le regard dans une buée à mi chemin entre le découragement et la rage. Il ne restait plus qu’à tranquillement rentrer à la maison. Ils n’ont pas beaucoup parlé ce soir-là.

Le lendemain, à l’ouverture du centre d’achats, le couple était à nouveau devant le numériseur. Cette fois, la femme avait un plus petit sac, et l’homme a numérisé et imprimé son contenu en moins d’une heure avant de rentrer chez-lui heureux, en tenant sa femme par la main. Les deux amoureux sont revenus au centre tous les matins suivants, pour une heure chaque fois, et chaque fois, ils repartaient avec le sourire et leur petit sac. Puis le samedi matin, une grosse fausse blonde trop maquillée était à la machine. Les retraités avaient fini leur boulot.

* *

Ce Noël, entre autres cadeaux, mes parents m’ont donné un album photo personnalisé avec contenu fraîchement numérisé, recadré, recoloré: moi à mon baptême dans les bras de mes grands-parents; moi et mes amis à ma fête de cinq ans; ma mère qui tente de convaincre ses enfants de prendre une belle pose pour la postérité alors que nous faisions des grimaces, moi assis sur un cheval tandis que mon père tenait les guides… J’ai calculé rapidement que mon père avait 36 ans sur cette photo. Mon âge aujourd’hui. Puis une photo de mon petit frère et moi dans notre «suit» de baseball… J’ai toujours haï le baseball. Pourtant ce Noël, j'ai été ému à la vue de cet uniforme et de mon gant trop grand. Ces photos montraient ce que des yeux étrangers ne verraient jamais.

Ce Noël, j’ai probablement eu un des plus beaux cadeaux. Et un cadeau comme ça, ce n’est jamais simple et rapide.

mercredi 21 décembre 2005

Les Rois déchus de la montagne

Quand j’ai emménagé à Montréal à l’âge de 18 ans, j’étais fasciné par la frénésie humaine que provoquait une tempête de neige. Je pouvais passer des heures assis à la fenêtre de mon appartement de la rue d’Iberville à regarder les gens se stationner en biais, à pousser leur bazou soudainement innofensif à cause de quelques centimètres de neige sous les roues. Dans ma vie rurale d’avant, l’hiver, un camion, une souffleuse ou une charrue (une grosse gratte jaune sale avec des roues avant géantes inclinées de côté) tassait la neige sur le bord des rues et créait des montagnes de neige qui fondaient jusqu'à la mi-juin et qui redonnaient au printemps les mitaines et les tuques qu’on y avait oubliés. Dans ces montagnes, on construisait des forts, on creusait des tunnels, on inquiétait nos parents car ces montagnes de neige écrasaient son lot d’enfants à chaque année, toujours dans de petits villages éloignés où les gens devaient être bien cons, du moins plus que nous qui l’étions déjà pas mal. Mais à huit ans, ces montagnes étaient des pays qui ne nous laissaient rentrer au chaud que lorsque notre habit de neige et le feutre de nos bottes de ski-doo étaient trempés de bonheur gratuit.

À Montréal, j’ai vite compris que les montagnes de neige n’étaient pas aussi ludiques. Quand on les laissait quelques jours sur le bord des trottoirs, des enfants s’y glissaient comme la vermine s’immisce dans les ordures, et immanquablement, quelques-uns se faisaient manger par une souffleuse au conducteur un peu édenté, en bédaine dans sa cabine vitrée. Alors on s’est vite convaincus qu’il fallait enlever la neige tout de suite dans un ballet mécanique impressionnant. J’ai passé toutes mes premières neiges montréalaises appuyé au rebord de la fenêtre pour regarder les chenillettes déblayer le trottoir, puis un tracteur pousser la neige dans la rue, la charrue la repousser sur le bord, une première souffleuse la projeter maladroitement dans des camions dignes de la baie James. Puis tout recommençait une autre fois, parce que les camions bavaient, parce que la souffleuse ne savaient pas quand s'arrêter de souffler, parce qu’il en restait un peu partout. Et derrière tout cela, des automobilistes roulaient à vitesse réduite pour profiter d’une place de stationnement toute neuve juste devant leur porte, luxe urbain éphémère, et ces derniers rentraient chez-eux enorgueillis en se disant que c’est don’ beau, une belle rue propre propre.

Hier, j’ai regardé cet étrange ballet une autre fois. Ça faisait longtemps que je ne l’avais pas fait. Je l’ai trouvé bien triste. Peut-être est-ce l’âge, peut-être est-ce la paternité qui s’en vient, mais j’aurais échangé tous les tracteurs de la ville pour m’asseoir devant ma fenêtre et regarder des enfants conquérir des forteresses de neige. Des forteresses faussement menaçantes qui empêchent les voitures de se stationner et qui redonnent les jouets oubliés au printemps.

Peut-être devrais-je descendre dans la rue, m'emparer d'une montagne en y construisant un fort, puis y planquer un tas de munitions en balles de neige, et la défendre contre les charrues jaunes conduites par des hommes bronzés en hiver. Il est fort à parier que mes voisins me trouveraient débile. Vous n'avez pas idée à quel point ça me rassurerait... Des volontaires? Il me manque des grenadiers et des lanciers avec des couilles grosses comme ça. Un cuistot aussi. Envoyez vos c.v.

lundi 19 décembre 2005

Aphorisme

Faites attention aux radins altruistes: ils vous prêtent l'oreille, mais leurs intérêts sont parfois élevés...

jeudi 15 décembre 2005

Aphorisme politique

Les politiciens ont si bien pelleté des nuages lors du «débat» (sic!) des chefs de ce soir qu'il n'est pas étonnant qu'on annonce 30 centimètres de neige demain.

mardi 13 décembre 2005

L'addition, s'il vous plaît!

Arrive le temps des corrections, le retour du balancier du temps des cathédrales…
Je dois les faire au café du quartier, un chaleureux mélange de fripperie et de café, afin de ne pas fuir dans de soudaines urgences ménagères telles que laver le plancher de l’entrée ou remplacer la pile de la télécommande orpheline qui ne fonctionne avec aucun appareil de la maison.

Avant la mise en chantier, je fais des petites piles sur ma table, je trie par groupe, j’aligne les stylos – un bleu pour la colère, un vert pour l’espoir, un rouge pour le sang – puis je retrie les travaux comme je planifie mes assiettées: les légumes en premier, ensuite les pâtes, la viande et le dessert, puis apparaît la note. Une grosse heure de préliminaires. Même Dame V. n'y croit pas. Mais je me trompe souvent et je me retrouve avec des haricots entre deux bouchées de gâteau, et une sauce chocolatée sur ma laitue.

Un jour, je vous raconterai les grilles de correction que j’utilise pour mes repas. D’ici là, j’ai un premier service à me mettre sous la dent…

lundi 12 décembre 2005

Liberté et Puissance

Tous les matins, je roule vers le boulot sur la même autoroute, empruntant les mêmes voies, abordant les mêmes courbes de la même manière. De l’autre côté du terre-plein, les banlieusards font la queue vers des paravents greiges et une promesse de chèque de paie. À la radio s’empilent bulletins météo, chansons prévisibles et pubs d’automobiles qui me promettent liberté et puissance.

À la hauteur de l’avenue Woodland, entre deux poteaux du garde-fou au centre de l’autoroute, il y a le cadavre d’une jeune biche, frappée par un véhicule il y a quelque temps déjà. Chaque fois que je passe par là, je me répète les mêmes trucs, dans le même ordre. Primo : il y a des cervidés à Beaconsfield? Secundo : elle aurait dû rester dans son ravage. Traverser une autoroute, quand on est un chevreuil, ce n’est jamais une bonne idée.

Pendant que je roule à 110 km/h, je me demande qui de nous deux est le plus brillant. Tous les jours, je suis une voie toute tracée, goudronnée, balisée. Quand je m'emmerde trop, je mets deux roues dans l’accotement, de l’autre côté de la ligne, pour prendre un peu plus que ce qu'on m'a donné. Mais même là, je demeure en marge, dans cet espace qui se définit par la norme, à mille lieux de ce dont je rêve parfois, un esprit libre qui n’est en réaction à rien. Je ne suis pas cette entité qui va où elle veut, où elle espère l’herbe plus verte, qui se fout des sens uniques et des garde-fous pour gens sains, et qui parfois traverse une autoroute devant le faisceau étroit des phares d’une voiture.

Tous les matins, malgré ses grognements et sa suspension assistée, ma boîte de tôle n’arrive pas à me faire oublier qu’elle roule avec le sang de la liberté sur sa puissance froissée.

vendredi 9 décembre 2005

Attention, je vous écoute...

Au sujet des promesses électorales...

«Ça te sort par une oreille, et ça te sort par l’autre.»
Véronique Boily

jeudi 8 décembre 2005

En Marge

Ils étaient une dizaine habillés en noir des pieds à la tête, celle-ci parfois coiffée d’un Fedora noir. Ça fumait des petits bouts de cigarettes qu’ils tenaient entre l’auriculaire et l’annulaire, la main à hauteur du nombril, la paume vers le ciel. Il y en avait un ou deux à qui j’aurais aimé parler dans le groupe, mais je ne fais pas partie de la sphère des poètes, des marginaux, des vrais. L’exclus aime l’exclusion, la provoque et l’entretient. La sienne et celle des autres. Car fort du poids de son groupe, le marginal crée sa norme et rejette ceux qui n’y correspondent pas. Rien de pire que le marginal grégaire. À les regarder, j’ai toujours cet étrange sentiment qu'on a devant un lac en octobre, qui oscille entre l’envie d'y nager et la joie de ne pas y tremper. Parce qu’il me faudrait toujours exhiber une douleur de vivre comme un Rockabilly expose ses tatous, parce qu’il faudrait que je devienne caractériel, parce qu’il faudrait que j’arrête de parler à trop de gens que j’aime pour être un vrai.

Pendant que je buvais ma bière avec des amis, eux, ils discutaient du dernier recueil de poésie de Jean-Philippe Bergeron, Débris des ruches. Enfin, j'ai supposé. Le livre semblait triste car ça ne riait pas beaucoup dans leurs rangs. Pendant que le groupe se serrait comme un troupeau de pingouins à 50 sous zéro, Bergeron m’a autographié son recueil que je souhaite aussi bon que le premier. Si c’est le cas, je suis mûr pour une retraite fermée de quelques semaines chez les moines. Qu’on ne se méprenne pas, c’est positif.

Puis le groupe s'est étiolé, tout le monde est parti, moi y compris. Je n’ai parlé à personne habillé en noir ce soir là. Un jour, je leur dirai qu’ils ont l'air chiants et imbus d’eux-mêmes. Dans le même élan, je leur dirai aussi de ne pas changer.

mardi 6 décembre 2005

Libéral 1, Bloc 0 (1 pt Godwin de Lapierre - qui perd gagne)

Allez, je vous explique un peu...

La loi de Godwin

«En 1990, Mike Godwin énonça la règle empirique suivante : "Plus une discussion [...] dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison avec les nazis ou avec Hitler s'approche de 1"[...]

On peut remarquer que n'importe quoi peut remplacer le nazisme dans l'énoncé de cette loi, en effet plus une discussion est longue plus on a de chance d'y mentionner n'importe quoi.

Cette "loi" s'appuie sur l'hypothèse selon laquelle une discussion qui dure dans le temps amène peu à peu les esprits à s'échauffer et à remplacer les arguments par des insultes. Le nazisme étant souvent considéré comme la pire des idéologies, toute comparaison avec un mouvement de ce genre est considérée comme le signe de l'échec de la discussion, du moins si le sujet de départ était très éloigné. On estime alors qu'il est temps de clore le débat, dont il ne sortira plus rien de pertinent, pour repartir sur des bases saines. On dit alors qu'on a atteint le point Godwin de la discussion.

L'expression point Godwin a, par extension, également pris un autre sens : un point Godwin est un point donné au participant qui aura permis de vérifier la loi de Godwin en venant mêler Hitler, le nazisme ou toute idéologie haineuse à une discussion dont ce n'est pas le sujet.»
(tiré de Wikipedia - Merci au Laborantin!)

Au delà de cette information amusante, je voudrais souligner la magnifique prestation théâtrale de Paul Martin dans le rôle du gars qui fait pitié mais qui va fêter courageusement Nouelle à Monrial quand même, en famille s'il vous plaît, malgré tout.

lundi 5 décembre 2005

Réflexions sur la lenteur

La lenteur est l’hésitation de l’indécis et l’assurance du sage, la faiblesse du vieux et la force de l’eau, l’impuissance du malade dans son lit et l’autorité du professeur entre les bureaux, la menace du vautour et le réconfort d’une caressse, l’usure du vent et l’approche du fauve, l’inflexibilité du temps et la clémence de la clairière, le doute de la destination et la certitude de notre destinée, l’âpreté de l’inexorable et la douceur du sable. La lenteur c’est la célérité du masochiste et le ralenti de l’épicurien, le rythme de l'ennui et la pause du jouisseur.

La lenteur, c’est tout ça, le retard et le désir, c’est le voyage comme unique motif.
Et parfois, après un soupir, on se surprend d’être arrivé avant même d’être à quai.