mardi 19 avril 2005

Duel sur l'autoroute

Ce matin, je roulais à 120 vers le travail. Rien ne pressait pourtant, mais la moto semblait avoir trouvé l’hiver très long.

Je suivais depuis quelques moments une de ces voitures-camions qu’on excuse par l’arrivée d’un enfant (à 2 enfants, je pardonne. À 4, je suis près de contribuer financièrement même si je ne connais pas les parents. Mais 1? Menfin.) Toujours est-il que dans la boîte de tôle huit cylindres devant moi, il y avait un monstre au sourire troué qui me regardait avec fascination. Je lui ai fait un salut de la main. Il n’a pas répondu. Petit con. Je lui ai donc fait une grimace. Il s’est caché jusqu’aux yeux derrière le dossier de la banquette, puis, sans prévenir, il m’a tiré une balle avec son index. Bang!

Merde! J’étais touché à l’épaule droite! Je ne pouvais laisser ce scélérat impuni. Il n’était pas vrai qu’un jeune gosse de banlieue aurait si aisément ma peau. Malgré la douleur, malgré le sang que je laissais par litres sur l’autoroute, je me suis penché sur mon réservoir. J’ai flatté les flancs de ma vaillante Honda puis j’ai accéléré. Arrivé à la hauteur de la camionnette, j’ai visé, un œil sur la route, un autre vers la cible. Bang! Bang! La fenêtre arrière a éclaté mais le petit monstre a ri, toujours indemne. Il a riposté. Ma moto en a pris une dans le radiateur. Elle a boucané aussitôt. Laisse-moi pas tomber, ma vieille…

Pour me fuir, la camionnette a signalé son intention de prendre la prochaine sortie. Je devais faire vite sinon je les perdrais. J’ai visé minutieusement. Un buisson sec a traversé l’autoroute en roulant. Close up sur mon œil à moitié fermé. Mon doigt tremblant sur la gâchette. Son plaintif d’harmonica. Bang!

Touché! Mon ennemi a laissé tomber son arme puis a mimé une mauvaise agonie pendant cinq bonnes secondes avant de disparaître derrière le banc du chauffeur. J’ai vu son père, le regard menaçant dans le rétroviseur, lui ordonner de se calmer. Puis, comme la camionnette s’éloignait lentement dans la voie qui menait à un boulevard quelconque, mon ennemi m’a fait au revoir de la main en riant. Salut cowboy! Intérieurement, je lui ai juré que la prochaine fois, je viserais son père.

Ce matin, pendant mon cours, j’ai passé mon temps à me masser l’épaule en souriant. Il y a des blessures qui font du bien.

12 commentaires:

  1. Comme quoi il est bon, oui, de garder son "coeur d'enfant" (je hais cette expression, mais c'est tellement vrai)!

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  2. C'est fou, j'allais faire un commentaire senti, ému, la petite fibre touchée par cette histoire mignonne...
    Et le commentaire de Pat m'a déconcentrée!!! ;o)

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  3. Elle est super cute cette histoire! Un vrai western des temps modernes.

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  4. Ah ! Si ce Demetan n'existait pas, il faudrait le devenir ;-)

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  5. Comme quoi l'âge adulte n'est qu'une vue de l'Esprit qui veut nous troubler et nous faire perdre le bon fil d'Ariane. La magie des conteurs réside peut-être dans cette part d'enfance qui nous permet de matérialiser nos rêves, peurs, fantasmes et autres délires.

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  6. J'ai toujours pensé qu'il y avait un danger à faire de la moto, mais si en plus les motocyclistes utilisent des armes, ou va-t-on ?

    Peut-être est-ce une façon de solutionner les problèmes de circulation que subissent les blanlieusard... placer des motocylcistes armés sur les routes menant à la ville ?

    ;-) F.

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  7. Fascinant ce plaisir du jeu.

    Une amie et moi nous disions récemment que nous pourrions monter une tente dans ma cours pour faire semblant que c'est un atelier de photo ou autre lieu de nos jeux d'enfance.

    Je ne pense pas que nous allons le faire, mais de l'imaginer nous fait tellement de bien.

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  8. La beauté dans l'univers des ptits, quand on vieillit, c'est d'arriver à s'y laisser aspirer avec quelque spontanéité. Exploit que ton texte réussit à merveille !

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  9. tu écris vraiment!! haha
    vraiment vraiment bien :)

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  10. Heureuse qu'il n'ait pas visé le coeur!
    Que ferait-on sans toi?

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  11. Zuper Sehr Gut!
    Je suis encore jealius...

    JR

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