lundi 16 mai 2005

Complainte de l'écrit vain

Voilà. C’est la panne.
Un peu la peine aussi. La peine de la panne.
D’inspiration. De mots. Même mes doigts ne savent plus écrire n’importe quoi pendant que j’ai la tête ailleurs. J'attends désespérément une remise en marche. Parfois je me réveille la nuit en me disant « Ça y est! J’ai une idée! » Mais non, rien. C’était soit un moustique dans mon oreille, soit ma chatte qui s'étirait une patte, soit ma blonde qui faisait mmmm en se tournant sur le côté droit.
Depuis une semaine, pas une foutue lueur d’idée. Même sombre.
Je devrais en profiter pour corriger des travaux d’étudiants, rempoter mes plantes, chasser les moutons sous mon frigo. Naaaa... Je m’acharne. Je m'installe au clavier, je regarde la suite illogique des lettres. qwertyuiop. J'enfile un café. Combien d’électro-chocs avant le constat de mort clinique?
Sur la tablette au dessus de mon ordinateur me narguent une dizaines de cahier de notes. Je les entends me dire « Allez! Recycle du vieux stock! Mieux, copie tel quel de vieilles histoires! Donne-toi pas la peine d’en écrire de nouvelles, on est là! » Je refuse, orgueilleux. Je radote bien assez sans l’aide de mes vieux cahiers. Mon regard revient à mes doigts inertes sur le clavier, comme si je savais taper avec mes dix doigts. J’ai l’index gauche sur le F. Allez, appuie! F… F… Pas une maudite phrase qui commence par F me vient à l’esprit. Des mots? F… F… Fatigué. F… Foin. Fouine. Finlande. Femme. Flagada. Foireux…
Voilà.
Je me dis que dans mon calepin de notes récentes, il y a sûrement un bon truc, je peux pas croire…
Je feuillette.
Je n’ai rien écrit depuis des jours sinon que de pauvres débuts impossibles de chapitres dignes de Snoopy (c’était la nuit depuis quelques jours déjà…) ou quelques idées de personnages qui donnent envie de bailler (celui qui fait les sandwiches destinés aux distributrices). Les seuls trucs potables sont des citations d’autres personnes. Entre autres celle-ci qu’a retranscrite Jean-Philippe directement dans mon calepin, hier soir, entre deux gorgées : « Le hasard, c’est ce qui arrive de probable au détriment du possible. » C’est de Paul Valéry.
Voilà où j’en suis aujourd’hui : copier une retranscription d’une citation de Valéry. Mais j’avoue, elle est pas pire. Pas pire du tout, même.
L’hostie de Valéry.
Jamais j’écrirai des trucs du genre.

Voilà, c’est la panne.

**

Moi qui chiale contre les écrits genre la toune de Dubois (Qu’est-ce que tu veux qu’un chanteur chante?) ou les romans qui racontent l'histoire d'un écrivain qui sait plus quoi écrire, qui élèvent le manque d’inspiration au titre de muse, voilà que j’écris rien pendant une page.

Écrit vain.

10 commentaires:

  1. T'écris même le vide avec quelque chose qui te ressemble. Y'a de la vérité dans tes vides (essaie V peut-être... plus inspirant?). D'ailleurs y'existe peut-être un Viagra pour les écrits vains!?!?

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  2. Inviter l’ami Ricard au souper. Il donne ça, lui, des pages noires.

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  3. J'aime bien le confectionneur de sandwiches pour les distributrices. Peut-être parce que c'est un personnage dans lequel je me reconnais.

    Hier au supermarché, une jeune femme, début vingtaine, a passé quarante minutes devant le comptoir de mets préparés et sandwiches à prendre des notes frénétiquement sur des pages blanches...

    Elle cherchait peut-être aussi l'inspiration, elle aussi. Quoi qu'il en soit, je suis convaincu qu'on ne s'est jamais autant attardé à l'oeuvre du patenteux de sandwiches.

    Finalement, elle n'a acheté que deux bananes et un avocat.

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  4. Coudonc, c'est dans l'air ou quoi ce "malaise"-là...
    Si au moins il faisait beau, on aurait un prétexte !
    Moi, je me botte le cul, je vais corriger un peu.
    Sinon je pogne des crampes dans le poignet !

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  5. Ton meilleur texte depuis un bout, tout de même... Comme quoi ce n'est pas toujours le sujet qui importe, souvent le style. Et puis, le jeune Mozart devait parfois avoir envie de jouer à la baballe plutôt que de s'installer au piano, non? Tu viens jouer avec moi? On se fera un concerto en ballon-chasseur. Au pire, on décrira ici notre journée le lendemain...

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  6. J'imagine l'écriture comme les jours qui se suivent et se ressemblent trop : il faut bien des jours pour un seul qui soit exceptionnel.

    Orgueil ? Tant mieux. Généralement, on se conforte trop dans la facilité. Écrire ainsi peut séduire, mais ça peut aussi effrayer.

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  7. Comme quoi on peut donner l'illusion d'un contenu juste avec la forme.

    Bien joué!

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  8. 1) Excuse-moi Dan, mais c'est trop bon:

    "T'écris même le vide avec quelque chose qui te ressemble."

    Ha ha ha haaaaa!!!

    C'est pas parce que c'est drôle qu'on rit...
    2)Tiens, un lecteur de Bukowski dans les rangs de tes lecteurs. Yeah. Il a raison.
    3)"Ta minoune faisait hmmm en s'étirant sur le côté"?
    4)C'est juste le blouze du soleil qui nous fait des boudins...
    J.R. xx

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  9. Serais-tu en train de rire de moi espèce de bachibouzouk? Je ne polluerai pas le site de Dan avec ce que je pense de toi, mais faudra règler ça à 3:00 près des cases. Pfff.

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