lundi 30 mai 2005

Et elle chantait.

Qui aurait cru que le Village de Nathalie cachait des ruelles de Thaïlande?

dimanche 29 mai 2005

mercredi 25 mai 2005

Il y a des matins

Il y a des matins de presque rien, où le temps meurt dans des draps bleu foncé. Il y a des matins où je retraverserais des océans en espérant secrètement ne jamais fouler d’autres terres que celles que j’ai labourées avec mes doigts. Il y a des matins où le soleil est déjà levé depuis quelques jours. Il y a des matins où on se couche. Il y a des matins où le café froid a gardé un peu de sa mousse. Il y a des matins où le chat du voisin attend qu’un poisson sorte de la bouche d’égout. Il y a des matins où sa peau est douce comme l'aile d'un papillon. Il y a des matins où la mort paraît chaude. Il y a des matins où je m’ouvrirais un restaurant, un bar, un hôtel de passe, les veines des poignets, n'importe quoi pour ne plus jamais partir. Il y a des matins où j’ai dix mille ans, une cravate de plomb et les yeux qui tombent sur les côtés. Il y a des matins où les vulves goûtent sucré le miel. Il y a des matins où les sourires sont sans raisons, irraisonnés, irraisonnables. Il y a des matins où son parfum s’accroche aux murs plus longtemps qu’à l’accoutumée. Il y a des matins où on cherche un mot et qu’on ouvre le dictionnaire directement à la bonne page. Il y a des matins où le mot dans notre tête n’existe pas. Il y a des matins qui n’existent pas. Il y a des matins où j’ai honte de cette médaille de l’armée russe que j’ai achetée d’un vieillard édenté en sachant lui prendre ce qui lui restait de gloire. Il y a des matins où j’achète des souvenirs pour presque rien. Il y a des matins édentés. Il y a des matins où notre histoire tient en une médaille. Il y a des matins qu'on contemple mais qui signifient si peu. Il y a des matins en mal de tête et en haleine du passé. Il y a des matins où je vomis toute mon histoire dans un seau en fer blanc. Il y a des matins tumeur, des matins cancer, des matins glaucome. Il y a des matins où je me soucie plus des cicatrices que des chirurgies. Il y a des matins scalpel, des matins suture. Il y a des matins où jouent à la radio la chanson dans ma tête. Il y a des matins où le facteur ne me laisse rien, me laisse tomber. Il y a des matins où je reçois des bouteilles de vin par Purolator pendant que coule le café et que meurent des enfants suspendus aux seins vides d’une mère trop sèche pour pleurer. Il y a des matins où je ne salue personne pour garder mes mains au chaud, là où elles comptent ce qui me reste de monnaie. Il y a des matins où je ne crois en rien, ni en dieu, ni en l’homme et sa douce, ni au journal, ni aux bourgeons. Il y a des matins où j’abdique, où je concède la victoire à ce moustique qui me tourne près de l’oreille depuis l’antiquité. Il y a des matins où mes espoirs se muent en peurs devant des tests de grossesse trop fatigués pour être clairs. Il y a des matins où j’essaie de plier des cuillers par la force de ma pensée. Il y a des matins où elles ne plient pas. Il y a des matins où je pense à tout ça et où je souris malgré tout le cinéma américain, malgré vous, malgré moi. Il y a des matins sans rien de tout ça. Il y a des matins que j’aime, pour rien, pour rire. Et il y a des matins où je crains qu’un soir, j’aie hâte de me coucher.

mardi 24 mai 2005

Attention, je vous écoute...

«Il faudrait qu'on se parle avant qu'on se souvienne de rien.»
Jean-François Domingue

vendredi 20 mai 2005

L'homme qui mangeait des mouches

Dans toutes les familles, on a un oncle rigolard qui fait des coups au téléphone ou invente des histoires à coucher dehors pour amuser la famille à Noël. Moi, j’en ai eu plus d’un, et l’un d’eux s’appelait Maurice.

Alors que j’étais petit, Maurice m’impressionait beaucoup. Quand j’arrivais chez lui pendant le temps des Fêtes, il me serrait toujours la main un peu fort et un peu trop longtemps, en me donnant une grande claque sur l’épaule. J'en perdais l'équilibre. Ça me gelait là. C'est qu'il était imposant: en plus de faire quatre fois la largeur de mon père, il avait survécu à une crise cardiaque, à la mort de quelques enfants et à une mise à pied digne d’une chanson de Richard Séguin. J’étais sûr que pendant la Deuxième Guerre mondiale, on l’avait envoyé au front, mains nues, pour faire peur aux Allemands. Il parlait fort, semblait gérer mes cousins comme une entreprise, et m’envoyait des clins d’oeil quand il lisait l'inquiétude s’installer au fond de mes yeux d’enfant. Il avait des mains grandes comme ça avec lesquelles il attrapait des mouches qu’il faisait semblant de manger. Même du bas de mes cinq ans, je savais qu’il blaguait. Mais au fond de moi persistait ce doute: et s’il les mangeait pour vrai, ce con?

Cet hiver, j'ai revu Maurice pour la première fois en près de vingt ans. Le temps lui avait redonné une stature humaine: il n’était plus si grand que ça, sa voix n’était pas si claironnante, mais il me serrait toujours la main un peu trop fort et un peu trop longtemps. Il avait l’air heureux et rigolait, fidèle à mes souvenirs.

Ce matin, on a enterré Maurice. J’ai croisé des cousins qui maintenant grisonnaient, des tantes qui rapetissaient, des petit-cousins que je n’avais jamais vus. Après le service funèbre, pendant que je mangeais un sanwich au jambon pas de croûte avec l’un des petits-fils de Maurice, une mouche s’est posée sur mon bras. Sous les yeux de mon petit-cousin de dix ans, j’ai attrapé la mouche et j’ai fait semblant de la manger. Puis je me suis enfilé un radis taillé en fleur, pour changer le goût, ai-je dit. Le petit m'a trouvé bien dégueulasse et en grimaçant, il est allé s’asseoir plus loin. J'ai rigolé. Il y a des héritages qui font sourire.

Je doute fort que saint Pierre existe, mais si oui, Maurice lui serrera sûrement la main trop fort et un peu trop longtemps. De toutes manières, le dernier clin d'oeil entre nous, c'est moi qui te le fais.

Salut Maurice!

Attention, je vous écoute...

«Est-ce que je pourrais avoir une blanche en flux avec une lime au citron?»
Mélanie Plante

mercredi 18 mai 2005

Quelqu'un prend son temps (et le mien en même temps)

Depuis une semaine, le facteur n’a rien laissé dans ma boîte rouillée. Ni enveloppe, ni lettre, ni mot. Pourtant le sac est lourd d’offres que je serais fou de laisser passer, de comptes pas réglés, d’images de plages photoshopées, de Bonne fête cher époux! imprimés en fioritures maniaques qui sentent l’hôpital, de magazines remplis de questionnaires parfumés sur le point G des jeunes filles, d’aubaines incroyables pour des trucs dont j’ignorais même l’invention, de chèques pour rembourser psy, pilules, impôts et oisiveté chômante.

Depuis une semaine, j’attends. Parce qu’on m’a dit que bientôt on me dirait oui, non, oui mais non, n’importe quoi. On me dirait quelquechose. Presque rien, s’il le faut; je comprends vite. Juste assez pour que je comprenne go, vas-y, corrige ici ou corrige-toi, crève mais pas avant d'avoir remboursé les frais de port. J’attends tellement fort qu’un non me soulagerait, qu’avec la blessure il apporterait sommeil et une bonne raison pour être triste.

Depuis une semaine, je simule en cachette ma réaction à un oui, à un non, puis j’essaie d’oublier, de prétendre ma vie, de ne pas bondir à la moindre sonnerie, de ne pas me mettre un comprimé de nitro sous la langue quand j’entends de gros mollets dans l’escalier extérieur qui mène à ma boîte rouillée.

Depuis une semaine, je fais du temps.

lundi 16 mai 2005

Complainte de l'écrit vain

Voilà. C’est la panne.
Un peu la peine aussi. La peine de la panne.
D’inspiration. De mots. Même mes doigts ne savent plus écrire n’importe quoi pendant que j’ai la tête ailleurs. J'attends désespérément une remise en marche. Parfois je me réveille la nuit en me disant « Ça y est! J’ai une idée! » Mais non, rien. C’était soit un moustique dans mon oreille, soit ma chatte qui s'étirait une patte, soit ma blonde qui faisait mmmm en se tournant sur le côté droit.
Depuis une semaine, pas une foutue lueur d’idée. Même sombre.
Je devrais en profiter pour corriger des travaux d’étudiants, rempoter mes plantes, chasser les moutons sous mon frigo. Naaaa... Je m’acharne. Je m'installe au clavier, je regarde la suite illogique des lettres. qwertyuiop. J'enfile un café. Combien d’électro-chocs avant le constat de mort clinique?
Sur la tablette au dessus de mon ordinateur me narguent une dizaines de cahier de notes. Je les entends me dire « Allez! Recycle du vieux stock! Mieux, copie tel quel de vieilles histoires! Donne-toi pas la peine d’en écrire de nouvelles, on est là! » Je refuse, orgueilleux. Je radote bien assez sans l’aide de mes vieux cahiers. Mon regard revient à mes doigts inertes sur le clavier, comme si je savais taper avec mes dix doigts. J’ai l’index gauche sur le F. Allez, appuie! F… F… Pas une maudite phrase qui commence par F me vient à l’esprit. Des mots? F… F… Fatigué. F… Foin. Fouine. Finlande. Femme. Flagada. Foireux…
Voilà.
Je me dis que dans mon calepin de notes récentes, il y a sûrement un bon truc, je peux pas croire…
Je feuillette.
Je n’ai rien écrit depuis des jours sinon que de pauvres débuts impossibles de chapitres dignes de Snoopy (c’était la nuit depuis quelques jours déjà…) ou quelques idées de personnages qui donnent envie de bailler (celui qui fait les sandwiches destinés aux distributrices). Les seuls trucs potables sont des citations d’autres personnes. Entre autres celle-ci qu’a retranscrite Jean-Philippe directement dans mon calepin, hier soir, entre deux gorgées : « Le hasard, c’est ce qui arrive de probable au détriment du possible. » C’est de Paul Valéry.
Voilà où j’en suis aujourd’hui : copier une retranscription d’une citation de Valéry. Mais j’avoue, elle est pas pire. Pas pire du tout, même.
L’hostie de Valéry.
Jamais j’écrirai des trucs du genre.

Voilà, c’est la panne.

**

Moi qui chiale contre les écrits genre la toune de Dubois (Qu’est-ce que tu veux qu’un chanteur chante?) ou les romans qui racontent l'histoire d'un écrivain qui sait plus quoi écrire, qui élèvent le manque d’inspiration au titre de muse, voilà que j’écris rien pendant une page.

Écrit vain.

jeudi 12 mai 2005

Aphorisme

Quand je ne me sens pas bien, j'ai aussi de la difficulté à sentir les autres.

mercredi 11 mai 2005

Aphorisme

Des peccadilles appellent parfois des torrents alors que d'autres tristesses assèchent tout, les yeux comme les coeurs. Pleurer vaut rarement la peine.

lundi 9 mai 2005

Attention, je vous écoute...

«Je crois que je deviens presbyte; j'ai le gland flou.»
Guillaume Vigneault

vendredi 6 mai 2005

Histoire sans ail

Texte écrit pour le collectif Coïtus impromptus (lipogramme en a,i et l - texte ne devant contenir ces lettres)

Un jour d’octobre trente et un, down town Toronto, deux des douze suceurs de cou s’entendent et ordonnent qu’on cesse d’user du _, du _ et du _. Une perte que compense dès ce moment un empêchement consommé et prudent d’user du mot _ _ _, en gousse ou en croûton. Une perte modeste, compte tenu de ce que douze suceux de menstrues empochent. Ce jour d’octobre, ces douze hommes vêtus de vêtements foncés fêtent un décès de mot, presque de concept, et se détendent: morte, cette peur en ventre! Tous prennent des scotches et ont des serveurs des bouchées de munster fondu. Un serveur répète pour tous: «Content de tteton!!» Ce joyeux groupe, un peu éméché, s’en moque et mord tout de même de douces bouchées de ses trente-deux dents dépourvues de peur. Brusquement, un truc mou se sent sous dents. Que croquent ces gens? Meux non… Peut-ce être?... Horreur funeste! Je ne vous résume ce reste. Des douze suceurs, zéro ne reste. C’est trop con: de prudentes pertes de _, _, et _, empêchèrent de comprendre des serveurs: «Cont_ent de _’___, _tten_on!» Et c’est comme ce que down town Toronto, ne reste personne de suceux, que des têteux.