jeudi 30 septembre 2004

Une Forêt au coin de Papineau

Ce matin, j'ai croisé un fou malheureux.
Rare.
Peut-être n'était-il pas si fou.

L'ennui avec la folie, c'est qu'elle n'est pas fiable. Un jour elle étreint, un jour elle jette du lest. Même les plus fous se trouvent parfois intelligents. Une clairière dans la forêt. Un rayon de soleil. Une gifle. Et c'est dans ces petites clairières que les fous sont le plus malheureux, quand la folie laisse suffisamment de conscience et de recul pour qu'ils puissent la voir. Mais la plupart du temps, ils ne se trouvent ni brillants ni fous. Ils se trouvent rien. Ils ne se trouvent pas.
Un carcan confortable qui sait se faire oublier quand il est bien serré, un carcan qui étreint l'esprit et lui donne des allures de saucisson, un carcan qui abaisse la bonne chair au titre de bourrelet.

Ce matin, au coin de la rue Papineau, un fou regardait la forêt qui l'entourait.
Et pleurait sans tendre la main.

mercredi 29 septembre 2004

mardi 28 septembre 2004

Spasme

Souvent, j'arrive devant cet écran avec la désagréable impression d'avoir tout dit. Du moins, ce que j'avais à dire. J'ai pas écrit un foutu livre.
Si j'étais romancier, j'en serais un d'un seul roman, un poète d'un seul poème, un chanteur d'un seul hit. Je serais Rony Griffith (vous vous souvenez de Desire?). À moins que je ne sois AC-DC; 23 hits avec une seule toune.
J'ai tout dit.
J'ai tout dit.
Je me répète.
J'ai tout dit.
J'étourdis.
Mais mes doigts continuent à marteler les touches du clavier, comme les pattes d'une araignée mal écrasée.
Est-ce la vie qui s'acharne ou la mort qui s'installe?
Spasmodique.

lundi 27 septembre 2004

Deux toasters

Plein d'amis (qui ignorent à quel point je les aime), plein de boîtes, un camion, un diable avec des strappes, une blonde un peu émotive, plein de trucs maintenant en double - une grosse vente de garage s'en vient -, de la pizza mangée sur des boîtes de Cottonnelle. Voilà le grand saut.
Périlleux.
J'ai un peu la chienne et je me demande parfois ce qu'il me faudrait pour que j'apprenne.
Je devrais être nerveux face à cette vie à deux qui se termine souvent en solitaire; j'ai le pessimisme - que certains appellent réalisme - de mes 35 ans, après tout.
Mais non.
Suis content. Suis heureux.
Et j'ai deux toasters.

Cours de poésie

Tony Tremblay lisait ses mots, livre à la main, petit micro sur la joue. On était quelques dizaines à écouter ses paroles sous les haut-parleurs du chapiteau devant le métro Mont-Royal sans voir le poète, à le chercher du regard. Pour se rassurer. Pour se convaincre qu'on ne se faisait pas conter d'histoires.

Et le poète marchait, livre à la main, en clamant son texte aux badauds, aux passants, à la file lunatique qui attend l'autobus. Un poète fou qui ne demande pas de trente sous, qu'on ne fuit pas, le regard sur le ciment. Un poète qui parle tout seul à des dizaines de personnes.

Puis on l'a vu, puis on l'a perdu, puis on l'a revu. Il rôdait autour de nous, insaisissable, alors que ses paroles continuaient de nous atteindre. Et il est arrivé sous le chapiteau, devant nous. Dernière phrase, ultimes mots. Réel. On s'était pas fait conter d'histoire. Tony Tremblay venait de lire un de ses textes en arpentant l'espace devant une station de métro et des gens l'écoutaient, sans le voir, alors que ceux qui le croisaient le croyaient un peu déjanté.

Quelque chose comme de la poésie pure.

jeudi 23 septembre 2004

L'heure de la montée de lait (mais 2, c'est mieux)

Un générique, c'est une forme de remerciement. Pour souligner tous les travailleurs de l'ombre. Ils ne sont pas connus, ils ne le seront jamais, mais une claque dans le dos de 2 secondes et demie, le temps que passe leur nom à l'écran, c'est bien. Merci Gérard, merci Alice, merci feuille d'érable et fleur de lys. J'en connais qui font pas mal de bassesses pour moins de reconnaissance.

Et voilà que Radio-Canada crache au visage de ses travailleurs en passant des pubs pendant le générique des émissions, ce qui laisse 1/4 de l'écran, en bas, pour voir défiler des noms à une vitesse folle. Même sur la coke, ça va vite. J'ai essayé. Comme si papa et fiston «Au bon marché» avaient acheté R-C. Pire que TQS et son demi écran en largeur qui compresse les noms et transforme Jonathan Larochelle en Jan Lache...

C'est comme si on mettait une pub en 4e de couverture de tous les nouveaux romans, avec dans le coin gauche, le visage de l'auteur derrière le code barre.

Un instant, peut-être que les Intouchables le font déjà. Je vérifie et je reviens.

Le Temps des châtaignes

Il se moquait littéralement de ma copine.
Je ne pouvais laisser passer cela. Je me suis levé pour lui dre deux mots, peu importe lesquels. À deux mains, le courage. Le tas de muscles devait bien faire 1 pied de plus que moi, et ma tentative d'explication se traduira inévitablement par une invitation à la bagarre dans son cerveau barbare.
Arrivé près de lui, je tente une poussée sur le gigot qui lui sert d'épaule. Une mouche. Il se lève.
Normalement, quand l'heure des châtaignes arrive, il est de rigueur de se lever. Pas de surprise.
Mais pas là. Ça m'a scié. Je croyais qu'il était déjà debout. J'ai eu droit à 2 secondes pour avoir une admiration infinie pour le courage de David contre Goliath.

J'ai gardé une dent contre lui, mais les femmes aiment bien les prunes quand elles en sont l'origine. Comme le fruit défendu.

Aphorisme

Se frotter le ventre n'a jamais fait avancer personne. Sauf les serpents.

mercredi 22 septembre 2004

Argumentation convaincante

Il y a quelques années, un de mes étudiants a composé un texte qui débutait comme suit:

«Depuis toujours, tout le monde ressent le besoin qu'il faut savoir lire et écrire. On n'a t-il besoin de savoir lire et écrire?»

Poser la question, c'est y répondre.

Droite Suisse dans un gauche anglais

Il commençait à se faire tard et le bar, désert. Nous étions quasiment les seuls assis à une table. Autrui discutait ferme, appuyé au bar. Ça rigolait partout.
Dans un anglais gauche, un jeune visiblement étranger sorti de nulle part (mais probablement d'ailleurs qu'ici) nous a demandé s'il pouvait s'asseoir à notre table. Il n'avait d'yeux que pour mon amie M-È assise à ma droite, et n'a guère prêté attention au tour de présentation. Elle a toujours été plus belle que moi, alors j'ai abdiqué. J'aurais abdiqué anyway.
Aussitôt assis, il a levé son verre. «To the Queen!»
J'ai eu une soudaine crampe au colon...

En moins de 15 minutes, on a appris qu'il était suisse, qu'il détestait les enfants et qu'il méprisait les femmes prêtes à laisser leur conjoint s'occuper du bébé pendant qu'elles travaillaient. De plus, malgré le fait qu'il était contre la militarisation, il portait une casquette de l'armée suisse (j'étais déçu, pas de tournevis ni de lame rétractable dans la palette) et il avait une fixation tout européenne sur les États-Unis. Il n'a même pas ri quand j'ai vanté les mérites des forces navales helvétiques...
Out. Mort. Next.
Retrait préventif automatique, nous sommes allés empoigner des bouts de bois pour empocher quelques boules de billard. Pour se protéger aussi.
Il a dû se demander ce qu'il avait bien pu dire. Seul à la table, il a surveillé nos manteaux une bonne quinzaine de minutes avant de partir à 2h48 pile.
Précision suisse.

Attention, je vous écoute...

«Ça sent l'eau chaude...»
Alexandre Beauchamp

samedi 18 septembre 2004

Aphorisme

À force de se pousser et de se tirer, on finit par se sentir pressé.

Signes de froid

Le cadavre d'une guêpe gît devant ma porte que je ne laisse plus ouverte.
Les feuilles des arbres rougissent d'embarras d'être aussi prévisibles.
La musique vibrante des voitures sport dérange de moins en moins.
Les filles n'ont plus de mollets, sauf pour quelques duveteuses.
Le bar s'éloigne de mon salon mais me sert toujours aussi tard.
Et ce matin, sans y penser, j'ai pris mon café à deux mains et l'ai siroté plus longtemps qu'hier.
Certains le diront de force, moi je lui dirai enfin.

Oups

C'est con, mais je vérifiais chaque fois.
Et ce matin voilà, je ne suis plus dans les favoris de Tony Tremblay.
J'aurais pas dû dire que j'étais prof de français...

jeudi 16 septembre 2004

Critique toujours...

Ils ont écrit (pour après me dire "ben quoi, vous comprenez ce que je voulais dire..." - Ben oui, mes étudiants me vouvoient souvent (eux!), mais ils disent aussi "Monsieur, tu veux tu que...") :

"Guillaume Vigneault nous prouve qu'il est le fils de son père."
"Les paragraphes se suivent sans s'en apercevoir."
"L'auteur décrit avec un vrai talent digne de soi."
"La vie est pleine de gars comme lui. S'ils n'existaient pas, la vie continuerait."
"Les personnages sont décrits avec munition."

Après on lira du Mistian Chrystal (un auteur fragile).

mercredi 15 septembre 2004

Now go home

Assis sur ma moto, en plein milieu d'un embouteillage, j'essaie de ne penser à rien, de ne pas prendre de pose. Mais ne pas prendre de pose, c'est déjà en prendre une. Ma barbe de 4 jours et mes lunettes fumées me donnent des airs de Hells. Pourtant, je n'ose même pas doubler la ligne de voitures par l'accotement. Alors doubler des lignes de coke...

Dans leur habitacle, tout le monde à l'air de la bête en queue pour l'abattoir. Silence épais de monoxyde de carbone. J'entends leurs pensées: «Stie qu'i' m'énerve quand i' chante...»; «22 ans à' même place...»; «Si j'avais un gun...» Un paquet de petits malheurs muets, de petites fins du monde que personne ne saura, trop occupé à la sienne.
Devant moi, sur le pare-choc arrière d'une vieille Escort verte et rouille immatriculée aux U.S. of A., un autocollant: «Welcome in New Hampshire! Now go home.»
Go home...
L'accotement m'appelle.
Tant pis pour les fins du monde.


***

Pour lui mettre un peu de pression...
Le blog d'Alexandre, un de mes anciens étudiants. Je les perds pas tous...


dimanche 12 septembre 2004

Idylle éthylique

J'ai soif
tu m'abreuves
je bois
tu me désaltères
je bois encore
je cale
je m'enivre
tu me grises
tu me saoules
je vide
je titube
tu me liquides.

samedi 11 septembre 2004

Femmes de foi

La foi a cette curieuse propension à nous quitter pour les mêmes raisons qu'elle vient à nous.
Comme beaucoup de femmes que j'ai connues.

jeudi 9 septembre 2004

Attention, je vous écoute...

"Un bébé, ça dure 2 ans."
Catherine Alix

À qui appartiennent les mots?

Ce matin, la pluie m'a obligé au transport en commun. Debout dans l'autobus, j'essaie de ne pas penser que j'en descends dans une heure, peut-être plus si la voiture devant n'avance pas bientôt. Autour de moi, plein de gens, tous le même air de pluie. À ma gauche, une superbe femme noire aux yeux bridés. La sonnerie de son portable est le thème de la Soirée du hockey, version Casio. Ça ne s'invente pas. À ma droite, une jeune gothique qui marche sur sa cape. Derrière elle, un gringalet de 9 pieds avec une barbe de Chinois (c'est-à-dire pas très touffue), vêtu de feuilles d'érable, question de me rappeler que je suis en territoire étranger: une feuille d'érable sur la casquette, un drapeau du Canada sur son sac à dos, un autre plus petit mais pas moins discret sur sa bretelle droite, une feuille d'érable avec un castor sur une jambe de son pantalon. Sur son t-shirt, on peut lire Cozumel, Mexico. Je n'y suis jamais allé et j'en ai de moins en moins le goût. Le gars à cet air idiot qu'on a quand on est dans la lune. Pauvre Cozumel.

L'ennui m'assaille et je choisis de lire une copie du journal Métro qui traîne. De toutes les nouvelles du monde, bonnes et mauvaises, c'est le blanchissage de Brodeur qui fait la une. L'autobus n'avance pas d'un poil. Je tourne la page. Je plonge dans une série de nouvelles qui tiennent en peu de lignes et encore moins de vocabulaire.

L'homme derrière moi se penche. Il ne peut faire autrement que de lire un peu, furtivement, à yeux de loup. Étrange cette impression qu'on nous vole quand quelqu'un lit le journal par dessus notre épaule, comme si les mots imprimés nous appartenaient.

Dehors, pendant que je me fais voler, il ne cesse de pleuvoir. Et la voiture devant n'avance toujours pas.

Attention, je vous écoute...

... mais des fois, je sais pas si je fais bien.

"Le temps est comme un raton-laveur qui se promène dans le bois."
Jean-François D'Aoust

mardi 7 septembre 2004

Au boulot!

Ce matin, exercice de concision. Mes étudiants devaient résumer une bande dessinée de Gotlib… La concision était au rendez-vous, mais... Voici l’histoire racontée par une huit d’entre eux.

Je vous jure, j’invente rien. Tout est d’origine; l’orthographe comme la peinture


Dans une région étrangés, il est habité un vieux bonhommes (…) qui fabrique des marionnettes de son état. (…) Cette soir, il prié sur l’étoile magique (…) La fée de l’étoile elle entra dans un chembre puis s’avensa ver la marionnette inerte puis le frappa avec quelque coup de baguette magique. La fée cria « lève toi et marche » puis la marionnette inerte se leva. Il s’appela Pinokenstein. (…) La marionnette a commencé sa vie et déjà il causes des problèmes. (…) car il n’avait pas une voix de conscience (…) Il se passe la ligne qui dessigne le patience de son père alors notre petit ami et puni et mettez dans la boîte de termites. (…) À la fin Jean rêvé pour un autre fils. Quand il se léve le prochain matin c’est de réalité.


La semaine prochaine, je compte bien aborder Jean-Saul Partre et la problématique contemporaine entourant l’usage abusif du subjonctif imparfait.

Problème d'élocution ou éloquent problème?

Pourquoi certains entendent "perdre mon temps" quand je dis "prendre mon temps"?

La vitesse du menton

Ce matin, le cégep était plus loin que d'habitude, mais la moto roulait vite et mon menton laissait des débris d'insectes dans son sillage. J'ai rien vu entre Lachine et Baie d'Urfé.
Ça m'inquiète toujours un peu de me rendre soudainement compte que je n'ai aucun souvenir des 5 ou 10 derniers kilomètres parcourus. J'étais où? Qui vivait pour moi pendant que je m'occupais à autre chose?
Trop de jours resssemblent à ces kilomètres perdus...

dimanche 5 septembre 2004

Aphorisme

S'éclater, c'est comme s'éparpiller, mais sans perdre son temps.

La Permanence du temporaire (ou le blog qui ne mène à rien)

Il y a plus de 4 ans, j'ai aménagé dans cet appartement en me disant que ce serait temporaire. Une sorte d'escale post-rupture, un oasis entre deux bouts de désert. Il était hors de question que je peingne quelque mur que ce soit; jamais a-t-on vu un itinérant peindre sa boîte de carton.

Ma co-loc de l'époque m'a toutefois convaincu d'au moins repeindre la cuisine. Ainsi soit-elle. On a alors troqué le bleu pour du vert. Mal de mer pour mal de coeur. Depuis, je mange dans le salon.

Jamais temporaire n'aura été si long. Du moins dans mon cas. Une temporalité qui se maquille en permanence. Avec l'arrivée prochaine de Dame V., j'ai abdiqué et on a choisi de se faire aller le pinceau. Dire qu'à une certaine époque, j'avais repeint un 4 ½ au complet pour 25$... Ok, on achetait les pots de couleurs manquées qui traînaient sous le «shaker» de peinture, mais bon... Faut aimer le rose-brun, le vert-brun, le brun-brun...

Tout ça pour dire que ce matin, des picots de peinture plein les bras, on a commencé à enlenver le ruban protecteur (du ruban «à masquer General Purpose», du ruban pour généralement maladroit, du ruban pour aller plus vite mais qui prend plus de temps) qu'on avait posé au plafond, dans les coins, autour des portes. Tirage, arrachage, grattage et grosses boules de papier collant. À chaque mètre, quand ce n'est pas la peinture qui avait réussi à baver en dessous, on arrachait un bout de la peinture qu'on avait voulu protéger...
Maudite affaire.

Je ne vois plus trop où je voulais amener cette histoire. Menfin. Il y a sûrement une morale à retenir. Je vous laisse le soin de la trouver. Moi, j'ai des retouches à faire...

vendredi 3 septembre 2004

La Tournée

Elle était assise là. Présente. Elle parlait fort, elle riait fort, elle sentait fort. Parfum haut de gamme. Vertigineux. Les effluves me passaient dix pieds par dessus la tête. Dans toute cette fumée, elle donnait l'impression de se gaspiller. Allez, gaspille-toi, chère.

Je ne la connaissais que depuis 15 minutes. Et encore, de vue. Déjà elle racolait tout ce qui avait des couilles autour de la table à coups de farces grasses. Elle se croyait dépositaire d'un charme irrésistible. Un McDo du charisme.

À l'aube du meurtre, je suis allé m'accouder au bout du bar. Oasis, tourelle, phare. Je suis resté juste pour voir lequel de mes cons amis sombrerait dans la facilité.

Elle est partie seule.

J'ai payé la tournée.

Aphorisme

Difficile, vieillir. Il faut devenir mûr et rester vert. On n'exige même pas ça d'un fruit.

Aphorisme

Pour voir les étoiles, il ne faut pas regarder la merde dans laquelle on marche.